Coopération Etats-Unis – Bachar pour bombarder la Syrie

obama-syriaPar Claude Angeli

Des contacts discrets entre la CIA et ses homologues syriens ont repris au début de 2014. Et, cet été, Ali Mabrouk, patron des services de sécurité intérieure et conseiller de Bachar al-Assad, s’était félicité de ces retrouvailles devant des diplomates étrangers en poste à Damas. Exagérait-il alors la portée de ces échanges balbuzards?

Peut-être pas, si l’on considère ce qui allait suivre: une coopération américano-syrienne des plus insolites. Et l’intensité des bombardements que l’US Air Force vient d’effectuer tranquillement sur les territoires occupés par l’Etat islamique ne peut surprendre que d’incorrigibles naïfs. Lesquels étaient invités à se satisfaire des déclarations rassurantes du chef d’état-major. Le 16 septembre 2014, en annonçant que les Etats-Unis se préparaient à intervenir en Syrie, celui-ci se montrait péremptoire: «Il n’y a pas de partages des cibles»  avec les autorités de Damas. Mais, dès les premiers raids, les analystes militaires français affirmaient le contraire et signalaient l’existence d’«un échange avec les Syriens sur les zones à bombarder.» Une réalité que l’on confirme aujourd’hui au ministère de la Défense [en France].

A l’instar de Bachar, qui n’a pas hurlé à la vue de ces avions étrangers arrosant d’explosifs sa chère Syrie, la presse de Damas, et notamment l’agence Sana, affiche un calme olympien. A preuve, cet aimable constat paru, le 25 septembre, dans Al Watan [La Nation, organe de presse lancé en 2006. Son propriétaire n’est autre que Rami Maklouf, cousin du dictateur et l’une des plus grandes fortunes du pays]: «Ces bombardements semblent respecter les conditions d’une reprise de la coopération avec les Etats-Unis.» 

Deux jours plus tôt, Al-Thawra [«La révolution», publié depuis 1963], le quotidien du Baas, avait résumé la position adoptée par Bachar. Un éditorial évoquait «une relation complexe avec Washington [et] une coordination négative qui ne précise pas tous ses objectifs.» Suivait un commentaire sur les raids américains, qui «ne peuvent être interprétés comme une atteinte à la souveraineté de la Syrie […] ni une agression unilatérale, [même s’il s’agit d’] une action militaire illégale.» Avant de conclure: «Seuls l’armée syrienne et ses alliés [à savoir la Russie, l’Iran et le Hezbollah, un peu divisé, semble-t-il] pourront intervenir au sol» contre les djihadistes.

Au Pentagone, une intervention sur le terrain en Irak, voire en Syrie, est déjà envisagée, même si Barack Obama s’y montre encore hostile. Le général Paul Funk, accompagné d’un petit état-major, a été détaché à Bagdad, avec pour mission d’aider les forces irakiennes et kurdes, en attendant mieux. Quant aux frappes aériennes, elles sont coordonnées par le général Lloyd Austin, qui va et vient entre son PC de Tampa, en Floride, et celui d’Al-Udeid, au Qatar.

Obama sous pression

A Washington, le général Dempsey, lui, continue à faire pression sur l’équipe Obama, et il ne s’en cache pas, pour obtenir la présence de combattants au sol, américains et membres de cette coalition de «40» alliés des Etats-Unis. Lesquels ne cessent de répéter, pourtant, qu’ils n’enverront aucun soldat mourir face aux djihadistes.

Mais Dempsey persévère, et le patron du Pentagone, Chuck Hagel, n’est pas loin d’approuver. Le 26 septembre, en présence de journalistes, il a admis que les frappes aériennes ne suffiront pas, et que «l’engagement des Etats-Unis et de leurs alliés» prendra du temps. Au-delà même des «trois ans» prévus par l’état-major de l’Otan, bien trop optimiste.

En attendant une éventuelle décision de Barack Obama en faveur d’une bonne guerre [sur le terrain] en Irak ou en Syrie, Dempsey envisage d’entraîner et d’équiper, pendant au moins une année, entre 12’000 et 15’000 combattants syriens – dits «modérés» – pour libérer leur pays. L’Arabie saoudite, qui a longtemps financé les djihadistes et salutistes de tout poil, en espérant qu’ils régleraient son compte à Bachar, s’est portée volontaire pour héberger ce centre américain de formation. C’est un détour ironique de l’Histoire. (Article dans l’édition du 1er octobre 2014 du Canard enchaîné, page 3)

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