Le Venezuela, un dimanche déjà nommé le 30 J

Le PSUV et sa lettre ouverte à Maduro et Cabello en mai 2016

Un simple coup d’œil lancé sur les unes de la presse ne laisse aucun doute sur la campagne politique de la droite impérialiste contre l’expérience chancelante bolivarienne. La première de The Economist, 29 juillet-4 août, titre : «Venezuela dans le chaos. Qu’est-ce que monde devrait faire». L’éditorial est plus clair. Dans un esprit «démocratique» – qui plaça l’officieux The Economist du côté de Pinochet en 1973 et des dictatures brésilienne et argente fin des années 1960 et milieu des années 1970, avec cette fourberie endogène au colonialisme britannique – il titre : «Le pays glisse de la catastrophe économique à la dictature. Que pouvons-nous faire pour stopper cela ?» Tony Blair et l’establishment anglais ont donné de nombreuses réponses en la matière : en 2001 en Afghanistan, en 2003 en Irak, actuellement en soutenant une «démocratie typique» : l’Arabie saoudite qui bombarde la population du Yémen et crée ce qui par euphémisme est qualifié de crise humanitaire. Evidemment pour une raison : «combattre la dictature des mollhas en Iran», un pays dont le gouvernement a été combattu avec vigueur par la Grande-Bretagne entre 1951 et 1954 afin de contrôler la ressource pétrolière et non pas pour réviser le dogme chiite (selon le dogme anglican ?).

Un quotidien comme El Pais, le 29 juillet, titre : «L’opposition livre dans la rue une bataille finale contre Maduro». Une question vient à l’esprit : si les Catalans mènent dans la rue une campagne pour l’indépendance, est-ce que l’armée, la police et les institutions judiciaires de la monarchie espagnole et du gouvernement du Parti populaire, qui exhale encore des miasmes franquistes, vont applaudir «la lutte finale des Catalans» ?

Aucune incertitude ne doit planer sur les politiques économiques, sociales et militaires des puissances impérialistes pour ce qui a trait aux dites expériences progressistes, en déclin, au Brésil, en Equateur, en Uruguay (investissements étrangers massifs et collaboration avec le gouvernement du Frente Amplio), et aujourd’hui au Venezuela. Demain, en Bolivie, sans mentionner le blocus historique contre Cuba. Mais ce constat ne peut conduire à un simplisme univoque qui a imprégné profondément les lobes cérébraux d’une grande partie de la gauche durant la période stalinienne et post-stalinienne, durant celle des luttes d’indépendance dont la dynamique soit n’a pas été saisie, soit a été justifiée. Aujourd’hui, le même simplisme s’exprime dans ce que Gilbert Achcar a qualifié de «choc des barbaries», ce qui n’exempte pas de tenter de comprendre le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe de courants islamistes politiques qui se trouvaient et se trouvent face au «vide» laissé par l’échec des nationalismes et des orientations défendues par les partis communistes, souvent influents (Irak, Soudan).

Il ne s’agit pas ici de donner une argumentation tactique sur le double combat, différent dans la forme, à conduire face aux puissances impérialistes – qui disposent de multiples instruments d’intervention –, à leurs alliés locaux au Venezuela, et face à la bolibourgeoisie symbolisée de façon caricaturale par Nicolas Maduro et le militaire vice-président Diodado Cabello.

Le site A l’Encontre a publié de nombreux articles sur l’évolution de la situation au Venezuela, avec des points de vue qui divergent, souvent à la marge, mais qui ont leur importance dans une telle conjoncture socio-économique et dans une crise politique ouverte, en un mot au milieu d’une crise nationale, comme l’entendaient les marxistes révolutionnaires dans la période la Première Guerre mondiale et de l’après-guerre. A propos du vote pour l’Assemblée nationale constituante, qui aura lieu le 30 juillet, nous avons publié deux prises de position : l’une de la Plate-forme civique pour la défense de la Constitution (de 1999) (voir sur ce site), l’autre de l’organisation «LUCHAS». Des membres de ces deux courants ont une histoire commune. Trois remarques.

1° Le communiqué de LUCHAS, dans sa rédaction, superpose partiellement, de façon injuste (pour le moins), les positions de l’éventail des courants réactionnaires représentés dans la MUD (Table de l’unité démocratique) et celles de la Plate-forme civique. Alors qu’une lecture des deux communiqués indique des revendications, pour tracer une perspective de sortie d’une crise d’une ampleur exceptionnelle, communes.

2° La Plate-forme civique a le mérite analytique de souligner l’intrication entre la gestion politique passée, les institutions politico-militaires et leur pouvoir de contrainte, les intérêts économiques en jeu et les limites endogènes de l’Assemblée constituante prévue, ainsi que l’autoritarisme croissant de ce bonapartisme sui generis qui a pris son envol début des années 1990 et s’est installé début 1999. C’est sur cette base que le mot d’ordre, face à l’appel au vote, se résume dans: abstention ou vote nul.

3° Le mot d’ordre de LUCHAS traduit un passé de présence dans le PSUV et une orientation qui laisse croire que l’Assemblée constituante prévue serait un pas vers un Etat des communes, un Etat fondé sur le pouvoir local, avec une forte composante populaire et une capacité d’initiative et d’inspection du pouvoir central, ou du moins d’une partie de ce pouvoir. Car aucun mot n’est prononcé sur la colonne vertébrale de ce pouvoir: le secteur militaire actuellement majoritaire. Il y a des silences qui parlent plus qu’une prise de parole.

En un mot, nous nous trouvons bien plus en syntonie avec ce qui est affirmé par la Plate-forme civique et ses signataires. Mais ce n’est pas une raison pour que la position de militants de longue date – entre autres le syndicaliste Stalin Perez Borges – ne soit pas portée à la connaissance de nos lectrices et lecteurs. (C.-A. Udry pour la rédaction A l’Encontre)

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«Appel aux travailleurs de voter ce 30 juillet 2017»

Par l’organisation «LUCHAS»

«Ce dimanche 30 juillet (30 J) le peuple vénézuélien a la possibilité de choisir au travers d’un scrutin direct et secret 537 constituants, qui, avec les 8 représentants autochtones, intégreront l’Assemblée nationale constituante (ANC). Nous croyons que s’abstenir ou voter non n’est pas une mesure sensée ou révolutionnaire de la part de personnalités ou des groupes qui veulent que ce pays se retrouve à nouveau sur une voie permettant de surmonter une crise grave d’approvisionnement [de biens de base, de médicaments], de spéculation ainsi qu’une faible production industrielle et agricole; crise dont nous souffrons actuellement. Des difficultés qui de plus en plus se font insupportables suite aux flambées de violence que des secteurs de l’opposition, de manière irrationnelle et criminelle, ont suscitées depuis plus de 120 jours.

C’est ainsi que se prononce la Ligue unitaire chaviste socialiste (LUCHAS) dans un communiqué envoyé à la presse.

Stalin Perez Borges, un des animateurs de LUCHAS

LUCHAS fait valoir que la participation activte au vote du 30 J pour l’Assemblée nationale constituante (ANC) est le meilleur hommage que nous pouvons rendre ce 28 juillet au commandant Chavez [28 juillet 1954-5 mars 2013], date anniversaire de sa naissance. Le communiqué souligne: «Cette élection de l’ANC est la possibilité réelle d’honorer la demande qu’a faite le président Chavez au (futur) président Maduro [alors ministre du pouvoir populaire et des relations extérieures, deviendra vice-président le 13 octobre 2012] lors du Conseil des ministres d’octobre 2012, et qui figure dans le document déjà reconnu intitulé: «Changement de cap». Lors de ce Conseil des ministres, Chavez a exhorté le Président Maduro à développer l’Etat communal, dans la perspective, selon cette modalité, d’avancer vers le socialisme. Il a reconnu que dans sa gestion, sur cette question en particulier, il avait échoué. Dès lors, comme la gestion politique du président Maduro n’a pas progressé dans cette direction, il appartient à cette Constituante d’avancer vers l’Etat communal [c’est-à-dire fondé sur les structures locales à forte participation populaire, selon la rhétorique chaviste] tel que Chavez l’a demandé à la fin de sa vie.»

Plus loin, le communiqué de LUCHAS affirme: «Il est contradictoire que des secteurs d’opposants qui s’affirment des «libérateurs» [allusion au «Libérateur Simon Bolivar»] et des «combattants pour la liberté, les droits de l’homme et la démocratie, et contre la dictature» demandent en même temps l’intervention de l’OEA (Organisation des Etats américains), l’occupation militaire et les sanctions économiques décidées par les Etats-Unis. Ceux-ci s’expriment en accord avec l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures du pays. Ils utilisent des méthodes fascistes comme tuer des passants lorsqu’ils dirigent des barricades et brûler vifs les gens parce que considérés comme chavistes. Il est aussi contradictoire que des secteurs qui se définissent comme chavistes et/ou révolutionnaires accompagnent le patronat et la MUD [Table de l’Unité démocratique] pour l’appel à une dite grève générale [27-28 juillet]. Ils sont partisans de forcer Maduro à démissionner. Il leur importe bien peu que le président de la République soit substitué par un président représentant les capitalistes et pro-impérialiste, un président qui mettra fin au processus bolivarien. Et que soit mis en place un gouvernement réactionnaire, profondément néolibéral et antidémocratique. Cette fois à l’occasion de l’élection de l’Assemblée nationale constituante, ils appellent à l’absention et au vote nul.»

Le communiqué de LUCHAS indique que «les travailleurs et les travailleuses, ainsi que tous les autres secteurs sociaux bolivariens et chavistes ont la responsabilité de rechercher de toutes les façons des mesures et des instruments révolutionnaires et démocratiques qui pourraient servir à mettre en place les dispositions nécessaires qui puissent servir à mettre fin à la spirale de violence que la droite a imposée, et aptes à résoudre cette crise ou ce chaos économique qui pulvérise nos salaires [hyperinflation], qui détériore nos conditions sociales de vie et de travail et ne fait qu’exacerber l’affrontement politique. Cette responsabilité politique, pour nous, passe par assumer l’appel au scrutin pour l’ANC. Cela doit être un outil constitutionnel et démocratique, efficace et nécessaire.»

«Cette convocation pour le scrutin du 30 J exige que les constituants élus fassent de ce qu’affirme la Constitution actuelle de la République bolivarienne du Venezuela (Constitution de 1999, CRBV) une réalité. C’est-à-dire que les véritables décisions soient prises par le pouvoir originel, soit le peuple. Cela implique fondamentalement que les propositions adoptées par la Constituante soient publiquement débattues, que des consultations et des prises de décision soient mises en place avec différents secteurs sociaux, et que soit soumis à référendum le texte de la nouvelle CRBV.»

Finalement «la Ligue unitaire chaviste socialiste (LUCHAS) appelle les travailleurs et les travailleuses et tous les mouvements populaires à rester en alerte et à se mobiliser en permanence devant l’ANC élue pour effectuer une pression et imposer l’Etat communal, pour mettre en place des mécanismes et des instances qui établissent le dialogue entre les différents secteurs et organisations sociales et politiques en conflit, afin de prévenir d’autres actes de violence et même une guerre fratricide, pour promouvoir et garantir la capacité d’initiative populaire et démocratique ainsi que le rôle des travailleurs qui participent de manière démocratique à résoudre les problèmes qui nous assaillent.»

«Ce dimanche 30 millions de Vénézuéliens doivent se rendre aux bureaux de vote pour: infliger une défaite à la violence, à l’intimidation et aux menaces que les secteurs extrémistes de la MUD veulent exercer pour faire obstacle à notre droit de vote; dire à l’empire états-unien et à ses larbins que nous n’acceptons aucune ingérence; réaffirmer face au monde que nous sommes des millions et que ce peuple a la capacité de construire la paix. Nos problèmes, nous les résoudrons par des moyens démocratiques et constitutionnels. Rendons-nous dans les bureaux de vote le 30 J afin de donner une légalité et une légitimité à notre processus constitutionnel.»

Allons tous voter le dimanche 30 J, un vote pour la paix.
Allons voter pour le redressement du pays.
Allons voter contre l’ingérence étrangère et pour notre souveraineté

Por la Liga Unitaria Chavista Socialista (LUCHAS):
Stalin Pérez Borges, Ismael Hernández, Christian Pereira, Jesús Vargas, Osman Cañizales

(Texte publié sur le site aporrea, le 28 juillet 2017. Traduction A l’Encontre)

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