COP21. A Paris, vingt mille mains unies pour le climat

chai_ne_v1-3844dPar Lorène Lavocat
et Eric Coquelin

Dimanche 29 novembre 2015, une dizaine de milliers de personnes ont formé une chaîne humaine à Paris, pour déclarer «l’état d’urgence climatique». Un rassemblement non-violent et joyeux, tenu malgré l’interdiction de manifester.

«Bonjour, veuillez avancer le long du boulevard, pour ne pas créer d’attroupements!» Dès la sortie du métro Voltaire, des militants en gilet jaune accueillent les manifestants. Mais peut-on parler de manifestants? Car la chaîne humaine qui se forme ce dimanche midi entre la place de la Nation et celle de République n’a pas officiellement le statut de manifestation autorisée. «Malgré l’état d’urgence, nous refusons de rester muets, explique Geneviève Azam, porte-parole d’Attac, l’une des organisations à l’origine de l’initiative. La chaîne permet de symboliser notre responsabilité partagée et notre solidarité.»

Plus que de braver l’interdiction, il s’agit pour les militant·e·s de réaffirmer « l’état d’urgence climatique», et de mettre la pression sur les gouvernements, à quelques heures de l’ouverture de la Conférence climat. C’est ce que nous explique Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme (LDH).

Une COP21 qui ne pourra réussir, d’après Jon Palais, d’Alternatiba, que grâce à une mobilisation massive de la société civile: «L’action des citoyens est aussi importante que celle des gouvernements, car leurs engagements médiocres nous emmènent tout droit vers le chaos climatique.» Pour le militant écolo, le gouvernement a ainsi commis une «faute» en interdisant les rassemblements. « Les attentas ont créé un état de stupéfaction, il faut en sortir, lever le couvercle», ajoute-t-il.

Sur les trottoirs du boulevard Voltaire, des centaines de personnes ont donc répondu à l’appel. Venus en famille ou entre amis, tous se prennent la main dans la bonne humeur. La dégradation du climat et des écosystèmes va nous entraîner vers toujours plus de guerres, estime Laurence, une banderole «À qui profite le chaos?» tenue à bout de bras. Résoudre le climat, c’est œuvrer pour la paix dans le monde.» Un avis partagé par Pierre, la quinzaine, heureux d’être là, «même s’il a fallu se lever à 9 heures un dimanche». «Il y a 130 personnes qui meurent à cause du terrorisme, et on en parle pendant des semaines, alors qu’on ne parle jamais des 600.000 personnes qui sont tuées à cause du changement climatique», explique-t-il.

Plus loin, une femme-pingouin discute avec un homme maquillé de vert qui lui tend un tract sur le gaz de schiste. Nucléaire, Notre-Dame-des-Landes, Tafta… toutes les luttes écologiques sont représentées. Tous les combats, et tous les pays. Cathy est venue du Canada pour «mettre la pression sur les gouvernants», et Pablo arrive de Bolivie afin de porter «la voix des communautés autochtones menacées par le changement climatique». D’autres préfèrent mettre en avant les solutions en arborant des éoliennes miniatures. Isidore et Sacha – 10 et 8 ans – détaillent leurs gestes quotidiens pour la planète: «On prend des douches de 5 minutes maximum, on choisit le métro plutôt que la voiture, et puis surtout, on vient ici pour manifester!»

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Des citoyens «déterminés»

Des cyclistes vêtus de gilets verts sillonnent le boulevard, portant des messages d’un bout à l’autre de la chaîne: «On manque de gens à Charonne!» Vers 12 h 10, la nouvelle arrive sous forme de clameur: «Ça y est, on a rejoint les deux places, il y a plein de monde!» Batucada [percussions brésiliennes] et accordéon redoublent de vigueur musicale, apportant une touche résolument festive au rassemblement pacifique.

• Puis à 12 h 30, moins de 45 minutes après le début de l’événement, l’annonce tombe d’un mégaphone: Merci à tous, merci pour la planète, il faut maintenant se disperser» Un grand-père, sa petite fille sur les épaules, grommelle: « Quoi, déjà? Mais on n’a pas lancé tous nos slogans.» Plusieurs personnes refusent de se lâcher, et continuent de crier «Changeons le système, pas le climat!» Mais rapidement, le gros des troupes reprend son chemin le long du boulevard. Place Léon-Blum, Guillaume Durin, d’Alternatiba, rayonne: «Plus de 10’000 personnes, c’est un signal très fort pour montrer que les citoyens entendent se mobiliser sur la question de l’urgence climatique.»

Sans parler de victoire, les organisateurs se félicitent de la présence en nombre de citoyens et citoyennes «déterminés», prêts à mettre en œuvre «des nouvelles pratiques de désobéissance massive non-violente»: «Pour faire face aux interdictions, nous avons aujourd’hui besoin de toute l’inventivité, de toute l’imagination sociale dont nous sommes capables, sourit Geneviève Azam. Nous avons été relégués sur les trottoirs, privés de grande marche, mais nous ne sommes pas désarmés!»

• 16 heures. Des dizaines de personnes remontent à présent vers la place de la République. Certains portent une paire de tennis à déposer près de la statue, dans le cadre de l’opération «Nos chaussures marchent pour nous», lancée par l’ONG Avaaz. À quelques mètres de l’arrivée, une centaine de manifestants du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) et d’Ensemble avancent lentement mais sûrement vers un cordon de CRS. Parmi eux Nico, venu revendiquer «son droit à manifester pour l’urgence climatique».

Arrivée à République, la fumée blanche et une sensation piquante dans les narines témoignent du recours à des gaz lacrymo. Malgré la présence massive des policiers, des centaines de personnes arpentent encore la place, dont de nombreuses familles. De festive et joyeuse, l’ambiance se tend peu à peu. Une troupe de l’Armée du Clownistan tente d’apaiser l’atmosphère en organisant un «1, 2, 3 soleil» improvisé devant des CRS impassibles. (Article du site Reporterre publié en date du 30 novembre 2015)

 

Des incidents ont éclaté dimanche 29 novembre à l’issue de la chaine humaine pour le climat. Mais les «hommes en noir» qui les ont suscités ont rapidement disparu. Et la police a ensuite parqué et brutalisé des centaines de citoyens non-violents qui occupaient la place de la République. Reporterre était là et a filmé. (Texte de Barnabé Binctin de Reporterre)
Des incidents ont éclaté dimanche 29 novembre à l’issue de la chaîne humaine pour le climat. Mais les «hommes en noir» qui les ont suscités ont rapidement disparu. Et la police a ensuite parqué et brutalisé des centaines de citoyens non-violents qui occupaient la place de la République. Reporterre était là et a filmé. (Texte de Barnabé Binctin de Reporterre)

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Liberté, Climat, Vous n’êtes pas des marionnettes!

Pasdesmarionnettes-29112015 copiePar le Collectif des désobéissants

• Entre 5000 et 10’000 personnes s’étaient pourtant réunies de manière bon enfant place de la République pour manifester pour la justice climatique et contre l’état d’urgence. Les marcheurs ont effectué plusieurs tours de la place. Une disco soupe sympathique s’est tenue au centre de la place. «Manon», une marionnette géante et désobéissante est apparue pour rendre hommage aux victimes des attentats et du réchauffement climatique.

• Mais c’est alors que se tenait une assemblée populaire pour discuter de la constitution d’un collectif contre l’état d’urgence, que les policiers qui cernaient la place ont commencé à faire pleuvoir sur la foule les grenades lacrymogènes, de manière indiscriminée et sans sommation. Au risque de créer une panique mortelle. La plupart des gens se tournant vers la station de métro pour trouver leur salut, toutes les issues de la place étant bloquées par la police, la station a rapidement elle-même été fermée et les métros arrêtés.

• Après la stratégie du choc, nous ne tomberons pas dans le piège de la stratégie de la tension. Les provocations policières, l’interdiction de la marche, l’enfermement des manifestants pacifiques sur le périmètre gazé, ne répondent qu’à une seule logique, celle de provoquer des affrontements et surtout de justifier a posteriori l’interdiction. Mais il n’y a pas de bons et de mauvais manifestants. Il n’y a que des gens soucieux de libertés et de lutte contre le réchauffement climatique. Ailleurs en province, les marches autorisées se sont déroulées dans le calme.

• Le collectif des désobéissants appelle à la constitution d’un collectif de lutte contre l’état d’urgence. Ce comité de lutte se donnera pour tâche de regrouper tous ceux qui refusent la suppression de nos libertés, les assignations à résidence, le silence imposé… et sont prêts à désobéir. Puisque le gouvernement estime lui-même que l’état d’urgence est anticonstitutionnel et incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme, bref qu’il trahit sa mission républicaine, nous nous engageons à défendre de toutes nos forces non violentes ces valeurs qui sont au fondement de notre vivre ensemble. Ces valeurs attaquées par le terrorisme et maintenant par un gouvernement néoconservateur. (29 novembre 2015)

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Interventions audio :

  • Geneviève Azam d’attac:
  • Déclaration du manifestant «désobéissant»

 

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