Maroc. Imad Attabi, mort en martyr pour le Hirak

Manifestation à Casablanca, le 8 août 2017

Par Issam El Yadari

A l’appel du Comité de soutien aux prisonniers politiques du Hirak, quelques centaines de personnes se sont rassemblées notamment à Casablanca et dans le Rif pour un hommage silencieux à la mémoire de Imad Attabi, un jeune homme décédé suite à des blessures dans des conditions non encore élucidées lors des manifestations du 20 juillet à Al Hoceima.

Quelques centaines de personnes se sont rassemblées, place Maréchal, dans le centre de Casablanca au soir du 8 août à l’appel du Comité de soutien aux prisonniers politiques du Hirak pour un hommage silencieux à la mémoire de Imad Attabi, un jeune homme âgé de 25 ans blessé dans des conditions non encore élucidées lors des manifestations du mouvement social à Al Hoceima le 20 juillet.

Des rassemblements similaires ont été organisés dans d’autres villes et localités du Rif, à Nador et Al Hoceima, mais celles-ci ont été dispersées par la force.

Attabi, qui était grièvement blessé au niveau de la tête et transféré à l’hôpital militaire de Rabat pour recevoir les soins nécessaires, est décédé ce mardi dans le même hôpital, avait indiqué plus tôt dans la journée le procureur général du Roi près la Cour d’appel d’Al Hoceima dans un communiqué.

Une enquête toujours en cours…

« Suite au communiqué publié par le parquet général près la Cour d’appel d’Al Hoceima, N° 1327-1-2017 datant du 21 juillet 2017 à propos de l’affaire de M. Imad Atabi qui était grièvement blessé au niveau de la tête et transféré à l’hôpital militaire de Rabat pour recevoir les soins nécessaires, le procureur général du Roi près la Cour d’appel d’Al Hoceima annonce que le concerné est décédé ce mardi dans l’hôpital précité », précise le communiqué.

Le procureur du Roi près le Tribunal de première instance d’Al Hoceima «avait chargé la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) d’ouvrir une enquête approfondie pour élucider les circonstances de cet incident, déterminer les responsabilités et prendre les mesures juridiques qui s’imposent», rappelle le communiqué.

« Les investigations sont toujours en cours sous l’égide du parquet général et dès leur fin, les mesures juridiques doivent être prises et les résultats seront communiqués à l’opinion publique », conclut la même source.

Cependant, le parallèle est déjà établi par les sympathisants et membres du Hirak avec Mohcine Fikri, le poissonnier broyé par une benne à ordure il y a plus de 9 mois, et dont la mort dans des circonstances peu claires avait mis le feu aux poudres dans le Rif et au-delà.

Des zones d’ombre pointées…

Les militants et sympathisants du Hirak, mais aussi des ONG comme l’Association marocaine des droits humains (AMDH) soulignent des faits jugés troublants entourant les circonstances de la mort du jeune Attabi. Très vite après qu’il ait été touché par un projectile non identifié, les autorités avaient avancé la thèse d’un jet de pierres de la part des manifestants alors qu’aucune enquête n’avait encore été initiée. Des témoins oculaires avaient pourtant évoqué un tir de grenade lacrymogène dont une douille métallique aurait percuté la tête du défunt. Une thèse que semblent réfuter de facto les autorités.

Héliporté en urgence à Rabat pour des soins intensifs, le blessé, entré dans un coma profond, n’avait pas pu dans un premier temps être visité par sa famille, qui a assuré avant de se murer dans le silence, n’avoir pas pu non plus avoir accès à son dossier médical

A l’annonce de sa mort vingt jours après l’incident et alors que le Rif s’est quelque peu apaisé, le cercueil d’Attabi a été scellé sans que sa famille ait pu voir la dépouille du jeune homme, selon plusieurs sources proches du Hirak qui assurent que le Conseil national des droits de l’Homme a été avisé de cet état de fait. Des zones d’ombre qui font de Imad Attabi un nouveau martyr pour les manifestants du mouvement social rifain au même titre que Mohcine Fikri. (Le Desk, 9 août 2017)

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Les funérailles d’Imad Attabi manifestant du Hirak
se sont déroulées sous tension

Par rédaction de Tel Quel

C’est dans une ambiance électrique que les funérailles d’Imad Attabi, jeune militant du Hirak décédé le 8 août des suites d’une blessure pendant la manifestation du 20 juillet, ont été organisées le 9 août en fin d’après-midi au cimetière Igra Azougar d’Al Hoceima. “Il y avait un monde fou, presque toute la ville a fait le déplacement. Comme le cimetière est petit et par respect pour les morts, la majeure partie des gens présents sont restés à l’extérieur“, nous explique une source sur place.

Avant même l’arrivée du cercueil qui a été héliporté dans la journée depuis Rabat, les habitants d’Al Hoceima scandaient : «le martyr a laissé une consigne, on ne fera pas de concession»; «la mort plutôt que l’humiliation»; ou encore «avec le sang ou l’esprit, nous allons te venger».

Une fois le rite funéraire terminé, l’assistance a essayé d’improviser un sit-in de protestation. «Les forces de l’ordre jusque-là discrètes ont dispersé le sit-in de manière pacifique», nous explique une source présente sur place. Une marche prévue dans la ville a aussi été «avortée» par les autorités, d’après la même source.

Les manifestants du Hirak n’en démordent pas et des marches démarrent dans différents quartiers de la ville. Dans les quartiers Marmoucha et Corniche, des affrontements entre la police et des manifestants ont été enregistrés. Aucune interpellation n’a été rapportée pour le moment. «Nous sommes en train de voir si des personnes ont été arrêtées», nous dit Rachid Belaali, coordinateur de la défense des détenus du Hirak.

L’avocat nous apprend que la famille d’Imad Attabi a pu voir le corps du défunt avant son enterrement, et que le procureur général «remettra aujourd’hui le rapport de l’autopsie du corps qui détermine les causes de la mort de la victime», précise Rachid Belaali.

Blessé grièvement à la tête lors la manifestation du 20 juillet qui a viré à l’affrontement entre force de l’ordre et manifestants, Imad Attabi a été transféré à l’hôpital militaire de Rabat où il a succombé à ses blessures.

Le procureur du roi au tribunal de première instance d’Al Hoceima avait chargé la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) d’ouvrir une enquête approfondie pour élucider les circonstances de cet incident, déterminer les responsabilités et prendre les mesures juridiques qui s’imposent, explique un communiqué des autorités.

A Oujda [chef-lieu de la préfecture d’Oujda-Angad, nord-est du Maroc], un sit-in d’hommage à Imad Attabi qui a réuni une vingtaine de personnes a été dispersé par les autorités. A Rabat un autre sit-in a eu lieu devant le parlement, sans heurt. (Tel quel)

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La région d’Al Hoceïma «soumise à un black-out médiatique»

Par Hassane Zerrouky

Le décès du jeune sympathisant du Hirak, qui a provoqué dès mardi 8 août de nombreux rassemblements et marches de protestation, aggrave les tensions et signe l’échec des politiques libérales et répressives de la monarchie.

Manifestation à Casablanca, le 8 août 2017

Imad Al Attabi, grièvement blessé à la tête le 20 juillet dernier à Al Hoceïma par une grenade lacrymogène de fabrication française, a succombé, mardi, à l’hôpital militaire de Rabat. Quant à la famille d’Imad, les autorités lui ont interdit jusqu’à nouvel ordre de voir leur fils.

L’annonce de la mort du jeune Imad, qui a enflammé les réseaux sociaux, a provoqué dès mardi de nombreux rassemblements à Casablanca, à Nador et hier soir devant le Parlement à Rabat, où lundi, déjà, une manifestation de solidarité avec le Rif avait été empêchée par les forces de l’ordre, mais aussi au Rif : à Al Hoceïma, sur une vidéo mise en ligne, on voit se former au cœur de la ville un rassemblement pacifique qui se transforme vite en manifestation hostile au pouvoir avant d’être brutalement dispersé par les CRS locaux. Ailleurs, dans cette région soumise à un black-out médiatique, peu d’informations ou pas sur ce qui s’y passe. «La région est de fait militarisée», nous confie Omar, jeune militant. «Les contacts par Internet sont brouillés par le makhzen et on ne reçoit plus de vidéos depuis hier soir», ajoute-t-il. Toutefois, sur l’une d’elles, prises par un activiste rifain, on voit l’arrivée d’un convoi militaire comprenant des véhicules blindés dans la localité d’Al Rouadhi près d’Al Hoceïma.

«On m’a humiliée et filmée nue, comme Nasser Zefzafi»

Avec la grâce royale sélective dont ont bénéficié, à l’occasion de la Fête du trône, 58 manifestants, sur les 200 qui croupissent encore dans les geôles royales – Nasser Zefzafi, le leader du Hirak, n’était évidemment pas concerné –, Mohammed VI pensait faire baisser une tension qui dure maintenant depuis plus de dix mois. Parmi les bénéficiaires de cette mesure, la jeune Sylia Ziani n’a pas manqué, une fois libérée, de confier, d’après le site Rif Online, à la chaîne de télé américaine en arabe Al-Hurra (Liberté) avoir fait l’objet d’un traitement dégradant pendant sa détention au commissariat de police à Al Hoceïma: «On m’a humiliée et filmée nue, comme Nasser Zefzafi.» C’est dire.

Il n’empêche, fin juillet, lors du discours du Trône, pour montrer qu’il se souciait du sort de ses sujets, Mohammed VI a fait état de son mécontentement en se défaussant sur les partis du makhzen [du pouvoir politique, de facto soumis au monarque], rendus responsables de la situation au Rif et ailleurs, les qualifiant de «partis aux abonnés absents» qui «ne remplissent nullement leur mission». Et à la suite des admonestations royales, Ilyas El Omari, patron d’une de ces formations critiquées par le monarque, le Parti authenticité modernité (PAM, fondé par l’ami et confident du roi Fouad Al Hima et dont Ilyas El Omari a pris la direction en octobre 2016), a démissionné de ses fonctions. Et ce, affirment ses détracteurs, pour avoir doublement échoué: il n’a pas réussi à affaiblir les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) qui dirigent formellement le gouvernement et ni à rétablir le dialogue entre les Rifains et le Palais, comme il s’y était engagé. «Poussé à la démission, El Omari est la première tête qui roule après la colère royale exprimée à plusieurs reprises à la suite de la crise Al Hoceïma», écrivait le journal en ligne Le Desk. D’autres têtes vont certainement subir le couperet royal, susurre-t-on perfidement à Rabat dans les milieux politiques proches du Palais.

Face à l’irrédentisme rifain, tout aura été tenté : en plus des têtes de politiques jetées en pâture au peuple, les multiples visites ministérielles et autres délégations de partis du makhzen qui se sont succédé au Rif n’ont rien donné. Quant au projet «Al Hoceïma phare de la Méditerranée», censé améliorer le sort des Rifains, il n’a pas encore vu le jour. La faute aux «partis aux abonnés absents»? (Publié dans L’Humanité, le 10 août, 2017)

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