Appel pour une journée de mobilisation le 24 mars
Le 20 mars, à 6h35, l’envoyé en Syrie de France culture, Omar Ouhamane expliquait: «En grande partie vidée de ses habitants, la ville d’Afrin est désormais livrée aux rebelles syriens. Depuis deux jours, les supplétifs de l’armée turque chargent leurs pick-up de tout ce qu’ils trouvent: nourriture, appareils électro-ménagers, motos empilées les unes sur les autres. Selon plusieurs sources, Afrin est le théâtre d’un chaos généralisé. Mais la Turquie ne veut pas en rester là. Le président Recep Tayyip Erdogan veut élargir l’offensive et écraser le rêve d’autonomie des Kurdes de Syrie. Plus à l’est, plusieurs villes sont dans le collimateur d’Ankara, la cité martyre de Kobané, toujours en ruine et qui se prépare au pire, Qamichli près de la frontière irakienne, sans oublier le verrou de Menbij. Problème à Menbij, des troupes américaines y sont stationnées. Les Turcs ont demandé un retrait des Etats-Unis de cette ville. Washington a répondu que toute attaque contre les Kurdes provoquerait une riposte des soldats américains. Les deux alliés de l’OTAN vont devoir négocier pour éviter une confrontation aux conséquences désastreuses.» Et, selon des responsables kurdes, plus de 200’000 personnes ont fui l’offensive menée par la Turquie, et se retrouvent sans abri et sans accès à l’eau et la nourriture.
Nous publions ci-dessous l’«Appel mondial pour une journée de mobilisation le 24 mars 2018»:
«Stop à la guerre de la Turquie contre le peuple kurde à Afrin!»
Défendez Afrin!
Soutenir la résistance est un devoir historique!
L’agression criminelle contre Afrin représente une nouvelle phase de la guerre de l’Etat turc contre le peuple kurde. Cette invasion génocidaire est menée sous les yeux de toute l’humanité. Elle ne serait pas possible sans la complicité des grandes puissances. Effarée par la résistance héroïque des Kurdes dans la lutte contre Daesh à Kobanê, la Turquie a brutalement rompu le processus de paix et semé la terreur dans la région kurde de Turquie qui a vécu d’atroces violations des droits humains au cours des deux dernières années, avec des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
Aujourd’hui, la guerre contre les Kurdes s’intensifie, avec l’invasion criminelle du territoire syrien par l’Etat turc. Les crimes de guerre contre le peuple kurde à Afrin sont des crimes contre l’humanité; et la résistance des Kurdes est une résistance pour l’humanité. Vive la démocratie directe et le modèle du confédéralisme démocratique mis en œuvre au Rojava!
Nous appelons à l’arrêt immédiat des attaques de l’armée turque contre Afrin, conformément à la résolution récente du Conseil de Sécurité de l’ONU sur un cessez-le-feu dans toute la Syrie; le retrait immédiat de l’armée turque, dont la présence à Afrin constitue une violation flagrante du droit International; et la participation totale et inclusive des Kurdes syriens et de leurs organisations au processus de paix mené sous l’égide de l’ONU pour une solution politique au conflit syrien.
La Turquie continue le bain de sang à Afrin, en violation de la résolution de l’ONU sur le cessez-le-feu !
Stop au génocide et au nettoyage ethnique menés par l’armée turque à Afrin !»
Cet appel est lancé par un grand nombre de personnalités. Parmi les premiers signataires : Dr Thomas Jeffrey Miley, professeur de sociologie politique, Université de Cambridge, Royaume-Uni;
Estella Schmid, Campagne contre la criminalisation des communautés (CAMPACC) Royaume-Uni; David Graeber, professeur d’anthropologie, London School of Economics, Royaume-Uni; Federico Venturini, écologiste social, Italie; Janet Biehl, Écrivaine et chercheuse indépendante, États-Unis; Joost Jongerden, Université de Wageningen, Département de sociologie et d’anthropologie du développement, Pays-Bas; Barbara Spinelli, avocate, Italie; Debbie Bookchin, journaliste, États-Unis; Joe Ryan, président de la Commission Justice et Paix de Westminster, Royaume-Uni; Jonathan Spyer; Julie Ward, membre du Parlement européen, Royaume-Uni; Kariane Westrheim, Professeur Université de Bergen, Présidente de l’EUTCC, Norvège; Dr Les Levidow, chercheur, écrivain, Royaume-Uni; Louise Regan, présidente de l’Union nationale de l’éducation, section NUT; Margaret Owen OBE, avocate internationale des droits de l’Homme, Royaume-Uni; Simon Dubbins, directeur d’International-UNITE, Royaume-Uni.
*****
Intervention de Farouk Mardam Bey (Souria Houria) lors de la manifestation parisienne du 18 mars 2018 en solidarité avec le peuple syrien
«En ce septième anniversaire du déclenchement de la révolution syrienne, nos pensées vont d’abord à nos concitoyens dans la Ghouta orientale, assiégés, affamés et bombardés sauvagement par l’aviation d’un régime sans foi ni loi, et par celle de son infâme protecteur russe. [Selon diverses sources, ce 20 mars 2018, il est confirmé que des personnes fuyant différentes villes de la Ghouta orientale sont arrêtées par les troupes de Bachar, entre autres des personnes liées aux services médicaux restants – NdR.]
Nous pensons en même temps à nos concitoyens kurdes d’Afrin et ses environs, victimes de l’agression turque et, comme tous les Syriens, du jeu cynique des puissants.
Nous pensons à nos morts, aux centaines de milliers de blessés-handicapés à vie, aux dizaines et dizaines de milliers de prisonniers qui subissent d’horribles tortures physiques et morales, aux plus de dix millions de réfugiés et de déplacés, à tous ceux qui manquent d’un toit ou de quoi se nourrir. Chacun d’eux nous appelle à ne pas baisser les bras, à nous mobiliser pour la Syrie, la Syrie martyrisée depuis des décennies par le régime le plus affreux de la planète.
Nous ne le dirons jamais assez: Peu de peuples dans le monde avaient autant de raisons de se révolter que le peuple syrien. Car il ne s’agissait pas d’abattre une dictature comme il y en a tant d’autres mais d’une tyrannie clanique, mafieuse et sanguinaire, qui a privatisé l’État, qui a transformé la Syrie en un royaume de la peur, qui a soulevé les communautés ethniques et confessionnelles les unes contre les autres, qui a fait main basse sur l’économie nationale, qui a commis des crimes odieux contre les peuples frères du Liban, de Palestine et d’Irak. Pas un de nous qui ne se souvient du massacre de Hama, des exactions perpétrées par les services de renseignement et les milices confessionnelles, des innombrables prisonniers politiques de toutes obédiences, détenus arbitrairement dix ans, quinze ans, vingt ans ou plus sans jugement.
***
Peu de peuples dans le monde, aussi, ont consenti, sept ans durant, autant de sacrifices que le peuple syrien pour se libérer, vivre dans la dignité, être une communauté de citoyens et plus jamais les sujets d’un sultan quel qu’il soit. Et ce peuple l’a fait dans des conditions régionales et internationales particulièrement défavorables : il défiait en se soulevant le rêve impérial insensé des ayatollahs iraniens, le militarisme et l’ivresse de puissance de la Russie de Poutine, sans oublier l’hostilité permanente et déclarée d’Israël comme des Etats-Unis envers tout mouvement populaire authentique dans le monde arabe. Les manœuvres et les conflits mesquins entre les pays, arabes ou autres, prétendument « amis du peuple syriens » ont lourdement pesé par la suite sur le soulèvement, de même que l’intrusion de djihadistes, majoritairement étrangers et manipulés par l’étranger, dont les agissements monstrueux étaient accueillis par la clique au pouvoir comme un don du ciel.
***
Tous les Syriens épris de liberté et de justice ont le sentiment d’être abandonnés par ce qu’on appelle encore, contre toute évidence, « la communauté internationale ». En enterrant chaque jour leurs morts, ils s’aperçoivent douloureusement de l’indifférence de l’opinion publique mondiale, de moins en moins pressée de se mobiliser pour des causes lointaines, surtout quand on lui agite à longueur de journée le spectre de l’islam. Mais le plus cruel est de voir autour de nous des personnes qui prétendent être des militants de la démocratie politique et sociale, des partisans du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, se saisir des prétextes les plus fallacieux pour renvoyer dos à dos le bourreau et sa victime, quand ils ne se laissent pas prendre par la propagande du régime jusqu’à excuser ses crimes, ou même les approuver. Peut-il être progressiste, un régime qui bombarde son peuple et s’acharne notamment sur les classes les plus démunies de son pays ? Peut-il être un modèle de modernité et de laïcité quand il tient sa cohésion d’un esprit de corps communautaire ? Peut-il être féru de l’indépendance nationale quand il livre son pays à la Russie et aux milices confessionnelles iraniennes et pro-iraniennes ?
Depuis l’irruption de Daech et ses horreurs délibérément spectaculaires, on a assisté en Occident à un retour progressif en grâce de Bachar al-Assad en tant qu’allié contre les djihadistes. Les dirigeants européens feignent d’oublier que le despotisme et le djihadisme sont des ennemis complémentaires qui prospèrent ensemble, cherchant chacun à se justifier par l’existence de l’autre. Ils n’ont en fait tous les deux qu’un seul et même ennemi : la démocratie. Ici même, en France, le président de la République et son ministre des Affaires étrangères disent la chose et son contraire, traitent Assad d’ennemi de son peuple et le jugent encore fréquentable, tracent un jour des lignes rouges qu’ils gomment le lendemain, et font semblant de ne pas s’apercevoir que la Syrie est un pays occupé. Et pendant ce temps-là la tuerie se poursuit. Rien qu’en 2018, alors que la Russie trompait le monde avec la fiction des « zones de désescalade », des milliers de personnes ont péri aux quatre coins du pays sous les bombes de son aviation et de celle de Bachar al-Assad, et celui-ci ne cache pas sa volonté de déporter la population et de la remplacer par une autre qui soit à son goût. Et rien n’est fait, absolument rien, contre ces monstres.
***
Aujourd’hui, plus que jamais, les Syriens ont besoin qu’un large mouvement de solidarité, avec des mots d’ordre clairs, s’organise partout dans le monde en leur faveur, combinant aide humanitaire à la population sinistrée et soutien politique à toutes les forces qui militent pour une solution politique juste et durable. Et la seule solution qui l’est vraiment, juste et durable, c’est-à-dire la seule qui ouvrirait la voie à la paix civile, est celle qui commence par mettre hors d’état de nuire la clique qui a conduit le pays, par son obstination criminelle, à la situation tragique dans laquelle il se trouve.
Le sang syrien a trop coulé.
- Il tombera tôt ou tard sur la tête de ceux qui l’ont fait couler.
- Il tombera aussi sur ceux qui les ont laissé faire.
- Non à l’impunité des criminels.
- Nous n’oublierons jamais, ne pardonnerons jamais.
- Et que vive la Syrie libre et démocratique !
This appeal shows the problems with the solidarity work in relation to the Syrian revolution. Instead of making a declaration in solidarity with the Kurdish people in Afrin it is in reality a call for solidarity with the PYD/YPG and their concept of “confederalism.”
The “Vive la démocratie directe et le modèle du confédéralisme démocratique mis en œuvre au Rojava!” is more than naive and covers up the PYD/YPG repression of all other political movements (Kurdish or not) in Rojava.