Par Jake Johnson
Le Sénat des Etats-Unis a adopté, dans la matinée du mardi 13 février, une loi prévoyant une aide militaire supplémentaire de plus de 10 milliards de dollars pour le gouvernement israélien, qui s’apprête à lancer une invasion terrestre catastrophique contre Rafah, une ville de Gaza peuplée de plus de 1,4 million d’habitants.
Les sénateurs ont approuvé le projet de loi, qui comprend également une aide militaire à l’Ukraine et à Taïwan, par un vote bipartisan écrasant de 70 à 29, seuls trois membres du groupe démocrate de la chambre haute – les sénateurs Bernie Sanders (Indépendant, Vermont), Jeff Merkley (Démocrate, Oregon) et Peter Welch (Démocrate, Vermont) – s’étant opposés à cette décision.
La proposition prévoit un financement global de 95 milliards de dollars pour les trois pays, dont 14 milliards de dollars pour Israël.
«Ce projet de loi accorde au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou 10 milliards de dollars supplémentaires d’aide militaire sans restriction pour sa guerre effrayante contre le peuple palestinien. C’est inadmissible», a écrit Bernie Sanders sur les réseaux sociaux avant le vote de mardi. «Je voterai NON lors de l’adoption finale.»
Peter Welch et Jeff Merkley se sont également opposés au projet concernant l’aide militaire inconditionnelle à Israël, qui a reçu plus de 10 000 tonnes d’armes des Etats-Unis depuis le 7 octobre et reçoit déjà près de 4 milliards de dollars par an d’aide militaire états-unienne.
«La campagne menée par le gouvernement Netanyahou est en contradiction avec les valeurs et le droit des Etats-Unis, qui exigent des bénéficiaires de l’aide américaine qu’ils facilitent l’acheminement de l’aide humanitaire», a déclaré Jeff Merkley dans un communiqué publié lundi en fin de journée. «Bien que j’aie soutenu l’aide militaire à Israël dans le passé, et que je continue à soutenir l’aide aux systèmes défensifs comme Iron Dome (Dôme de fer) et David’s Sling (Fronde de David, système antimissiles), je ne peux pas voter en faveur de l’envoi de plus de bombes et d’obus à Israël alors qu’ils les utilisent de manière indiscriminée contre les civils palestiniens.»
D’autres démocrates ont critiqué l’aide à Israël mais ont finalement voté en faveur du projet de loi.
Le sénateur Chris Van Hollen (Démocrate, Maryland) a prononcé un discours émouvant sur les conditions humanitaires désastreuses à Gaza, qu’il a qualifiées de «pur enfer». «Les enfants de Gaza meurent aujourd’hui parce qu’on leur refuse délibérément de la nourriture. Outre l’horreur de cette nouvelle, une autre chose est vraie: il s’agit d’un crime de guerre. C’est un crime de guerre classique. Et cela fait de ceux qui l’orchestrent des criminels de guerre.»
Malgré cette déclaration, Chris Van Hollen a fait partie des membres du groupe démocrate qui ont voté en faveur du projet de loi sur l’aide.
Refus de tout amendement concernant l’UNRWA
Bernie Sanders avait proposé de retirer du projet de loi l’aide militaire offensive à Israël et de supprimer les dispositions interdisant le financement par les Etats-Unis de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dont les opérations essentielles à Gaza sont sur le point de s’effondrer totalement après que l’administration Biden et d’autres gouvernements ont coupé les fonds à la suite d’allégations israéliennes non fondées visant une douzaine d’employés de l’agence.
En plus de fournir un soutien supplémentaire aux forces armées israéliennes, le projet de loi affaiblirait le contrôle du Congrès en permettant au département d’Etat de renoncer aux exigences de notification pour le financement militaire étranger d’Israël [en vertu de la loi sur le contrôle des exportations d’armes, le président doit officiellement informer le Congrès 30 jours civils avant que l’administration puisse prendre les mesures finales pour conclure une vente de matériel militaire à l’étranger de gouvernement à gouvernement].
«A maintes reprises, j’entends le président et les membres du Congrès exprimer leur profonde inquiétude au sujet de M. Netanyahou et de la catastrophe humanitaire qu’il a provoquée à Gaza», a déclaré Bernie Sanders lundi. «Alors pourquoi soutiennent-ils l’idée de donner à Netanyahou 10 milliards de dollars supplémentaires pour poursuivre sa guerre contre le peuple palestinien?»
Le projet de loi est maintenant soumis à la Chambre des représentants des Etats-Unis, dont le président Mike Johnson (Républicain, Louisiane) a déclaré qu’il «devra continuer à travailler selon sa propre méthode sur ces questions importantes».
Dans une déclaration faite lundi soir, Mike Johnson s’est plaint du fait que la mesure adoptée par le Sénat ne comporte «aucune modification de la politique frontalière» [mesure pour faire obstacle aux migrants à la frontière Mexique-Etats-Unis], alors même que c’est l’opposition des républicains qui a contraint les dirigeants du Sénat à retirer du programme d’aide à l’étranger les changements légaux proposés en matière d’immigration.
Les défenseurs des droits des immigré·e·s se sont largement opposés à ces modifications, qu’ils ont qualifiées d’attaque draconienne contre le droit d’asile. (Article publié sur Common Dreams, le 13 février 2024; traduction rédaction A l’Encontre)
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