Brésil. Défendre la sécurité sociale. La première bataille s’annonce

Editorial de Esquerda online

Un thème qui a été relativement camouflé durant la campagne de Jair Bolsonaro a été celui de la (contre)réforme de la sécurité sociale. Evidemment, en raison de son caractère impopulaire. Mais, après 24 heures à peine du résultat électoral final, la sécurité sociale est devenu l’un des principaux sujets traités par les médias. Ce thème est en relief dans les discours des principaux alliés. Il était traité dans l’interview de Bolsonaro sur TV Record [la chaîne appartient à l’évangéliste et homme d’affaires Edir Macedo qui a été un appui décisif pour Jair Bolsonaro; l’entretien peut être retrouvé à l’adresse suivante ici. Réd. A l’Encontre].

Les déclarations des membres du nouveau gouvernement, bien que contradictoires entre elles, vont dans la même direction: le recul des droits à la sécurité sociale. Paulo Guedes [un directeur d’un fonds d’investissement et formé à l’école monétariste à la, annoncé futur ministre des Finances, a concédé, dans un entretien, que la réforme de la sécurité sociale est le premier élément de la future politique économique. A côté de l’adoption d’une politique ample de privatisations et d’une réforme de l’Etat qui attaque les «privilèges» (c’est-à-dire, une attaque des droits liés aux services publics). Selon Guedes, la politique économique commencera avec une réforme de la sécurité sociale. L’éventuel ministre de la Maison civile de Bolsonaro [autrement dit, le responsable auprès du président des rapports avec les membres de l’exécutif et du législatif, sans exercer un rôle de premier ministre, puisque cette fonction est à la charge ], le député fédéral Onyx Lorenzoni (Democratas-DEM de l’Etat de Rio Grande do Sul) est allé plus loin en affirmant que la proposition de réforme de la sécurité sociale portée par le gouvernement Temer est faible et que le nouveau gouvernement présentera une proposition globale de réforme.

Sans exposer les détails de cette nouvelle réforme, il a défendu ouvertement la séparation entre le système de sécurité sociale et celui d’aide sociale. Actuellement, le système est pensé comme une politique conjointe de sécurité sociale, de forme solidaire et dans laquelle tous contribuent pour garantir le bien-être des retraités et des plus nécessiteux. Autre conséquence drastique, disloquer l’actuel système affectera fatalement les programmes de l’assistance sociale destinés à la population la plus pauvre.

La contre-réforme de la sécurité sociale pourra être votée cette année encore

Et cela peut être encore pire. L’actuel président Michel Temer a défendu publiquement que la proposition de (contre)réforme de la sécurité sociale, qui est actuellement discutée au Congrès national, soit votée avant la fin de son mandat, soit avant la fin de cette année [1].

Pour Temer, tout dépendra de l’accord avec Bolsonaro. Et ils ont encore des réunions agendées pour la semaine prochaine, à Brasilia, pour initier la fameuse transition.

Bien que l’appui du nouveau gouvernement à l’approbation immédiate de la (contre)réforme de la sécurité sociale de Michel Temer, au Congrès national, a été refusé par O. Lorenzoni, cela reste donc encore incertain du point de vue de l’application. En effet, Jair Bolsonaro lui-même, dans une interview à la TV Record, a signalé le contraire, et indiqué qu’il voit d’un bon œil la votation de la (contre)réforme de la sécurité sociale qui est déjà en discussion au sein du Congrès national [donc avant le début de son mandat en janvier].

Organiser la résistance dès maintenant

D’un côté ou de l’autre, nous devons avoir à l’esprit que la défense de la sécurité sociale sera l’une des principales batailles à venir, peut-être même la principale. Et elle peut commencer immédiatement dans le cas où Temer et Bolsonaro s’accordent, au début de la semaine à venir, sur le fait de voter immédiatement l’actuelle réforme de la sécurité sociale. Entre-temps, même si la réforme de la sécurité sociale sera du ressort du nouveau gouvernement, il est évident qu’elle sera l’une des premières mesures de Bolsonaro au Congrès national.

La réforme proposée par le gouvernement Bolsonaro peut être encore pire que l’actuelle, retirant encore plus de droits et ayant comme but d’en terminer avec le concept d’unification de la sécurité sociale. Pour cette raison, les manifestations unitaires et plénières d’un front unique qui ont déjà eu cours cette semaine, spécialement celles convoquées par le Frente Povo Sem Medo [2] (Front d’un peuple sans peur) et le Frente Brasil Popular (Front Brésil populaire), doivent déjà mettre en évidence la lutte contre une réforme de la sécurité sociale retirant des droits.

Les centrales syndicales, des syndicats, les mouvements sociaux et les partis de gauche doivent maintenant unir leurs forces autour de la lutte pour faire échec à la réforme de la sécurité sociale, que cela soit maintenant contre celle de Temer, ou contre celle de Paulo Guedes, Lorenzoni et Bolsonara l’année prochaine.

Nous savons que nous ferons face à un nouveau gouvernement profondément autoritaire, qui ne respectera pas l’opposition. Pourtant, plus notre lutte sera collée au sentiment de la majorité des travailleurs et du peuple, plus nous aurons de la force pour mettre en échec la répression ainsi que les vieilles et les nouvelles attaques à nos droits. Ainsi, si l’intention de Temer de voter la réforme en cours encore cette année se confirme, nous aurons besoin de construire de façon immédiate un jour national de lutte contre cette attaque aux droits du peuple travailleur et à l’ensemble de la population brésilienne.

Les élections brésiliennes se sont terminées, mais notre résistance continue, encore plus urgente et nécessaire. (Article publié dans Esquerda online en date du 30 octobre 2018; traduction A l’Encontre)

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[1] Cette (contre)réforme, la PEC 287/2016, a pour but, notamment, d’augmenter l’âge de la retraite de 65 à 67 ans, ainsi que d’avoir 49 ans de cotisation pour prétendre à une pension pleine pour tout·e·s, sans prise en compte du genre ou de la pénibilité du travail. L’armée, elle, aura un système à part qui ne sera pas touché par cette (contre)réforme. (Réd. A l’Encontre)

[2] Ce front est composé de mouvements sociaux (par exemple le MTST) ou encore de centrales syndicales (par exemple la CUT, Conlutas), des mouvements étudiants tels que Juntos! et Rua-Juventude Anticapitalista, liés au parti politique PSOL. Ce front s’est créé en 2015 afin de combattre la montée du conservatisme de la droite brésilienne. On peut le considérer comme l’opposition de gauche à Dilma Rousseff. Ce front s’est pourtant joint au Front Brésil populaire (PT et alliés) pour contrer l’impeachment de Dilma Rousseff en août 2016. (Réd. A l’Encontre)

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