
Par Kim Moody
Analyser les différentes offensives et attaques de la guerre éclair sans précédent menée par Trump demanderait beaucoup de recherches. Nous laisserons ici à d’autres le soin d’examiner les aspects importants de la réorganisation de l’empire américain. Je limiterai mon analyse à quelques points centraux qui indiquent les limites et l’étendue des bulldozers de Trump ainsi que les sources de l’opposition.
Le point d’achoppement ultime des plans de Trump et des efforts des démocrates pour les bloquer ou les minimiser, sans parler de proposer une véritable alternative, réside dans l’état à long terme du capitalisme, surtout aux Etats-Unis et dans les autres économies développées.
Commerce, droits de douane et coût de la vie
Trump a insufflé une nouvelle vie à la conquête impériale. Son intérêt pour le Panama, le Groenland et même le Canada peut sembler purement fou sur le plan politique ou militaire, mais il n’est pas totalement irrationnel sur le plan économique. En effet, la ruée vers les terres rares et les métaux nécessaires à l’intelligence artificielle et aux technologies connexes, ainsi que la concurrence pour les parts de marché dans l’Arctique, font partie des nouvelles rivalités impérialistes actuelles.
La réappropriation du canal de Panama donnerait aux Etats-Unis un contrôle significatif sur le commerce océanique et ses coûts; l’acquisition du Groenland et, plus absurdement encore, l’annexion du Canada donneraient à la Grande Amérique la domination sur les voies maritimes arctiques en expansion du passage du Nord-Ouest. Une alliance avec la Russie renforcerait considérablement la présence des Etats-Unis dans le passage nord-est de l’Arctique, complétant ainsi deux grandes routes interocéaniques nordiques. Ces deux éléments réduiraient considérablement le temps de transport océanique. [1]
Il existe déjà quelque 200 ports libres de glace sur les différentes routes maritimes de l’Arctique, dont au moins vingt au Groenland. [2] A mesure que la calotte polaire fond, les possibilités deviennent, disons, non pas infinies – car elles nous rapprocheront la catastrophe climatique –, mais en attendant, il y a de l’argent à gagner!
Bien sûr, les cibles de ce fantasme colonial résisteront et il y a des problèmes de droit international. Plus que la possession, il est probable que Trump souhaite obtenir des accords similaires à celui conclu avec le Panama.
Dans ce pays, la société hongkongaise Panama Ports Company a vendu 90% de ses parts à un consortium états-unien dirigé par le géant du capital-investissement BlackRock. Ce qui lui donne le contrôle des ports situés à l’entrée du canal sur l’Atlantique et le Pacifique. En outre, le président du Panama a accepté de rejeter les initiatives chinoises «Belt and Road» (Nouvelle route de la soie) au Panama. [3] Un coup de maître pour Trump.
Peut-être le Groenland sera-t-il persuadé de donner la préférence aux transporteurs maritimes états-uniens dans les ports de l’Arctique, ainsi que les droits sur les terres rares et autres métaux que Trump convoite tant. Une telle réorganisation des routes commerciales perturberait toutefois les chaînes d’approvisionnement mondiales actuelles, car certains transporteurs de la côte Est des Etats-Unis et d’Europe passeraient d’un trafic vers l’est à un trafic vers l’ouest, ce qui modifierait les itinéraires et perturberait les principales chaînes d’approvisionnement.
Les droits de douane sont censés générer des recettes pour compenser la réduction des impôts sur les riches, mais leur objectif principal est d’encourager les entreprises à investir dans l’industrie manufacturière aux Etats-Unis en augmentant le coût des importations. Les droits de douane et les taxes représentent environ 3% des recettes fédérales des Etats-Unis. Trump les a augmentés à 3,65% lors de son premier mandat et Biden les a légèrement réduits. Si les droits de douane beaucoup plus élevés qu’il propose aujourd’hui augmenteraient quelque peu les recettes, ils réduiraient également les importations, limitant ainsi les nouvelles recettes provenant des droits de douane.
Quoi qu’il en soit, si des droits de douane élevés augmenteront considérablement les coûts pour les consommateurs, ils ne devraient pas compenser les importantes réductions d’impôts. Comme l’indique une étude de la Maison Blanche sous Biden, «il est mathématiquement improbable qu’un droit de douane général puisse jamais remplacer les recettes provenant de l’impôt sur le revenu des particuliers» [4].
Bien que la production manufacturière états-unienne ait connu une certaine reprise ces dernières années, la principale raison pour laquelle une augmentation des droits de douane n’est pas susceptible d’entraîner une relance importante de ce secteur réside dans l’état de l’économie des Etats-Unis et de la plupart des pays développés depuis la grande récession de 2008-2010.
Cette situation se caractérise non seulement par la tendance à la baisse et à l’instabilité des taux de profit et par l’extrême inégalité de la répartition des profits aux Etats-Unis, mais aussi par une quinzaine d’années de faible productivité dans le secteur manufacturier – qui ne montre aucun signe d’amélioration –, ainsi que par une croissance économique relativement lente dans l’ensemble, associée à une tendance inflationniste.
En conséquence, les droits de douane que Trump a imposés, puis suspendus, puis réinstaurés jusqu’en avril, sur le Mexique et le Canada, ainsi que les droits de douane surprise de 50% sur l’acier et l’aluminium canadiens, qui s’ajoutent à ceux imposés à la Chine, vont accélérer la tendance inflationniste déjà existante. [5]
L’industrie automobile en est un exemple flagrant. Environ 40% des véhicules vendus aux Etats-Unis par Stellantis [Groupe PSA et Fiat Chrysler Automobiles], 30% par Ford et 25% par GM sont fabriqués au Canada ou au Mexique. Nissan, Honda et Volkswagen produisent également des voitures au Mexique pour les exporter vers les Etats-Unis. Il est évident qu’un droit de douane de 25% entraînerait une augmentation significative des prix de vente. Mais même les voitures et les camions «fabriqués aux Etats-Unis» dépendent de pièces importées.
Une étude récente de l’OCDE montre que les pièces importées du Mexique et du Canada représentent en moyenne 10% du coût des voitures fabriquées aux Etats-Unis, tandis que les pièces chinoises ajoutent 5,4% supplémentaires. [6] Il est évident que des droits de douane élevés sur ces intrants, non seulement dans l’industrie automobile mais dans l’ensemble du secteur manufacturier, entraîneront une hausse générale des prix, même au-delà des tendances inflationnistes sous-jacentes du capitalisme contemporain.
Une estimation des droits de douane proposés jusqu’à présent, y compris ceux sur le Mexique, le Canada et la Chine, prévoit une augmentation des coûts de 600 milliards de dollars. [7] Cela constituera un sérieux problème pour Trump, qui a remporté en partie la campagne électorale victoire en promettant de contrôler le coût de la vie.
Réduction de l’Etat ou nettoyage politique et ethnique?
Aujourd’hui, l’Etat fédéral emploie environ 3 millions de fonctionnaires civils, contre un pic de 3,4 millions en 1990, sans aucune réduction budgétaire. Ce chiffre a augmenté sous Reagan [1981-1989], a légèrement baissé sous Clinton [1993-2001] et Obama [2009-2017], puis a augmenté sous Trump et Biden. Mais il n’est jamais descendu en dessous de 3 millions au cours des cinquante dernières années. Ses dépenses n’ont pas non plus diminué de manière significative au cours des dernières décennies. [8]
Elon Musk affirme que son DOGE (Department of Government Efficiency) a supprimé 200 000 emplois fédéraux. Cela ramènerait le nombre d’emplois au niveau de 2016 sous Obama, ce qui est loin d’être suffisant pour financer les cadeaux proposés par Trump aux plus riches. Face aux critiques venant de toutes parts, Musk affirme que les chefs d’agence feront le reste du sale boulot et qu’il passera à la redigitalisation des systèmes déjà numérisés des agences. [9]
Cependant, le DOGE a déjà rencontré des problèmes provenant de diverses origines, notamment les tribunaux et, bien sûr, les fonctionnaires fédéraux et leurs syndicats. Il n’est donc pas certain que ces réductions soient permanentes. Si, en revanche, elles sont maintenues et même renforcées, le gouvernement sera plus susceptible de faire face à des perturbations et à des fermetures qu’à des gains d’efficacité.
Cela peut convenir à Trump, à Musk et à leurs collègues milliardaires, mais les citoyens touchés par ces mesures ne seront pas ravis, et ils seront nombreux, y compris parmi les partisans actuels de MAGA. En outre, un nombre croissant d’entreprises qui ont des contrats avec le gouvernement ou dépendent de son agrément ont exprimé dans leurs derniers rapports trimestriels leur inquiétude face au chaos créé par le DOGE. [10]
Outre l’expulsion inhumaine prévue de millions d’immigrants, l’une des mesures envisagées qui risque d’avoir les conséquences sociales les plus immédiates et de susciter une vive réaction est la réduction proposée du programme Medicaid [couverture des frais médicaux de personnes à très faible revenu ou handicapées]. Les républicains à la Chambre des représentants ont déjà proposé, dans leur résolution budgétaire, de réduire de 880 milliards de dollars le budget de Medicaid sur dix ans. Cela représenterait une part importante des 660 milliards de dollars que coûte actuellement Medicaid chaque année.
Si Medicaid est toujours considéré comme un programme destiné aux pauvres, 72 millions de personnes bénéficient en réalité de ses prestations. De telles coupes toucheraient davantage les circonscriptions démocrates, car celles-ci se trouvent dans des Etats qui ont étendu Medicaid dans le cadre de l’Affordable Care Act [Loi sur la protection des patients connue sous le nom d’Obamacare], mais de nombreuses circonscriptions républicaines seraient également touchées. Dans la circonscription du président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson [Louisiane], par exemple, un tiers de la population bénéficie de l’aide de Medicaid. Certains représentants républicains ont exprimé leurs inquiétudes quant aux conséquences électorales de telles coupes. [11]
Des coupures importantes dans le programme Medicaid affaibliraient également les hôpitaux et les maisons de retraite dans les circonscriptions les plus touchées. Medicaid et Medicare [couvrant les frais médicaux des personnes âgées] représentent ensemble près d’un tiers des revenus des hôpitaux. A lui seul, Medicaid fournit environ 14% de ces revenus, et davantage pour les maisons de retraite. Les coupes budgétaires proposées entraîneraient la fermeture de certains services de santé, ainsi que des licenciements de personnel. Ainsi, les communautés les plus touchées par les coupes budgétaires et déjà confrontées à des services médicaux insuffisants verraient leurs établissements de soins se raréfier.
Ces coupes auront également un impact sur les budgets des Etats en général, puisque les fonds fédéraux et étatiques destinés à Medicaid représentent en moyenne 28% des recettes des Etats. [11] L’opposition aux coupes dans Medicaid a déjà pris la forme de recours judiciaires intentés par une alliance de procureurs généraux des Etats démocrates.
La plupart des coupes budgétaires effectuées jusqu’à présent visent non seulement à réduire ou à supprimer les agences qui aident les personnes pauvres et les classes populaires aux Etats-Unis et à l’étranger, mais aussi à affirmer le pouvoir présidentiel et le contrôle de l’exécutif sur tous les aspects de la bureaucratie administrative.
Sept mille employés du programme USAID ont été licenciés ou mis en congé, 1700 du Bureau de protection financière des consommateurs, trois hauts fonctionnaires de la Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi et deux du Conseil national des relations du travail (National Labour Relations Board-NLRB), perpétuellement en sous-effectif.
Les nouveaux responsables des agences de Trump ont également procédé à des purges politiques au sein du département d’Etat, du Conseil national de sécurité, du Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, et de deux comités consultatifs économiques du département du Commerce. Le licenciement des 18 inspecteurs généraux qui supervisent toutes les grandes agences fédérales – c’est-à-dire la suppression de tout contrôle objectif et de toute transparence – est un signe clair du renforcement du pouvoir et de la liberté d’action du président.
Trump/Musk ont également licencié plus d’une douzaine de procureurs fédéraux qui enquêtaient sur les activités criminelles de Trump. [13] Et ainsi de suite.
Depuis que Woodrow Wilson [1913-1921] a ségrégué une grande partie de la bureaucratie fédérale, aucun président n’avait pris de mesures aussi ouvertement racistes à l’encontre des fonctionnaires fédéraux. L’une des premières mesures prises par Trump a été de mettre fin à tous les programmes DEI (diversité, équité et inclusion). Cette mesure a été suivie par le licenciement ou la mise en «congé» du personnel lié à la DEI dans l’ensemble du gouvernement.
A la mi-février, cela concernait notamment les anciens combattants (Veterans Affairs), l’EPA (Environmental Protection Agency), l’éducation (département de l’Education), l’EEOC (Equal Employment Opportunity Commission) et même les garde-côtes. [14] Avec l’expulsion prévue de millions d’immigrants, c’est un pas de plus dans la volonté de Trump de «rendre l’Amérique blanche à nouveau», ce qu’elle n’a jamais été. Des manifestations ont déjà éclaté pour s’opposer à ce racisme flagrant et d’autres sont à prévoir.
Pour couronner son nettoyage ethnique du gouvernement au profit de la ploutocratie, voire de l’oligarchie, Trump a nommé pas moins de 13 milliardaires et un nombre supplémentaire de multimillionnaires à des postes de haut niveau dans son administration. Certains sont des amis de Donald Trump, beaucoup travaillent dans la finance, le capital-investissement ou l’immobilier. Ensemble, ils pèseraient 380 milliards de dollars.
Cela ne tient pas compte d’Elon Musk, dont la fortune, estimée à plus de 400 milliards de dollars, dépasse celle de tout le groupe, du moins jusqu’à ce que le cours de l’action Tesla se soit effondré en mars. [15] C’est un sacré casting pour un soi-disant populiste.
Les obstacles à la MAGAnomics, les racines de la résistance
Les obstacles à la réalisation du rêve de Trump d’une «forteresse américaine» fondée sur une économie manufacturière florissante et les racines de la résistance croissante résident en partie dans la situation économique de longue date des Etats-Unis et du monde. Je dis «en partie» parce que l’action sociale des êtres humains n’est jamais le simple reflet des conditions économiques.
Trump ira à contre-courant de l’économie aussi longtemps que possible, et l’inflation et la résistance populaire contre les expulsions contribueront à l’émergence d’un nombre croissant de leaders et d’organisations de base, y compris potentiellement la croissance des syndicats, mais ne la garantiront pas. Comme beaucoup d’autres, j’ai souvent plaidé en faveur de la nécessité d’une «minorité militante» de la classe laborieuse, consciente et bien organisée, telle qu’elle a émergé dans les années 1930, pour diriger une résistance de masse.
Il est désormais presque universellement reconnu que le capitalisme dans les économies avancées, avec les Etats-Unis au centre et la Chine qui rattrape son retard, a ralenti jusqu’à presque s’arrêter au cours de la dernière décennie et devrait continuer à ce rythme. Même le Fonds monétaire international et la Banque mondiale le confirment. Comme l’a déclaré l’année dernière la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, le reste de la décennie s’annonce «morose et décevant» et «sans correction de cap, nous nous dirigeons vers une décennie 2020 tiède». [16] Si cette réalité fait débat, d’un point de vue marxiste, le déclin général des taux de profit, avec quelques hauts et bas, a limité les investissements dans les secteurs productifs de l’économie.
De plus, même si les super-riches dépensaient moins leurs nouveaux abattements fiscaux dans les cryptomonnaies, les actions et autres spéculations financières (contre l’avis de Trump), le succès serait certainement limité. L’économie des Etats-Unis a été déformée par des investissements disproportionnés dans le développement des infrastructures gigantesques (très coûteuses et désastreuses sur le plan écologique) nécessaires à l’intelligence artificielle générative (IA) et aux technologies connexes. Une grande partie de ces investissements aura probablement peu d’utilité industrielle pratique, même si Musk en absorbera une partie pour refondre l’Etat.
Les énormes capitaux absorbés par ce secteur de l’IA ont, à leur tour, contribué à saper la productivité dans le reste de l’économie, en particulier dans la production et la circulation des biens. Dans le but d’augmenter leurs profits, les entreprises ont augmenté leurs prix et contribué à l’inflation. Ensemble, ces tendances laissent présager une période de «stagflation» analogue à celle des années 1970 plutôt qu’un nouvel «âge d’or». [17]
Aux Etats-Unis, les profits non financiers ont augmenté d’année en année, mais leur répartition a empêché une période de croissance générale. D’un côté, des centaines de milliards pour l’IA et un petit groupe de grandes entreprises (principalement les «Magnificent Seven» de la technologie); de l’autre, des entreprises «zombies» en déclin, avec peu ou pas de bénéfices, qui représentent 20 à 30% de toutes les entreprises ces dernières années, et celles du milieu qui tombent en dessous du seuil de rentabilité. [18]
La répartition des profits est illustrée par le fait que, mesurées en termes de taux de marge net, les entreprises du secteur des technologies de l’information affichent un taux de profit deux fois supérieur à la moyenne. Etant donné qu’autant d’entreprises affichent un faible retour sur investissement, les taux de profit moyens ont de nouveau baissé depuis 2022. [19]
En outre, l’idée que l’IA générative va entraîner une renaissance de l’industrie manufacturière est une autre utopie technologique. Comme le souligne Daron Acemoglu, expert de renom en IA, fin 2024, «seules 5% environ des entreprises aux Etats-Unis ont déclaré utiliser l’IA». Il ajoute: «L’IA est une technologie de l’information. Elle ne fera pas votre gâteau ni ne tondra votre pelouse. Elle ne prendra pas non plus le contrôle des entreprises ou de la recherche scientifique. Elle peut plutôt automatiser une série de tâches cognitives qui sont généralement effectuées dans les bureaux ou devant un ordinateur.» [20]
Une étude récente de la Brookings Institution est arrivée à la même conclusion: «L’IA n’est pas susceptible de perturber beaucoup le travail physique, routinier et manuel, à moins d’une percée technologique dans le domaine de la robotique.» [21] Cette dernière n’a pas eu d’impact sur la productivité de l’industrie manufacturière ou des transports depuis plus d’une décennie, malgré quelques nouveaux développements.
Une enquête réalisée en 2025 par le Pew Research Center a révélé que près de 80% des travailleurs et travailleuses n’utilisent pas l’IA ou n’en ont jamais entendu parler sur leur lieu de travail. En outre, ceux qui l’utilisent sont concentrés dans quelques «zones métropolitaines hautement qualifiées», à savoir San Jose, San Francisco, Durham, New York et Washington DC, et non dans les grandes villes industrielles.
L’IA pourrait bien accélérer et éliminer de nombreux emplois, mais ceux-ci ne concerneront pas principalement la production et le transport de marchandises ni la plupart des services qui exigent un effort physique et des déplacements, c’est-à-dire la majorité des emplois de la classe laborieuse. [22]
Enfin, l’inflation va très certainement compromettre les plans de Trump et, dans le même temps, susciter une résistance accrue parmi un plus grand nombre de travailleurs. Cela risque d’encourager à la fois la militance syndicale et la création de nouvelles organisations, malgré l’affaiblissement de la NLRB par Trump et le fanatisme anti-syndical général.
La faible productivité, combinée à la stagnation à long terme des salaires réels et à l’augmentation des marges bénéficiaires (même si elles sont inégalement réparties), tend à pousser les prix à la hausse et à alimenter l’inflation. Après avoir légèrement reculé à partir de février 2024, l’inflation a de nouveau augmenté entre septembre et janvier 2025 pour atteindre 3% sur l’ensemble des biens, avant de retomber légèrement à 2,8% en février, en raison presque exclusivement de la baisse des prix des billets d’avion et des voitures – une baisse qui ne durera pas longtemps avec les droits de douane imposés par Trump.
Dans l’ensemble, Goldman Sachs prévoit que les droits de douane de Trump feront augmenter l’inflation d’un point de pourcentage en 2025. [23] La croissance réelle du PIB a chuté à 2,3% au cours de cette période et le chômage est resté autour de 4%. Malgré la hausse des profits, les investissements fixes ont baissé et les faillites d’entreprises ont augmenté, ce qui laisse présager une «stagflation», c’est-à-dire une croissance lente combinée à une hausse des prix. [24]
Les grèves ne concernent bien sûr pas uniquement les salaires, les questions liées aux conditions de travail étant souvent encore plus importantes. Et là aussi, il y a lieu de s’attendre à une résistance, car les employeurs cherchent à augmenter leurs taux de profit en baisse en intensifiant le travail, souvent sous l’impulsion des technologies numériques.
Toutefois, à l’heure actuelle, début 2025, on ne constate pas de recrudescence des grèves. Comme le rapporte le Labor Action Tracker de l’Institute for Labor Research (ILR), le nombre de grèves est passé de 471 en 2023 à 359 en 2024, tandis que le nombre de grévistes est tombé de 539 000 à 293 000. Ces niveaux restent toutefois bien supérieurs à ceux de 2022 et 2021. Néanmoins, début mars de cette année, seules 36 grèves ont été enregistrées par l’ILR, ce qui est nettement inférieur aux trois années précédentes. [25]
Le nombre de grévistes en 2023 a été soutenu par d’importantes négociations collectives, notamment celles des 160 000 acteurs de la SAG-AFTRA (Screen Actors Guild?American Federation of Television and Radio Artists), les 75 000 membres du SEIU (Service Employees International Union) chez Kaiser Permanente [consortium de soins intégrés] et les 65 000 enseignants de Los Angeles. [26] Deux raisons peuvent expliquer ce recul des actions de grève: le ralentissement de la hausse des prix à la consommation pendant la majeure partie de l’année 2024 et le nombre moins élevé qu’en 2023 de contrats arrivant à expiration, moment où la plupart des grèves ont lieu.
Toutefois, en ce qui concerne les grèves importantes impliquant 1000 travailleurs ou plus, leur nombre a augmenté, avec 31 grèves mobilisant 271 500 travailleurs, soit plus de 90% du total, à partir de 2024. Le nombre de grèves importantes a été bien supérieur à celui de toutes les années depuis 2000, tandis que le nombre de grévistes a également été supérieur à celui de la plupart des années depuis 2000, à l’exception de 2023 et de la vague de grèves des enseignants des «Etats rouges» [républicains] en 2018-2019.
L’éducation et les services de santé ont été les principaux secteurs touchés par les grèves, et l’Ouest a été le théâtre de la majorité d’entre elles, reflétant les changements au sein de la classe ouvrière. [27] Une grande partie des contrats expirant en 2025 concernent l’éducation et les services de santé, ce qui laisse présager un nombre important de grèves de grande ampleur.
D’autre part, la syndicalisation s’est quelque peu accélérée en 2024 grâce à l’amélioration du NLRB et à des tactiques plus audacieuses, même si cela reste loin de ce qui est nécessaire pour que le mouvement syndical se développe réellement par cette voie. Selon les estimations du Bureau of Labor Statistics (BLS), le nombre d’adhérents aux syndicats n’a pratiquement pas changé, augmentant à peine de 31 000 personnes, grâce uniquement aux secteurs de l’éducation et de la santé. [28] Cependant, les premières victoires, même partielles, remportées par les Teamsters chez Amazon et les grèves «transplants» [horizontales dans des secteurs de plusieurs firmes] de l’UAW pourraient annoncer une percée majeure, avec ou sans l’aide de la NLRB.
Dans le même temps, les mouvements réformateurs de ces dernières années ont poussé à plus de démocratie et d’action dans un certain nombre de syndicats, notamment l’United Auto Workers (UAW), les Teamsters, les syndicats ferroviaires, l’United Food and Commercial Workers, les Theatrical and Stage Employees, les Professional and Technical Engineers et la National Association of Letter Carriers.
Suivant l’exemple des Teamsters chez UPS en 2023, davantage de travailleurs se sont engagés dans des campagnes actives pour obtenir des contrats et rejeter ceux qui leur étaient proposés, obtenant souvent des gains importants grâce à une menace de grève sérieuse. [29] Ces éléments indiquent que, même si le niveau des grèves et l’intensification de la syndicalisation restent faibles par rapport aux normes historiques, les nouvelles tactiques et la plus grande implication de la base suggèrent que la «majorité militante» est en train de croître.
Il sera encore plus difficile de remporter des victoires par des moyens conventionnels en 2025, non seulement parce que Trump fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher les victoires, briser les syndicats et s’attaquer aux travailleurs immigrés qui jouent un rôle clé dans de nombreux secteurs, mais aussi en raison du problème sous-jacent de la rentabilité. Outre les faibles bénéfices de nombreuses entreprises, les coûts de production ont déjà augmenté, comme le montre la hausse de l’indice des prix à la production du BLS, et les employeurs s’opposeront aux gains importants obtenus ces deux dernières années. [30]
Dans le même temps, cependant, la hausse du coût de la vie encouragera les travailleurs à se mobiliser. Il est impossible de prédire laquelle de ces forces contradictoires l’emportera, mais le conflit sous-jacent s’est intensifié. Les signes de résistance se multiplient, tant dans les négociations collectives que dans l’opposition aux expulsions massives de travailleurs immigrés.
Le syndicat des enseignants de Chicago, par exemple, tente de constituer une coalition de syndicats locaux prêts à lutter contre les initiatives de Trump. Stratégiquement, en s’appuyant sur les succès remportés depuis environ un an par les Teamsters et d’autres, une percée significative chez Amazon ou d’autres entreprises très rentables pourrait modifier considérablement les rapports de forces entre classes.
Des démocrates désorientés, en déclin et en désarroi
Le Parti démocrate est l’un des rares lieux où la résistance est notablement absente. Des anciens et actuels responsables politiques aux stratèges et experts sympathisants, en passant par les consultants associés, les chroniqueurs de journaux et les grands donateurs, tous sont désabusés et divisés quant à la défaite électorale du parti, à la perte de son électorat traditionnel, à son avenir et à la marche à suivre.
Trop «woke» ou pas assez «woke» [«réveillé»]? S’opposer ou coopérer (lorsque c’est possible)? «Faire le mort» (James Carville – conseiller en stratégie du Parti démocrate) ou «attendre et voir» (Hakeem Jeffries – chef de la minorité démocrate à la Chambre). Ou peut-être le vieux refrain: «C’est l’économie, idiot». Si l’on assiste soudainement à quelques dénonciations rhétoriques des milliardaires, il n’y a pas de véritable remise en question des politiques économiques ou sociales susceptibles de rallier les électeurs et électrices.
Tout le monde semble s’accorder sur un point: s’il y a beaucoup de candidats à l’investiture présidentielle de 2028, ce parti manque de leaders et de leadership. De plus, selon les politiciens et les experts, le problème réside dans le «message» et l’«image de marque» du parti. [31]
C’est le langage de la publicité, pas celui de la politique ou des politiques publiques, et encore moins celui d’une organisation populaire. C’est le cadre analytique d’un parti qui dépense des milliards en publicité, en consultants et en bureaucratie, qui manque de membres et de base organisée, et qui dépend de la générosité des donateurs. Sa base électorale est un public individualisé, qu’il perd de plus en plus.
Cela n’a pas toujours été le cas. Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur les limites de la New Deal Coalition [qui soutenait le Parti démocrate en 1932] qui s’est effondrée il y a plusieurs décennies – certes nombreuses –, elle était enracinée dans les quartiers urbains grâce à ses anciennes machines électorales, aussi corrompues fussent-elles, avec leurs organisations départementales, leurs systèmes de clubs politiques et, après 1937, leurs syndicats industriels actifs. Dans les années 1970 ont disparu les machines, privées de clientèle en raison de l’évolution démographique urbaine, les clubs abandonnés et les organisations départementales vidées de leur substance. [32]
Même avant la disparition des emplois industriels et le déclin des syndicats, ces derniers, qui adoptaient de plus en plus le syndicalisme d’entreprise, avaient perdu leur capacité à mobiliser leurs membres pour l’action politique. La politique et les soutiens politiques, tout comme la négociation collective, étaient devenus l’apanage des directions. Sur le lieu de travail, les litiges étaient de plus en plus souvent réglés au plus haut niveau et les délégués syndicaux ainsi que les comités se voyaient réduits à un travail social légalisé plutôt qu’à la mobilisation et à l’action, économique et politique.
Ainsi, après une brève augmentation à 80% contre Goldwater en 1964 [Lyndon B. Johnson obtient 61,1% des votes et Barry Goldwater 38,5%], sans résistance organisée à la «réaction blanche» de la fin des années 1960, le vote des ménages syndiqués démocrates et des membres blancs des syndicats s’est effondré depuis longtemps. Depuis lors, le pourcentage de ménages syndiqués votant démocrate est resté bloqué entre 55% et 60%, à l’exception de 1976, après huit ans de Nixon, sans jamais se redresser, même après quatre ans de Trump. [33]
A leur place, à partir des années 1970, sont apparus les PAC d’entreprise [assurant le financement des campagnes], suivis par de riches donateurs, des consultants coûteux et des comités de parti de haut niveau de plus en plus bien financés et dotés en personnel.[34] En 2024, les trois principaux comités nationaux du Parti démocrate, sans compter les fonds levés par les PAC, les candidats individuels et les partis des Etats, ont dépensé à eux seuls plus de 2 milliards de dollars, contre 620 millions en 2000, dont une grande partie a été consacrée aux médias et aux consultants. [35]
Sur le plan politique, les centristes qui contrôlent aujourd’hui ces comités du parti n’ont aucun projet pour changer cela, ni aucune politique économique pour modifier la perception selon laquelle les démocrates sont le parti du statu quo (ancien et insatisfaisant).
Le principal problème actuel de la hiérarchie démocrate est l’érosion de sa base électorale, qui s’est manifestée en 2024 par la perte de six millions de voix par rapport à 2020, notamment le déclin continu du vote des hommes noirs et la chute brutale du vote latino. [36]
Au cours des deux dernières décennies, le nombre d’électeurs inscrits se déclarant pleinement démocrates est passé de 37-40% à 33% en 2024. La situation n’était pas meilleure dans les scrutins régionaux, où le pourcentage de parlementaires démocrates est devenu minoritaire, à 44%, pour la première fois en plus de cent ans. [37]
Les conditions économiques évoquées ci-dessus, combinées à l’incapacité de taxer les revenus élevés, à la richesse individuelle obscène et aux profits exorbitants des géants de la finance et des hautes technologies en raison de la dépendance des démocrates à leur égard, ainsi qu’à l’idéologie de la plupart des responsables politiques et des titulaires de fonctions officielles, empêchent les démocrates de plaider en faveur d’une redistribution significative des richesses.
C’est pourquoi la couverture médicale universelle, la garantie de l’emploi, les logements à bas prix, l’augmentation du salaire minimum, le contrôle des prix sous toutes ses formes, le développement massif des énergies renouvelables, etc. ne sont pas sérieusement envisagés.
De plus, les élections de 2024 ont encore plus centré le parti national. A la Chambre des représentants, le Squad [Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Ayanna Pressley, Rashida Tlaib et d’autres] a perdu deux membres et le Progressive Caucus n’a enregistré aucun gain net. En revanche, 23 des 33 démocrates nouvellement élus à la Chambre ont rejoint la New Democratic Coalition (New Dems), un groupe centriste qui est désormais de loin le plus important de la Chambre.
Comme si cela ne suffisait pas, les New Dems ont choisi le conservateur Brad Schneider (Illinois), membre du Blue Dog [caucus fort modéré du Parti démocrate], comme président. Tout espoir que ce groupe mène une lutte sérieuse contre Trump ou améliore les politiques économiques et sociales du parti relève de l’utopie.
Les démocrates pourraient reprendre le Congrès en 2026 en raison de la réaction contre les excès de Trump. Cette bataille se livrera toutefois dans un peu plus de 40 circonscriptions (sur 435) qui sont réellement disputables. Beaucoup d’entre elles se trouvent dans des circonscriptions suburbaines disproportionnellement aisées, où le «message» sera modéré, ce qui exclut tout glissement vers la gauche. Les candidats «de première ligne» triés sur le volet par le parti pour défendre les circonscriptions démocrates disputées sont toujours des New Dems modérés à une écrasante majorité.
Cela signifie la poursuite d’un cycle où le centre l’emporte sur la droite à la Chambre, ou pire, la montée de la droite avec ou sans Trump, plutôt que l’espoir d’une évolution progressiste. A moins que l’opposition populaire ne se développe rapidement et que la gauche ne prenne au sérieux son propre discours sur la construction d’un parti des travailleurs, même s’il ne s’agit que de quelques expériences dans ce sens en 2026. (Article publié sur le site Against the Current, mai-juin 2025; traduction rédaction A l’Encontre)
Kim Moody a fondé le réseau syndical Labor Notes en 1979. Il est l’auteur de nombreux ouvrages. Il enseigne actuellement à l’University of Westminster, Londres.
Notes
- Nordregio.org., Sea Routes and Ports in the Arctic, Nordregio.org., January 2019, https://nordregio.org/maps/sea-routes-and-ports-in-the-Arctic/
- Guardian Staff, “US firm to take control of ports on Panama canal in $14bn deal,” The Guardian, March 5, 2025: 2.
- 3. White House, Tariffs as a Major Revenue Source: Implications for Distribution and Growth, White House, July 12, 2024, https://bidenwhitehouse.archives.gov/cea/written-materials/2024/07/12/tariffs-as-a-major-revenue-source-implications-for-distribution-and-growth/ ; Felix Richter, “Tariffs Are Not a Meaningful Source of Government Revenue, Statista, November 12, 2024, https://www.statista.com/chart/33464/us-government-receipts-in-fy-2023-by-source/
- BLS, Manufacturing: NAICS 31-33, Industries at a Glance, February 19, 2025. See below.
- Kana Inagati, et al. “How the car industry is exposed to Donald Trump’s tariffs, “ Financial Times, November 29, 2024, https://www.ft.com/content/3d21261d-6c58-4487-9191-1c848df9fde9
- Michale Roberts, “”Trump’s ‘little disturbance’,” Michael Roberts Blog, March 5, 2025.
- USAFacts, How many people work for the federal government? USAFacts, December 19, 2024, https://usafacts.org/Arcticles/how-many-people-work-for-the-federal-government/
- Elixabeth Dwoskin, Faoz Siddiqui, and Emily Davies, “Turmoil within DOGE spills into public view as Musk’s group confronts a PR crisis,” The Washington Post, March 10, 2025. https://www.washingtonpost.com/technology/2025/03/10/doge-musk-rebrand-trump-conflicts/
- Douglas MacMilan, Aaron Schaffer and Daniek Gilbert, “Companies warn investors that DOGE’s federal cuts might hurt business,” The Washington Post, March 9, 2025.
- Michael Kinnucan, “Republicans Want to Gut Medicaid. They Might Regret It,” New York Times, February 28, 20205, https://www.nytimes.com/2025/02/28/opinion/medicaid-republicans.html; Margot Sanger-Katz and Alicia Parlapiano, “What Can House Republicans Cut Instead of Medicaid? Not Much,” New York Times, February 25, 2025, https://www.nytimes.com/2025/02/25/upshot/republicans-medicaid-house-budget.html
- Jenny Yang, “Hospital Revenue share in the U.S. as of 2021, by payer mix,” Statista, July 15, 2024, https://www.statista.com/statistics/1029719/composition-of-hospital-revenue-by-payer-contribution-in-the-us/#:~:text=In%202021%2C%20Medicare%20payments%20contributed%20to%2018.9%20percent,notified%20via%20email%20when%20this%20statistic%20is%20updated; Kinnucan; and Sanger-Katz and Parlpiano.
- Amy Schoenfeld, et. al., “Where Trump, Musk and DOGE Have Cut Federal Workers So Far,” New York Times,February 11, 2025, https://www.nytimes.com/interactive/2025/02/11/us/politics/trump-musk-doge-federal-workers.html; Reuters, “Trump administration disbands two expert panels on economic data,” Reuters, March 5,2025, https://www.reuters.com/world/us/trump-administration-disbands-two-expert-panels-economic-data-2025-03-05/
- Schoenfeld, op cit.
- Peter Charalambous, et. al., “Trump has tapped an unprecedented 13 billionaires for his administration. Here’s who they are,” ABC News, December 18, 2024, https://abcnews.go.com/US/trump-tapped-unprecedented-13-billionaires-top-administration-roles/story?id=116872968; The Economic Times, News, “Billionaires in Trump 2.0 team worth over $380 bn, exceeding 172 countries’ GDP,” January 3, 2025, https://economictimes.indiatimes.com/news/international/global-trends/billionaires-in-trump-2-0-team-elon-musk-vivek-ramaswamy-warren-stephens-linda-mcmahon-jared-isaacman-howard-lutnick-steven-witkoff-doug-burgum-scott-bessent-worth-over-380-bn-exceeding-172-countries-gdp/Articleshow/116919672.cms?utm_source=contentofinterest&utm_medium=text&utm_campaign=cppst
- Michael Roberts, “The Tepid Twenties,” Michale Roberts Blog, April 14, 2024.
- Ascension Mejorado and Manuel Roman, Declining Profitability and the Evolution of the US Economy: A Classical Perspective, New York: Routledge, 2024; Michael Roberts, The Long Depression: How It Happened, Why It Happened, and What Happens Next, Chicago: Haymarket Books, 2016; Anwar Shaikh, Capitalism: Competition, Conflict, Crises, New York: Oxford University Press, 2016; Michael Roberts “Blog” which is cited in places below. For shifting logistics and falling productivity see Kim Moody, “The End of Lean Production & What Lies Ahead for Labor: The US Experience,” Capital & Class, forthcoming.
- Mejorado and Roman: 14, passim; Michale Roberts, “From the Magnificent Seven to the Desperate Hundreds,” Michael Roberts Blog, April 7, 2024.
- Full:ratio, Profit Margin by Industry, March 2025, https://fullratio.com/profit-margin-by-industry; Michael Roberts, “Profits: margins and rates,” Michael Roberts blog, March 18, 2024.
- Daron Acamoglu, “America is Sleepwalking into an Economic Storm,” New York Times, October 17, 2024, https://www.nytimes.com/2024/20/17/opinion/economy-us-aging-work-force-ai.html
- Molly Kinder, et. al., “Generative AI, the American worker, and the future of work,” Brookings Institution, October 10, 2024.
- Mark Muro, et. al., The Geography of generative AI’s workforce impacts will likely differ from those of previous technologies,” Brookings Institution, February 19, 2025.
- Robert Kuttner, “Trump’s Stagflation,” The American Prospect, March 12, 2025.
- BLS, Consumer Price Index-February 2025, USDL-25-0332, March 12, 2025; BLS, Employment Situation-February 2025 USDL-25-0296, March 7, 2025; BEA, Gross Domestic Product, 4th Quarter and Year 2024, BEA 25-05, February 27, 2025; Michael Roberts, “A whiff of stagflation,” Michael Roberts Blog, February 17, 2025.
- Deepa Kylasam Lyer, et. al., Labor Action Tracker: Annual Report 2024: 3-4, 11.
- Jenny Brown, “Big Strikes, Bigger Gains,” Labor Notes 538, January 2024: 8-10.
- BLS, Major Work stoppages in 2024, USDL-25-0226, February 20, 2025; BBLS, Work Stoppages, Annual work stoppages involving 1,000 or more workers, 1947 – Present, February 20, 2025.
- BLS, Union Members 2024, USDL-25-0105, January 28, 2025.
- See Jenny Brown, “Strikes and Organizing Score Gains, but Storm Clouds Loom, “ Labor Notes 550, January 2025: 8-10.
- BLS, Producer Price Indexes-January 2025, USDL-25-0176, February 13, 2025.
- Citations for this would take up pages, but the major sources are New York Times, Washington Post, Politico, The Hill, Jacobin, HuffPost.
- Steven P. Erie, Rainbow’s End: Irish-Americas and the Dilemmas of Urban Machine Politics, 1840-1985,Berkeley: University of California Press, 1988; Dennis R. Judd and Todd Swanstrom, City Politics: The Political Economy of Urban America; Iro Katznelson, City Trenches: Urban Politics and the Patterning of Class in the United States, Chicago: University of Chicago Press, 1981.
- For a few analyses of this see: Mike Davis, Prisoners of the American Dream: Politics and Economy in the History of the US Working Class, Verso, 1986; Kim Moody, US Labor in Trouble and Transition: The Failure of Reform From Above, The Promise of Revival From Below, London: Verso, 2007.
- There are many accounts of this, but for a recent look at the rise of money, despite its misleading title: Ryan Grim, We’ve Got People: From Jesse Jackson to Alexandria Ocasio-Cortez, the End of Big Money and the Rise of a Movement, Washington DC: Strong Arm Press, 2019; also Kim Moody, Breaking the Impasse: Electoral Politics, Mass Action & The New Socialist Movement in the United States, Chicago: Haymarket Books, 2022.
- OpenSecrets.com, Political Parties, 20204, 2000.
- For more detail on this see: Kim Moody, “The Democrats’ Path to Defeat,” Against the Current #234, February 2025: 14-18; Howie Hawkins, “A Political Paradox: A Progressive-Leaning Public Elects A Far Right President,” New Politics Vol. XX No 2, Winter 2025: 3-16.
- Pew Research Center, “The partisanship and ideology of American voters,” Pew Research Center, April 9, 20204; Ballotpedia, “Democrats lost 92 state legislative seats during the Biden presidency,” Daily Brew, March 10,2025.
- Michael Li and Gina Feliz, “The Competitive Districts that Will Decide Control of the House,” Brennan Center for Justice, October 24, 2024, https://www.brennancenter.org/our-work/analysis-opinion/competitive-districts-will-decide-control-house
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