France. La mobilisation du 5 mai 2013. La montée d’une «contestation de gauche» à la politique de Hollande

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et prises de position

Dans la presse française fait rage une bataille de chiffres sur l’ampleur de la manifestation appelée, initialement, par le Front de Gauche – soutenue entre autres par le NPA (Nouveau Parti anti-capitaliste). Selon les études photographiques les plus sérieuses, quelque 100’000 personnes ont défilé de la Bastille – par Rue de Lyon, Boulevard Daumesnil, Boulevard Diderot – jusqu’à la place de la Nation. On est loin du chiffre de J.-L. Mélenchon: 180’000 et de celui de la police. Une confirmation d’un désaveu croissant de la politique du président François Hollande et du gouvernement dirigé par Jean-Marc Ayrault. On trouvera ci-dessous une intervention vidéo d’Olivier Besancenot du NPA; un article de François Sabado du NPA; d’un débat publié par le site Mediapart entre Jean-Luc Mélenchon et Pascal Durand d’Europe Ecologie-Les Verts; de deux récits de la manifestation: l’un par Libération, l’autre par le site Rue89. (Rédaction A l’Encontre)

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Mélenchon, premier ministre?

Par François Sabado

Mélenchon a-t-il pété les plombs? Comment expliquer la dénonciation quasi-systématique de la politique d’austérité du gouvernement Hollande–Ayrault et sa proposition de devenir Premier ministre du même Hollande? Comment en même temps exiger un «grand coup de balai», une Vie République, et se mouler dans les habits d’un Premier ministre de Hollande président de la Ve République??Dans ses diverses interventions, Mélenchon nous donne une première réponse: «Le Front de gauche est dans la majorité actuelle. Hollande a déplacé le curseur vers la droite, vers les «Solfériniens» [allusion au siège du PS rue Solférino]. Je veux qu’on change le centre de gravité et qu’on applique une autre politique.»

Ce ne serait qu’une question de position du curseur. Comment se réclamer d’une majorité qui, vote après vote, à l’exception de la loi pour le mariage pour tous, fait une politique d’austérité au service du patronat, et tourne le dos aux intérêts de classes populaires? N’y a-t-il pas là une contradiction? ?Mélenchon en rajoute une couche: il revendique maintenant le poste de Premier ministre de Hollande et de sa majorité parlementaire. Alors, bien sûr il nous dit: C’est pour appliquer ma politique»…

Mais, croit-il, surtout dans le cadre des institutions de la Ve République, que le Premier ministre d’un président et d’une chambre dominée par le Parti socialiste, appliquera une autre politique que celle du parti dominant? Il y aura, au mieux, une cohabitation où le président et sa majorité social-libérale auront le dernier mot ou, au pire, une politique de conciliation qui fera endosser au Front de gauche les mauvais coups contre les classes populaires. La posture de Mélenchon comme potentiel Premier ministre est hasardeuse. Elle fait sourire, mais elle traduit bien ses propres contradictions.

Proclamations ou ruptures?

La brutalité des politiques d’austérité social-libérales le conduisent à s’opposer au gouvernement. «Nous avons été maltraités» dit-il, ce qui permet de possibles convergences, comme à l’occasion de la manifestation du 5 mai. Mais dans le même temps, Mélenchon ne se résout pas à rompre les liens existants avec le PS. Il répète qu’ils sont dans la même majorité» et veut «être leur Premier ministre», ne revendiquant pas clairement la nécessité de construire une opposition de gauche au gouvernement.

De même, comment expliquer que l’on veut une VIe République tout en voulant être le Premier ministre d’une Ve République dominée par la toute-puissance du président? Ce double discours ne peut que relativiser la portée des proclamations pour une VIe République, qui devient alors un simple changement de numéro, avec quelques modifications constitutionnelles limitées (le Front de gauche ne remet pas en cause l’élection d’un président de la République) plutôt qu’une véritable rupture démocratique.

Nous savons ce que Mélenchon opposera à nos critiques: le NPA ignore les questions de pouvoir et la nécessité d’une alternative politique, alors que lui y est candidat. Et effectivement, c’est là que nos vues divergent. Bien entendu, la gauche anticapitaliste doit développer une alternative, un programme d’urgence sociale et démocratique qui mobilise pour amorcer une rupture avec le système capitaliste, avec la perspective d’un gouvernement anti-austérité au service des travailleurs et de la population. Mais au nom d’une obsession pour le pouvoir, on ne peut pas faire n’importe quelle politique.

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Le débat Mélenchon-Durand

Dedans ou dehors? Dans la rue ou à la table du conseil des ministres? Pascal Durand, secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts, et Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, ont débattu jeudi soir en direct de Mediapart. D’accord sur la nécessité d’une VIe République, mais divisés sur les moyens d’y parvenir.

«Je prends l’engagement devant tout le monde d’aller manifester le 5 mai si le Front de gauche, le Parti communiste et le Parti de gauche viennent au gouvernement avec nous pour essayer d’agir», a fini par lâcher Durand. «Où est-ce que nous sommes utiles? En essayant de renverser la table à temps», lui a répondu Mélenchon.

Tous les deux sont tombés d’accord sur un premier point: la critique de la Ve République, une hyperprésidence (qui) déresponsabilise toute la hiérarchie des pouvoirs à l’intérieur de la République» et qui devrait nous amener à «éclater de rire» devant cette Constitution soi-disant stable mais «qui a changé 24 fois, une fois par an au cours des dix dernières années» (Mélenchon) ou qui est «viscéralement a-démocratique, scandaleuse sur son mode de fonctionnement à tous les niveaux» (Durand).

Le leader du Front de gauche de poursuivre: «Il faut aller au fond de la critique de la Ve République. Pas seulement s’arrêter à l’aspect monarchie constitutionnelle, il faut bien réfléchir à ce qui a été visé par ce type de régime, c’est le césarisme, c’est-à-dire une manière de surplomber les rapports de force entre les classes. C’est tant mieux avec des gens qui ne croient pas à la lutte des classes mais comme je l’ai déjà dit, la lutte des classes ce n’est pas une affaire de conviction personnelle, on peut aussi ne pas croire à la loi de gravitation universelle mais je vous recommande de lever les pieds dans les escaliers, parce que sinon vous aurez vite la démonstration de l’existence de la loi. Donc ces gens qui nient la lutte des classes se trouvent encore plus à l’aise dans la République à façade technocratique mais dont le fond de l’affaire est la négation du fait que des intérêts contradictoires travaillent la société. C’est à ça qu’il faut réfléchir: que fait-on de ces intérêts contradictoires quand on est un démocrate et un républicain, qu’on est un démocrate pour pouvoir être un républicain? Comment se sort-on de cette affaire? Eh bien, d’abord en reconnaissant ce conflit, en n’étant pas dans le déni de ce conflit. Or toutes les politiques que nous entendons sont bâties sur le déni du conflit. Il y aurait un intérêt supérieur défini par une loi, abstraite, économique qui serait la concurrence libre et non faussée, le marché qui alloue correctement le capital, et toutes ces balivernes qui sont l’habillage d’une dictature d’une minorité sur la majorité.»

Comment dans ce cas arriver à la VIe République? «Je considère qu’il faut construire des majorités, parce que la Ve République on ne va pas la décréter, on ne va pas l’imposer par la force», dit Pascal Durand, qui poursuit: «Lorsque Jean-Luc Mélenchon dit “je veux être premier ministre pour changer la politique”, la réalité, c’est que ce n’est pas simplement une question d’homme, c’est que pour mettre en place le programme que Jean-Luc Mélenchon veut porter, pour mettre en place les évolutions, les transitions que la société française doit mettre en œuvre, il faut que l’on crée les conditions de cette majorité, et nous ne pouvons pas le faire, dans une logique démocratique, par l’agression, par le conflit ou par la logique bloc contre bloc.»

Marcher ou pas?

C’est pourtant bien un bloc que veut constituer Jean-Luc Mélenchon, qui explique ainsi sa «stratégie»: «Nous avons constitué une force pour franchir un seuil de crédibilité dans un espace politique où les socialistes étaient devenus totalement hégémoniques et où on ne pouvait plus dire une parole puisque, à la fin, on était enchaîné au char du vainqueur. (…) Notre idée est qu’étant déclencheur se constitue un front du peuple qui a une vocation révolutionnaire. C’est-à-dire que se constituant en assemblée citoyenne, il vienne à s’emparer de la question du pouvoir et de son exercice.» «C’est pourquoi l’acte fondateur de la VIe République, poursuit Mélenchon, ce n’est rien de son contenu qui au fond sera défini par les constituants, l’acte fondateur, c’est l’acte qui fait que le peuple se saisit de la règle du jeu commune pour se refonder lui-même.»

SYRIZA-Paris dans la manifestation du 5 mai 2013
SYRIZA-Paris dans la manifestation du 5 mai 2013

Et pour lui, le premier acte de cette refondation passe par la marche du 5 mai, une «réponse à la tétanisation de cette politique, à sa personnalisation»«Notre modèle, ce sont les marches en Espagne ou au Portugal», précise-t-il. Pascal Durand, qui n’appelle pas à manifester même si certains dans son parti ont fait savoir qu’ils seraient dans le défilé dimanche, reproche au Front du gauche sa méthode: «Lorsque l’on veut faire une manifestation unitaire, on se met autour de la table en amont de cette manifestation, c’est simplement une question de respect de l’autre, une construction ensemble de collaboration, et on définit ensemble la raison pour laquelle on veut marcher le 5 mai. C’est la condition de la réussite: on se met en discussion et on dit quels sont les objets, les enjeux de cette manifestation. Et là effectivement on a une capacité de voir soit des convergences, soit des divergences. Ça n’est pas ce qui s’est passé. (…) On aurait dû en discuter en amont car on se serait mis d’accord sur le fond.»

«La marche du 5 mai va rassembler des gens totalement différents, répond Jean-Luc Mélenchon. Certains viennent qui nous sont totalement hostiles, et qui sont hostiles au Front de gauche d’une manière dont vous n’avez pas idée, je pense à Olivier Besancenot, qui met carrément sur ses affiches “On ne vient pas pour la VIe République”. Mais je trouve bien qu’ils soient là parce qu’ils concourent à la conscientisation.»

Mais pour Durand, cette marche du 5 mai 2013 n’est de toute façon qu’«un moment, un tout petit moment, tandis que la participation au gouvernement, la construction d’une majorité, c’est 5 ans. Moi je ne veux pas que cette majorité échoue. Elle est en train de prendre une orientation qui n’est pas celle que nous souhaitons qu’elle prenne notamment sur les sujets économiques et sociaux. Il y a des avancées sur la justice, le logement, etc. Mais je dis “venez nous aider” parce que si nous échouons, dans quatre ans, ce qui risque d’arriver sera extrêmement grave.»

Cette question de la participation a d’ailleurs été longuement débattue. Durand: «Notre responsabilité, c’est: où est-on le plus utile, le plus actif, le plus en capacité d’agir? Nous, nous considérons que cette capacité nous l’avons en agissant dans le cadre de cette majorité, et dans le cadre du parlement et du gouvernement. Parce que nous considérons qu’en l’état nous n’avons pas le droit de rester en spectateurs ou en commentateurs de la vie politique. On a envie d’être sur le terrain, on a envie de remonter nos manches, et de se dire tous les jours “qu’est-ce que j’ai fait pour faire changer les choses?”»

«Où est-ce que nous sommes utiles?»

Cette question en suscite d’autres, posées par Mélenchon: «Qui a divisé le front social? Le gouvernement. Qui a divisé la gauche en nous ostracisant? Ce gouvernement. Donc il y a une contradiction de méthode et c’est ça qui m’amène à dire “comment ramène-t-on au combat?” Car il y a de la désillusion. Il y a ceux qui croient Hollande, qui se disent “ah il est brave, il avait dit qu’il allait tout changer mais il ne peut pas, si lui-même il dit que ce n’est pas possible, c’est que ça ne doit pas être possible donc je rentre à la maison, je ne fais plus rien” et d’autres disent “ah mince, on s’est encore fait avoir, pourtant ils ont l’air braves, Mélenchon aussi il a appelé à voter Hollande au second tour, je les ai crus, bon sang, je me suis encore fait avoir, je reste à la maison”. Donc tout cela répand de la résignation, de la démoralisation. Ce que nous essayons de faire, c’est de recréer de la conscience, de l’envie, et ça forcément c’est de la lutte, car la vie est faite de luttes, de contradictions, d’oppositions. Il n’y a pas de honte à dire “je ne suis pas d’accord”.»

«Inversons la situation: on sort du gouvernement, on sort de la majorité. Les lois dont on parle, elles ne sont plus votées demain matin? La République s’arrête? Non», réplique Pascal Durand. «Ce que nous faisons, c’est que nous essayons à l’intérieur de cette majorité, pas en nous taisant mais au contraire en portant la réalité du changement que nous voulons voir mis en œuvre, c’est de modifier les choses, de les changer. Et ça prend du temps, parce qu’il faut arriver à convaincre la majorité. Moi je dis que je pèse plus en étant à la table du conseil des ministres.»

«Où est-ce que nous sommes utiles? En essayant de renverser la table à temps», répond Jean-Luc Mélenchon. Selon lui, «aujourd’hui ce qui remplit les fourgons de Mme Le Pen, ce n’est pas l’opposition du Front de gauche, c’est que la droite est en train de faire un bloc idéologique homogène et donc ils ont la dynamique. Ils ont eu un chef de droite décomplexé, M. Sarkozy, nous on a des chefs de gauche complexés, qui sont en fait une droite complexée comme l’a dit Laurent Mauduit – il n’est pas loin de la vérité quand il dit cela. Ce sont eux qui démoralisent, qui désorganisent. Notre camp est divisé, le leur est uni. Ce n’est quand même pas moi qui ai décidé d’annuler l’amnistie syndicale. La proposition vient de Bernard Thibault à la CGT, je la récupère pour le Front de gauche et le président me dit “c’est très intéressant, tu as raison, je le note, il faudra qu’on mette ça dans la conférence sociale”. Quelle raison j’avais de ne pas croire François Hollande? Mais non seulement il change d’avis, il l’impose aux députés, mais en plus il le fait dire – c’est ce que j’appelle un procédé solférinien parce que c’est en écho avec une autre qualification – par un homme qui a passé toute sa vie, Alain Vidalies, comme avocat, à défendre des causes sociales, un type droit et digne, pour qui j’ai un respect personnel immense. C’est à lui qu’ils font faire cette annonce, à quelqu’un dont toute la vie de militantisme est le contraire du refus de l’amnistie. Nous avons affaire à un pouvoir qui multiplie les méthodes brutales, méséducatives, démoralisantes, décourageantes, et moi, j’essaye avec le Front de gauche de créer du conflit pour créer de la conscience, parce que la conscience naît du conflit pas du consensus.»

Durand: «Sur la loi d’amnistie, je réponds “on l’a votée au Sénat” et rien ne dit qu’elle ne sera pas votée à l’Assemblée nationale, parce que moi, je crois que dans la situation sociale qui est la nôtre, il faut effectivement envoyer des signaux forts d’apaisement social, et parce que ça va avec la logique de ce gouvernement qui a voulu mettre le dialogue social, qui a voulu respecter à nouveau les partenaires sociaux. Parce que j’entends les critiques sur l’ANI, mais remettre les syndicats autour de la table, c’est tout de même une rupture avec ce que faisaient la droite et Nicolas Sarkozy qui méprisait les corps intermédiaires.»

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«La période d’essai est terminée, le compte n’y est pas»

Par Marie Piquemal

Beaucoup sont venus avec leur balai. Il y en avait de toutes les sortes et pour tous les goûts, sur la place de la Bastille, à Paris, ce dimanche après-midi. Des longs, des petits, des rabougris, des feuillus, en bois ou en plastique. Certains peinturlurés en vert et rouge fluo pour l’occasion, d’autres directement sortis du placard de la cuisine. 50’000 personnes environ selon nos estimations (180 000 selon les organisateurs), ont répondu à l’appel du leader du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon qui invitait à manifester «pour une VIe République», «contre l’austérité et la finance» et pour passer un «coup de balai».

Enora, 15 ans, galère avec sa pancarte bien trop grande pour son poids plume. Elle est quand même fière de sa formule, chipée à John Lennon «On m’a demandé ce que je voulais être plus tard. J’ai dit: être heureuse». «Je ne savais pas trop quoi écrire. Et puis, je suis tombée sur cette phrase sur Internet et je trouvais que ça collait plutôt bien avec ce que je ressens». Elle habite à côté de Sens, dans l’Yonne. Ses potes n’ont pas vraiment compris pourquoi elle voulait manifester aujourd’hui. «C’est clair que je suis la seule du collège à être là. Mais, je voulais venir, pour ne pas rester sans rien faire.»

A ses côtés, son père, Eric, employé à la chambre d’agriculture. Lui a choisi d’écrire sur son bout de carton: «Le travail n’est pas un coût, il crée de la richesse». Une façon de se rebeller contre ce discours ambiant qui l’exaspère. «A force de matraquage, c’est entré dans les têtes: les gens pensent que travail égale coût, c’est quand même désolant un tel défaitisme.» Il y a un an, il a voté Mélenchon au premier tour, Hollande au second. «Sans aucune hésitation. Je pensais vraiment qu’il y aurait enfin une politique de gauche. J’y croyais. En réalité, je me suis trompé. La preuve: on continue à parler de coût du travail…»

«Déception dans les hommes et dans les idées»

Accoudés à une rambarde, un peu en retrait, Marie-Anne et Marc. Ils n’ont aucune pancarte, balai ni même une trace d’autocollant. Ils ne sont pas encartés, «justes sympathisants PS». Tous les deux ont voté, avec élan, Hollande au premier et second tour le printemps dernier. «On attendait surtout de l’espérance, un souffle nouveau. Rien. C’est la déception. Déception dans les hommes et dans les idées.» Elle est directrice de crèche, lui travaille dans un établissement et service d’aide par le travail (Esat). «Nous ne sommes pas touchés directement par la crise mais on aimerait vivre dans un pays où les richesses sont mieux partagées, où l’on traite les Roms avec un peu plus de dignité. Qu’Hollande fasse ce qu’il a promis de faire.»

La loi sur le mariage pour tous? «Bien sûr, c’est une bonne chose. Mais cela fait six mois que l’on ne parle que de ça! Et puis, ce n’est pas comme si on était le premier pays au monde à accorder ce droit, on n’est pas en avance.» A quelques mètres, leur fils, Paul, 19 ans. En deuxième année à Sciences-po, il a voté Hollande l’année dernière, «pour lui donner une chance.» Mais là, «la déception est trop grande», il a pris sa carte au front de gauche le mois dernier parce que «Mélenchon est le seul à incarner une autre voie.»

Un peu de Manu Chao, de Bob Marley, du soleil, des mojitos à 2 euros et les saucisses merguez qui vont avec. Il est presque 15 heures, la place se fige pour écouter Mélenchon. «La période d’essai est terminée, le compte n’y est pas», lance-t-il. «Si vous ne savez pas comment faire, nous nous savons». Qualifiant ce dimanche de «point de départ», il appelle «à la mobilisation. «Donnons-nous rendez-vous, venez débattre avec nous pour élaborer un nouveau programme», poursuit-il.

Au pied de l’opéra Bastille, Evin, 25 ans, est transportée. «On avait besoin d’une personne comme lui pour réveiller les gens. Il faut un changement radical et passer enfin à une VIe République», défend cette grande brune, encartée au Front de gauche depuis cinq ans. Etudiante en organisations internationales à la fac de Créteil, elle habite Sucy-en-Brie (Seine-et-Marne). «Mes parents sont kurdes, réfugiés politiques. Rien que dans le domaine de l’immigration, Hollande n’a rien fait, sa politique est dans la continuité de celle de Sarko.»

Alain, 67 ans, partage le même jugement. «Hollande-Sarko, c’est kif-kif bourricot». Retraité de la Mairie de Paris, c’est un habitué des manifs. Il a voté Poutou au premier tour et s’est abstenu au second. «Je n’ai jamais donné ma voix à Mélenchon. Mais je suis quand même là, il faut bien faire quelque chose.» Dans sa chambre, il a recouvert son papier peint d’autocollants de manifs. Son préféré: «Casse-toi pauvre con».

Un peu plus loin, Patrick et Joël, anciens postiers de 63 et 61 ans, forment un beau duo. Ils sont «montés de la région paloise», avec leur balai-brosse où on lit: «Tremblez médias, la populace est là». Ils sont remontés comme des coucous contre «cette politique qui ne vaut rien» et contre «ces médias qui nous comparent au Front national, ce qui est franchement dégueulasse». Militants communistes de la première heure, ils reprochent «des choses à Mélenchon mais on le soutient aussi parce que c’est le seul qui a accès aux médias pour nous représenter», commence Joël. «Quand on pense qu’il n’y a aucun ouvrier, ni petit employé dans l’hémicycle, c’est scandaleux», enchaîne Patrick. Puis en cœur: «Non, nous ne sommes pas des ronchons, ni des nostalgiques. On veut autre chose. Donner un coup de semonce».

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Une cohabitation de gauche avec Mélenchon
comme Premier ministre

Le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, assure dimanche que François Hollande «est l’une des causes de la crise» en ayant fait «le choix de l’austérité», et imagine une cohabitation à gauche avec lui-même en Premier ministre.

Mélenchon, Premier ministre?
Mélenchon, Premier ministre?

Dans une interview au Parisien du dimanche 5 mai celui qui est un des porte-parole du Front de gauche demande au président Hollande «de se remettre à gauche, où il était au moment du vote» de la présidentielle, il y a un an.

«Comme il refuse d’entendre, j’ai dit que nous, au Front de gauche, étions prêts à gouverner et moi être Premier ministre», poursuit-il. Il explique que ce serait alors une «cohabitation de gauche» avec «un président qui dit qu’il n’est plus socialiste et un Premier ministre qui confirme qu’il est de gauche».

M. Mélenchon fait valoir que cette tâche de Premier ministre «peut aussi être confiée à un autre que (lui)». Il cite à cet égard Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif.

Coupable comme Merkel

Comme on lui demande s’il reproche à François Hollande «de gouverner sans trancher», il répond: «moi, je trouve qu’il tranche très bien en faveur des intérêts de la finance! Pour le reste, oui, il pratique la méthode spongieuse qu’il appliquait au PS, avec son “passe-plat” Jean-Marc Ayrault».

Il dénonce «la volte-face» du chef de l’Etat «qui l’a conduit à donner une exclusivité totale aux intérêts des actionnaires et des grands patrons et à la politique d’austérité européenne au détriment des salariés».

Pour Jean-Luc Mélenchon, François Hollande «est l’une des causes de la crise, comme Mme Merkel et les autres dirigeants européens qui ont fait le choix de l’austérité».

S’agissant du Front national et de sa présidente Marine Le Pen, il estime qu’«avec sa famille, elle participe depuis trente ans au système» et en «est le chien de garde».

Quant au reproche de populisme qu’on lui adresse, M. Mélenchon rétorque que «le populisme n’est pas une ligne politique». «C’est un concept pour mettre dans le même sac des gens qui n’ont aucun rapport entre eux. Ca protège la classe dirigeante en justifiant qu’on la reconduise au pouvoir». Pour lui «le principal pourvoyeur de voix de droite et d’extrême droite est à l’Elysée». (Libération du 6 mai 2013)

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«Neuf exigences pour se réconcilier avec Hollande»

Par Camille Polloni

Ils se voient comme des gens de gauche. C’est leur point commun. Beaucoup ont voté Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle, en 2012, puis Hollande «pour battre Sarkozy». Certains n’ont pas pu. Ils trouvent que le PS n’est pas de gauche, alors ils se sont abstenus ou ont voté blanc au second tour.

Les manifestants rencontrés à Paris le dimanche 5 mai 2013 ne sont pas tous membres d’une organisation politique. Mais dans leur discours, les mêmes mots reviennent pour qualifier la politique du gouvernement Ayrault: «écœurement». «Déception» pour ceux qui y croyaient un peu. Dans la continuité du quinquennat précédent, et finalement, «de droite». Ils craignent que son bilan désastreux ne favorise l’extrême droite.

Nous leur avons demandé quelles mesures le gouvernement doit prendre, pour se racheter à leurs yeux.

1

L’amnistie sociale
Gérard, délégué CGT chez Lipton

Gérard Cazorla est délégué CGT chez Lipton, une filiale d’Unilever, à Gémenos. Attaqué en diffamation par la marque, il aimerait bien bénéficier de l’amnistie sociale s’il est condamné le 4 juin.

Le projet semble pourtant très mal engagé. Après avoir été largement amendé par les socialistes et les radicaux mais voté au Sénat, il est quasi rejeté par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Moins directement concernée, Lætitia, thésarde habillée en Marianne, «soutiendrait» le gouvernement s’il amnistiait les syndicalistes.

2

Engager une confrontation avec l’Allemagne
Antonio, 21 ans, ex-barman à tendance communiste

Ancien barman de 21 ans, Antonio a expérimenté une fin de CDD (Contrat à durée déterminée) qui ne débouche sur rien.

Il souhaite à François Hollande «de redevenir de gauche». Et pourquoi pas, de provoquer «la confrontation avec l’Allemagne pour sortir de l’austérité».

3

Donner le droit de vote aux étrangers
Laure, 32 ans, professeur à Sevran

Laure, prof à Sevran, est venue manifester avec son ami Mostafa, prof aussi, Marocain en attente de naturalisation.

Laure lui jette un coup d’œil en coin. Elle aimerait, en priorité, qu’on donne le droit de vote aux étrangers: «On voit lors des rendez-vous à la préfecture que le regard sur les étrangers, même diplômés et intégrés, n’a pas changé.»

Parce qu’elle travaille tous les jours en banlieue, elle estime aussi que c’est un espace que le gouvernement «aurait dû réinvestir»: «Je vois ce qui se passe à Sevran, la fracture avec la politique malgré la volonté d’intégration – contrairement à ce qu’on dit – et le vivier d’énergie.»

4

«Que Cahuzac aille en prison»
Une anonyme énervée

Un peu plus loin, une petite femme en colère d’une soixantaine d’années se réjouit de donner son avis mais ne veut pas donner son prénom. «Tout le monde saurait que c’est moi!»

Elle voudrait «que Tapie rembourse [les sommes reçues sous l’arbitrage de C.Lagarde, actuellement au FMI dans et que Cahuzac [ex-ministre du budget, champion de l’austérité, avec son compte bancaire en Suisse] aille en prison. «Le jour où un politicien qui a volé l’Etat ira en prison, je reprendrai espoir.» Son plus cher souhait?

«Putain, taxer les paradis fiscaux et faire payer les riches!»

5

Une politique de relance
Martial, 26 ans

«On veut une politique de relance keynésienne pour contrôler ce marché trop dérégulé», réclame Martial, adhérant parisien du Front de gauche âgé de 26 ans.

Pour l’instant, «on n’a clairement pas une politique économique de gauche», se désole ce salarié du tourisme. «Seulement des cadeaux aux entreprises et des restrictions budgétaires.»

Voir Mélenchon devenir Premier ministre, comme il l’a si gentiment proposé, ça le tenterait bien. Mais il craint qu’un tel signe ne serve à «couper l’herbe sous le pied du Front de gauche».

6

«Un signe vis-à-vis du salariat»
Jean-Jacques, 59 ans, ouvrier près d’Annecy

Jean-Jacques, 59 ans, part à la retraite à la fin du mois. Il est ouvrier dans une usine de pompes industrielles en Savoie et délégué CGT. Proche du PCF et lecteur de L’Humanité, il n’est pas encarté.

Il propose quelques mesures auxquelles il ne croit plus vraiment, mais qui constitueraient «un signe vis-à-vis du salariat»:
–   l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits;
–    «plus de démocratie dans l’entreprise», citant en exemple les Lois Auroux [sur la participation des ouvriers dans les entreprises] de 1982;
–  la hausse du Smic (salaire minimum);
–   «Un Grenelle social» [allusion aux accords de Grenelle en mai 1968, au Ministère du Travail; le terme Grenelle est devenu le symbole de réunion des deux parties – ou supposées telles – après négociations] pour porter la priorité sur les bas salaires;
–   Une politique de logement social ambitieuse, «sur tout le territoire, pas seulement à Paris».

7

La VIe République
Christine, 53 ans

La priorité pour Christine, 53 ans et grande admiratrice de Mélenchon, c’est la VIe République.

«Il faudrait apporter un peu d’air. Je suis favorable au tirage au sort par exemple. Les élus devraient toujours penser à répondre aux besoins, dans une perspective écologiquement responsable.»

8

S’attaquer à la finance
Michaël, salarié dans l’aéronautique

Adhérent de la CGT et salarié dans l’aéronautique, Michaël garde l’accord sur le travail (ANI) en travers de la gorge. Il attend un geste fort «contre la finance ou l’exil fiscal», c’est-à-dire «là où il y a du fric à prendre.»

9

Ne pas payer la dette
Chantal, fonctionnaire

Chantal, gardienne d’école à Saint-Denis, milite à Sud. Elle a 47 ans.

Sa priorité, c’est de «ne pas payer la dette»: ni les emprunts toxiques dans les collectivités, ni la dette tout court. «On voit ce qui se passe en Grèce, en Espagne». «Et au Portugal», ajoute la collègue qui l’accompagne. Pour Chantal: «La dette crée des conflits. L’Etat recourt de plus en plus au privé plutôt qu’aux fonctionnaires, et on va le payer.»

Chantal aimerait aussi:
• «Que ce soit le peuple qui décide, pas comme pour le traité constitutionnel européen en 2005»;
• «Renationaliser les entreprises privatisées, la poste, la SNCF, les télécoms»;
• Développer l’emploi en CDI (Contrat à durée indéterminée) «Les contrats d’avenir [contrats devant aider des personnes au RMI et à autres aides sociales de retrouver un emploi] c’est de l’arnaque, on ne vit pas avec ça.» (Rue 89)

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