Plusieurs centaines de milliers de manifestants convergent, dès ce matin du 1er février 2011, vers le centre du Caire pour réclamer le départ du président Moubarak. Une grande manifestation a également lieu dans le centre d’Alexandrie.
L’opposition pourrait bien gagner son pari: que durant cette journée du 1er février 2011 un million de personnes soient dans la rue. Selon Al-Jazira, le nombre de manifestants serait d’au moins 1 million au Caire. Selon une chaîne arabe, Rassd News Network, 300’000 personnes manifesteraient à Suez, 250’000 à Mahallah, 500’000 à Alexandrie. L’opposition refuse tout dialogue avant le départ du président Moubarak.
Une coalition d’opposants à Hosni Moubarak a prévenu le gouvernement égyptien qu’elle n’engagerait pas le dialogue sur une transition politique avant le départ du chef de l’Etat Mohamed al-Beltagi, ancien député des Frères musulmans a déclaré: «Notre première exigence est le départ de Moubarak. Seulement après cela, un dialogue pourra débuter avec la hiérarchie militaire sur un transfert pacifique du pouvoir». Mohamed al-Beltagi a rappelé que la coalition de l’opposition regroupe les Frères musulmans, l’association d’al-Baradei, divers partis politiques et des personnalités politiques représentant notamment les coptes.
L’armée égyptienne se trouve en première ligne puisqu’elle a indiqué lundi soir qu’elle estimait «légitimes» les revendications des manifestants. Mais les militaires n’ont pas lâché, pour l’heure, le président Moubarak.
De nombreuses personnes ayant passé la nuit sur la place centrale du Caire ont été rejointes progressivement par d’autres manifestants. Des hélicoptères survolent le centre du Caire et l’armée contrôle de nombreux accès au centre-ville. Pour empêcher les mouvements vers la capitale, le trafic ferroviaire a été suspendu. La télévision d’Etat multiplie les appels afin que les gens restent chez eux, car le «risque de violence» est grand. L’effet de ces appels ne semble pas très grand.
Depuis ce matin, internet est bloqué et le service de messagerie mobile, très perturbé. Pas de quoi décourager cependant les manifestants.
Face à l’évolution de cette situation, le nouveau vice-président, Omar Souleimane, a été chargé lundi par le président d’ouvrir un dialogue immédiat avec l’opposition.«J’ai été chargé par le président de la République d’entreprendre des contacts immédiats avec toutes les forces politiques pour discuter de toutes les questions et notamment des réformes constitutionnelles et législatives», a-t-il déclaré.
Si l’armée se dit favorable à la liberté d’expression, elle a toutefois mis en garde contre toute violation de la loi, c’est-à-dire les casseurs et les pilleurs. Selon diverses sources, des dizaines de milliers de manifestants ne peuvent atteindre la place Tharir (Libération). Ils s’arrêtent et organisent le cortège là où ils se trouvent. Ils déposent des fleurs sur les tanks et les soldats le laissent. Le sentiment d’avoir rompu avec ladite «passivité» – caractéristique souvent mise en avant par des «experts» – est une des caractéristiques de cette mobilisation qui dure et s’amplifie depuis 8 jours.
«Le plus grand rassemblement de l’histoire»
L’ampleur des manifestations doit être envisagée à partir d’un fait: l’établissement du couvre-feu. Il rend plus difficile de se déplacer au Caire et à Alexandrie. Donc l’actuelle mobilisation acquiert encore plus de force politique et symbolique.
Diverses mesures sont prises par les organisateurs – multiples – pour éviter «l’infiltration de casseurs et de pilleurs» ce qui pourrait braquer des secteurs de l’armée qui jusqu’à présent a fait preuve de bienveillance.
Autre sujet de discorde, la tentative de récupération de la part de forces politiques du mouvement des jeunes. A Alexandrie et à Mahallah dans le delta, c’est la confrérie des Frères musulmans qui s’est placée au premier rang et les jeunes manifestants au Caire ne le souhaitent pas.
Mohamed al-Baradei représentant de l’opposition égyptienne, a prévenu, dans le quotidien britannique The Independent, que si le président «veut vraiment sauver sa peau, il ferait mieux de partir. Quand un régime retire complètement la police des rues du Caire, quand les casseurs font partie de la police secrète pour essayer de donner l’impression que sans Moubarak, le pays plongera dans le chaos, c’est un acte criminel». Plus tard, l’ancien dirigeant de l’AIEA a demandé, sur la chaîne de télévision al-Arabia, au président Moubarak de partir d’ici vendredi. Certains experts occidentaux sont cependant sceptiques sur le rôle que pourrait jouer Mohamed al-Baradei dans son pays. C’est le cas de Denis Bauchard, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut français des relations extérieures. Pour lui, Mohamed al-Baradei est «un personnage respecté mais aussi un homme très seul qui n’a pas de parti».
Le Premier ministre turc Erdogan a exhorté le président Moubarak à «satisfaire sans hésitation la volonté de changement» de son peuple. Le chef du gouvernement turc a par ailleurs reporté à une date ultérieure une visite qu’il devait faire en Egypte. Il a indiqué que cette visite n’était annulée mais qu’il espérait réaliser ce voyage «une fois que la situation retournera à la normale».
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La famille Moubarak en fuite
Comme il fallait s’y attendre, les proches de Moubarek commencent à prendre leurs précautions. Ainsi, et si l’on croit aux organes de presse britannique et sites d’information arabes, la famille de Hosni Moubarak a fui mardi soir en direction de Londres. D’après ces sources, la Première dame d’Egypte Suzanne Moubarak et ses fils Alaa et Gamal Moubarak seraient arrivés à l’aéroport d’Heathrow à bord d’un jet privé. Le site arabe Akhbar al-Arab précise que le clan Moubarak serait arrivé avec pas moins de 97 bagages. Une précision qui laisse présager un séjour prolongé en Europe. Qu’il y ait parmi ces fuyards, le fils du président égyptien Hosni Moubarak, considéré comme son successeur indique, par ailleurs, que la panique s’est, bel et bien, emparée de la sphère du pouvoir en Egypte.
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