
Par Eric Lipton
Elon Musk et SpaceX sont les grands gagnants du plan de financement 2026 de Donald J. Trump.
Le président Trump répond aux souhaits d’Elon Musk, tant à l’égard de la NASA que du Pentagone, en réorientant les dépenses fédérales dans le domaine spatial de manière à générer des milliards de dollars de nouveaux contrats pour l’entreprise de technologie spatiale de Musk, si le Congrès approuve le plan budgétaire. [Voir graphique ci-dessous ayant trait aux coupes dans certains secteurs et financement accru dans d’autres. Ce graphique met à jour les projets de coupes budgétaires mentionnés dans l’article de Kim Moody publié sur ce site le 2 mai.]
Au Pentagone, Donald Trump réclame une augmentation massive des dépenses, une hausse extraordinaire de 13%, presque entièrement financée par des allocations prévues dans un plan de conciliation budgétaire [budget reconciliation bills] actuellement examiné par le Congrès.
Cette augmentation interviendrait alors que de nombreuses autres agences fédérales subiraient des coupes budgétaires, en partie pour stimuler les dépenses fédérales dans deux domaines où SpaceX est bien placé pour en tirer profit: un vaste système de défense antimissile et des missions spatiales vers Mars et la Lune (New York Times, 23 mars 2025).
Modifications budgétaires proposées par agence
Le projet de budget propose de redistribuer les 163 milliards de dollars de coupes budgétaires à quelques agences, notamment la défense et la sécurité intérieure
Donald Trump a proposé un système de défense appelé «Golden Dome» pour suivre et détruire les missiles dirigés vers des objectifs américains, qui pourraient être lancés par la Chine, la Russie, la Corée du Nord ou d’autres rivaux.
Selon des responsables du Pentagone, SpaceX serait susceptible d’être le principal bénéficiaire de cette explosion de nouvelles dépenses, qui pourrait générer des milliards de dollars de nouveaux contrats pour l’entreprise.
En effet, SpaceX fabrique à la fois des fusées capables de mettre en orbite des charges utiles militaires et des systèmes satellitaires pouvant fournir les outils de surveillance et de ciblage nécessaires au projet, ce qui nécessiterait les plus importants investissements militaires jamais réalisés par les Etats-Unis dans le domaine spatial.
Le projet de budget de Donald Trump prévoit également une somme importante, dont le montant n’a pas été divulgué, pour «assurer la domination spatiale des Etats-Unis afin de renforcer la sécurité nationale américaine».
L’énorme volume de nouvelles commandes escomptées pour SpaceX, qui commençait déjà à se dessiner à la lumière des changements de politique opérés par Trump depuis janvier, a suscité des questions de la part des démocrates à Washington, qui se demandent si Musk ne tire pas profit de ses contributions considérables à la réélection de Trump (New York Times, 5 décembre 2024, contribution estimée à 250 millions de dollars) et de sa position de conseiller de haut rang à la Maison Blanche.
SpaceX est déjà, de loin, le plus grand bénéficiaire des dépenses du Pentagone pour les systèmes de communication militaires existants en orbite basse, et il obtient la plus grande part des contrats de lancement de fusées du Pentagone. L’approbation par le Congrès du plan visant à augmenter considérablement ces dépenses serait une victoire gigantesque pour Musk et SpaceX.
Le budget proposé par Trump prévoit que les dépenses du Pentagone pour 2026 seront supérieures de 113 milliards de dollars à celles l’année 2025. Mais cette augmentation proviendrait entièrement des dotations que le Congrès envisage d’allouer dans le cadre de son plan de conciliation pour l’exercice 2025, selon Todd Harrison, chercheur senior à l’American Enterprise Institute et ancien dirigeant de l’industrie spatiale, qui a attiré l’attention sur une note de bas de page du plan de M. Trump (tableau de la p. 41 du rapport date du 2 mai 2025 de l’Office of Management and Budget).
Le budget de la NASA fait l’objet de coupes dans le plan de Trump, mais certaines augmentations correspondent largement aux priorités de SpaceX.
Le plan de réduction des dépenses s’en prend aux concurrents commerciaux de Musk, demandant à la NASA de supprimer progressivement le financement du Space Launch System, un programme de fusées dirigé par Boeing, ainsi que de la capsule spatiale Orion, construite par Lockheed Martin, qui devait faire partie de trois vols prévus pour ramener des humains sur la Lune.
A la place, le budget de Trump prévoit «des systèmes commerciaux plus rentables qui permettraient de mener à bien des missions lunaires ultérieures plus ambitieuses», un secteur actuellement dominé par SpaceX. Blue Origin, la société de Jeff Bezos qui a développé sa propre fusée, pourrait également être l’un des grands bénéficiaires de ce changement, ont déclaré vendredi des dirigeants du secteur.
Blue Origin et SpaceX disposent toutes deux de systèmes d’alunissage que la NASA s’est engagée à utiliser et qui, du moins jusqu’à présent, ne font pas l’objet de coupes budgétaires.
«Leur conception est plus simple que celle de SpaceX», a déclaré Doug Loverro, ancien administrateur associé de la NASA pour l’exploration humaine et les opérations, qui a également été conseiller de l’administration Trump, en référence au projet d’alunissage de Blue Origin.
Le budget de la NASA prévoit également 1 milliard de dollars de nouvelles dépenses pour se concentrer sur une mission vers Mars, qui est le principal projet de Musk depuis qu’il a lancé SpaceX. Il construit déjà une nouvelle fusée, appelée Starship, pour tenter de concrétiser ce projet.
«SpaceX a laissé son empreinte partout», a déclaré Mo Islam, cofondateur de Payload, un site d’information sur l’industrie spatiale commerciale. «Je ne vois pas d’autre façon d’interpréter cela. SpaceX est en position de devenir le principal bénéficiaire de la majorité de ces décisions budgétaires.»
Certaines lignes du budget de la NASA pourraient entraîner une baisse des dépenses consacrées à SpaceX, notamment la réduction des dépenses pour la Station spatiale internationale, où SpaceX assure le transport de marchandises et d’astronautes.
Mais SpaceX devrait tout de même sortir gagnant. L’entreprise a récemment remporté un contrat de 843 millions de dollars pour «désorbiter» la station spatiale lorsqu’elle sera mise hors service en 2030. Et Musk a poussé Trump à avancer cette date.
«La décision appartient au président, mais je recommande que cela se fasse dès que possible», a écrit Musk sur sa plateforme de réseau social, X, en février 2025.
Au cours de l’exercice 2024, SpaceX a obtenu 3,8 milliards de dollars de contrats fédéraux, dont la plupart proviennent de la NASA et du Pentagone. Au total, l’entreprise a obtenue 18 milliards de dollars de contrats fédéraux au cours de la dernière décennie, selon une analyse des données sur les contrats fédéraux réalisée par le New York Times.
Des experts tels que Doug Loverro soutiennent depuis longtemps que la NASA se concentre trop sur un programme lunaire dépassant le budget et en retard sur le calendrier, appelé Artemis, en particulier les parties du projet qui dépendent de Boeing et Lockheed. Cela dit, Doug Loverro a déclaré que le nouveau programme de dépenses «a un impact très positif sur SpaceX à bien des égards».
Mais Todd Harrison, l’ancien dirigeant du secteur, a déclaré que cela exposait également SpaceX et l’administration Trump à d’éventuelles critiques.
«Cela jette désormais un soupçon d’ingérence indue sur toute cette affaire», a déclaré Todd Harrison. «Et ces questions sont légitimes.» (Article publié par le New York Times, en date du 2 mai 2025; traduction rédaction A l’Encontre)
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