Par Raquel Martins
[Le 17 mars, la grève de la fonction publique – en particulier dans l’enseignement et le secteur hospitalier – a connu une adhésion importante, selon le Front commun des syndicats de l’administration publique. Selon le bilan établi par le représentant syndical à 9 heures le matin du 17 mars pour l’hôpital São João de Porto, l’adhésion à la grève se situait à 85%. Les patients, selon la radio Observador, montraient «une certaine compréhension» pour les raisons de la grève au-delà des critiques. La représentante du Bloco de Esquerda, Catarina Martins, soulignait le 18 mars au soir: «La juste grève de la fonction publique contre la majorité absolue incompétente d’un PS qui dit tous les jours que tout va bien mais laisse les problèmes s’accumuler et ne résout jamais rien. Il n’y a pas si longtemps, l’exécutif disait de l’inflation d’abord qu’elle était passagère, donc le mieux était de ne rien faire. Puis qu’elle n’était plus passagère mais qu’on ne pouvait pas non plus augmenter les salaires parce que c’est ça qui créait l’inflation. Ce qui est extraordinaire car les salaires réelles n’ont pas augmenté et l’inflation est galopante.» L’analyse faite par la Banque du Portugal concernant les rémunérations des salarié·e·s ayant une formation de degré supérieur, bien qu’antérieure à la hausse inflationniste, confirme la situation salariale du secteur des enseignant·e·s, entre autres. – Réd. A l’Encontre]
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Le salaire réel des salarié·e·s ayant fait des études supérieures a diminué de 134 euros entre 2006 et 2020, conséquence des différentes crises économiques que le Portugal a traversées au cours de cette période et de l’entrée sur le marché du travail d’un grand nombre de jeunes diplômés. En 2006, le salaire réel moyen des salarié·e·s ayant accompli des études supérieures était de 1745 euros et, une décennie et demie plus tard, il a chuté de 7,7 % pour s’établir à 1611 euros.
C’est l’une des conclusions de l’étude intitulée «La distribution des salaires au Portugal au cours de la période 2006-2020», réalisée par les économistes Sónia Félix, Fernando Martins, Domingos Seward et Marta Silva, publiée lundi par la Banque du Portugal (BdP). Le travail est basé sur les informations contenues dans les Quadros de Pessoal [tableaux des effectifs] des années analysées, marquées par une faible inflation, plusieurs crises et l’entrée d’un grand nombre de diplômés sur le marché du travail. Il se concentre sur les entreprises du secteur privé et du secteur public (à l’exception de l’agriculture et de la pêche) dans la partie continentale du pays.
Les économistes commencent par souligner que l’offre plus importante de main-d’œuvre ayant suivi des études supérieures s’est accompagnée d’un «différentiel de salaire positif» pour les salarié·e·s ayant ce niveau d’éducation. Et bien que l’avantage salarial soit plus faible qu’au début de la période analysée, il «reste élevé». En 2020, le salaire moyen réel d’un travailleur diplômé était supérieur de 52% à celui d’un travailleur ayant suivi un enseignement secondaire, contre 60% en 2006. [Pour rappel, le salaire minimum au Portugal est de 760 euros en 2023.]
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L’étude montre également que le moment et les conditions d’entrée sur le marché du travail déterminent le profil salarial de ces salarié·e·s tout au long de leur vie professionnelle, réitérant les conclusions d’autres études consacrées à l’évaluation des effets des principales crises économiques sur l’évolution des salaires.
Les auteurs ont commencé par analyser l’évolution des salaires des diplômé·e·s de l’enseignement supérieur, âgés de 30 ans ou moins, qui apparaissent pour la première fois dans la base de données entre 2006 et 2020.
L’une des conclusions auxquelles ils sont parvenus est qu’entre 2010 et 2014 – années qui incluent le séjour de la troïka [BCE, FMI, Commission européenne] au Portugal – il y a eu une réduction des salaires moyens réels en début de carrière. Les années suivantes ont été marquées par une nette reprise des rémunérations, mais en 2020, le salaire moyen réel des personnes arrivant sur le marché du travail était toujours inférieur à celui observé au cours de la période comprise entre 2006 et 2010.
Le salaire d’entrée d’un diplômé était, en 2006, de 1088 euros, chiffre qui est tombé à 951 euros en 2011 – année qui marque l’arrivée de la troïka au Portugal. Au cours des années suivantes, ce montant a continué à baisser, avant de commencer à se redresser à partir de 2015. Malgré cela, en 2020, la rémunération d’un jeune disposant d’une licence ou d’un bachelor ou d’un master entrant sur le marché du travail s’élevait à 1050 euros. Il s’agit certes d’une reprise par rapport à 2011, mais elle reste inférieure de 3,5% au montant versé à ceux qui ont commencé à travailler en 2006.
Dans le cas des travailleurs qui entrent sur le marché du travail avec un diplôme de master, le salaire moyen réel a augmenté de 2,4%, passant de 1150 euros au début de la période considérée à 1178 euros en 2020.
Bien que les pertes salariales subies lors de la période de la troïka n’aient pas encore été récupérées, les économistes du BdP considèrent que le fait que l’on assiste à une reprise des salaires d’entrée des diplômés au cours des dernières années est le signe d’un «ajustement progressif de la demande de main-d’œuvre à l’augmentation significative de l’offre de travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur».
Changer d’emploi entraîne une hausse de 5 à 9%
Pour mieux comprendre l’évolution des salaires depuis l’entrée sur le marché du travail, les économistes de la BdP ont regroupé les salarié·e·s en trois tranches d’âge (25 à 34 ans, 35 à 44 ans et 45 à 54 ans) en fonction de leur âge en 2006, en suivant ceux qui sont restés dans la base de données tout au long de la période analysée.
Ils concluent qu’en 2020, le salaire moyen réel des personnes âgées de 25 à 34 ans (2073 euros) reste inférieur au salaire moyen réel en 2006 de celles de la tranche d’âge immédiatement supérieure (2102 euros).
Cela «illustre l’importance des salaires d’entrée dans la définition des salaires tout au long de la vie professionnelle», soulignent les auteurs.
Ce fatalisme peut être modifié par plusieurs facteurs et l’un d’entre eux est le changement d’emploi. Les données leur permettent de conclure que les salarié·e·s qui ont changé d’entreprise ont connu, l’année du changement, une croissance salariale moyenne de 5%, supérieure à la croissance salariale moyenne de 2% observée pour ceux qui sont restés dans la même entreprise.
La différence tend à être plus importante pour celles et ceux ayant un niveau d’éducation plus élevé, qui ont eu, en moyenne, une augmentation de salaire de 9% l’année du changement.
Le salaire moyen réel a augmenté de 1%
En termes globaux, l’étude de la BdP révèle que le salaire moyen réel dans le secteur privé a enregistré une croissance annuelle moyenne de 1% entre 2006 et 2020. Cette croissance a varié selon les groupes de population et a été fortement influencée par les augmentations du salaire minimum national à partir de 2014.
Le salaire minimum (qui concerne 23,6% des salariés en 2020) a contribué à comprimer la structure des salaires et à réduire les inégalités salariales, soulignent les auteurs.
Entre 2006 et 2020, le rapport entre les 10% de salarié·e·s qui gagnent plus et les 10 % qui gagnent moins a diminué de manière significative, passant de 4,1 en 2006 à 3,2 en 2020.
La croissance des salaires a été plus marquée dans les groupes où la prévalence du salaire minimum est plus élevée, à savoir les jeunes de moins de 25 ans, les femmes et les travailleurs ayant un niveau d’éducation élémentaire. Celles et ceux ayant des salaires plus élevés, en revanche, ont connu des augmentations moins significatives.
«Outre l’effet du salaire mensuel minimum garanti, cette dynamique salariale reflète la plus grande croissance de l’offre d’emplois plus qualifiés, dans une période caractérisée par d’importants changements démographiques et une augmentation significative de la scolarisation», concluent les économistes qui rédigent l’article principal du bulletin économique du BdP. (Article publié sur le site du quotidien Publico, le 20 mars 2023; traduction rédaction A l’Encontre)
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