La 30e marche des étudiant·e·s a eu lieu hier mardi 17 septembre. A Alger, la mobilisation a connu un net regain par rapport aux semaines précédentes, malgré la répression et les intimidations. Avant même l’entame de la manifestation, plusieurs arrestations ont été enregistrées au niveau de la place des Martyrs. Alors que des dizaines de manifestants se sont rassemblés sur place, des étudiants rejoints par des citoyens, les policiers ont commencé à «embarquer» les plus bruyants d’entre eux, les considérants, peut-être, comme étant des meneurs.
Bien évidemment, cela n’a altéré en rien la détermination du reste des manifestants qui ont relevé le défi d’organiser ce «30e mardi». C’est donc vers 10h30 que les étudiants ont donné le signal pour le début de la marche. Si au départ, le nombre de manifestants n’était pas important, au fil des rues, parcourues, les rangs grossissaient. Beaucoup d’étudiants, de peur de se faire embarquer sur la place des Martyrs, ont préféré s’éparpiller pour rejoindre la manifestation en cours de route. Bien organisés, les étudiants avaient prévu le scénario des arrestations.
De plus, ceux qui ont encadré la marche ne sont pas les mêmes que ceux de la semaine passée. L’objectif étant de ne pas les rendre trop visibles. Un encadrement tournant en quelque sorte. Et finalement, même si certains se feront embarquer, il y aura toujours d’autres, ayant acquis au fil du temps la même expérience, qui pourront prendre le relais. Les arrestations ont par contre cessé après le début de la marche, pour ne reprendre que près de la Grande-Poste, point d’arrivée de la manifestation. Là encore, certains manifestants ont été interpellés.
A la place Audin, les policiers, ayant conduit un marcheur dans un bus, ont été contraints, sous la pression populaire, de le libérer quelques instants après. Mais beaucoup d’autres n’ont pas eu cette chance. Selon des informations, une vingtaine de manifestants, dont des étudiants, ceux arrêtés avant l’entame de la marche, vont être présentés aujourd’hui devant le procureur général. Lors de ce 30e mardi des étudiants, les manifestants ont repris les slogans habituels. Ils ont notamment tenu à exprimer leur rejet du processus électoral en cours. «Makanch intikhabat maâ el îssabat» (Pas d’élections avec les bandes), ont-ils scandé. D’autres ont exprimé le même avis via des pancartes: «Son Excellence le peuple vous dit: ces élections sont périmées.» Sur une autre, il est écrit: «12 décembre: je ne boycotterai pas les élections, parce que le peuple va les faire annuler!»
Fares Mesdour, qui a apparemment exprimé son vœu de prendre part à cette présidentielle, a également été critiqué. Mais le slogan qui a été le plus entendu fut: «Adouna gaâ lel hebs, echaâb marahouch habes!» (Mettez-nous tous en prison, le peuple ne s’arrêtera pas). Ce slogan est apparu vendredi passé, au lendemain de l’arrestation du président de l’UDS (Union démocratique et sociale), Karim Tabbou, scandé pendant près d’un quart d’heure, sans discontinuer, au niveau de la Grande-Poste, point d’arrivée des manifestants. Une manière comme une autre de réagir aux récentes arrestations de militants et activistes politiques.
Avant-hier, c’est l’activiste politique Samir Belarbi [un proche de Karim Tabbou] qui a été arrêté. Il a été mis sous mandat de dépôt hier. «Emprisonnez-nous tous, tuez-nous tous. Pas d’élection», a écrit un manifestant sur une pancarte qu’il brandissait. Au niveau des édifices publics, directions de banques ou ministères par exemple, les manifestants criaient «Klitou lebled ya seraqine!» (Vous avez pillé le pays, voleurs).
Bien évidemment, les manifestants ont également entonné des chansonnettes dans lesquelles ils s’en prennent au chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, et au chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah. Ce dernier a été d’ailleurs, et comme d’habitude, longuement critiqué. En somme, en ce 30e mardi des étudiants, et quelques jours après la convocation du corps électoral pour le 12 décembre prochain, la mobilisation reste intacte. Les étudiants promettent que les manifestations seront plus importantes durant les semaines à venir, après le lancement de l’année universitaire. La marche du mardi est en général un indicateur par rapport à ce que sera celle du vendredi. (Article publié dans El Watan, le 18 septembre 2019)
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