Nicaragua: «Quelques réflexions à partir de l’enquête de M&R Consultores (Esomar Member)

Le «binôme impérieux sandino-chrétien-cabalistique» se prépare à négocier la défense de ses «gains»

Par notre correspondant permanent au Cosa Rica

1.- Le régime Ortega-Murillo est dans les cordes. L’INSS (Instituto Nicaragüense de Seguridad Social) fait faillite. Le tourisme est mort. Les restaurants fermés. Personne ne paie d’impôts. Le commerce est en difficulté. Pendant ce temps, les coûts d’entretien des paramilitaires entraînent d’autres déficits.

2.- Ortega-Murillo doit parvenir à un accord pour éviter l’effondrement total de l’économie, l’application de nouvelles sanctions américaines et européennes, éviter un nouvel isolement international et empêcher l’application de la Charte démocratique de l’OEA.

3.- Dans l’intervalle, le pouvoir attendra l’issue de la crise politique du Venezuela. Sa stratégie de base est la suivante: il jouera la montre pour voir comment se positionnent les pièces sur l’échiquier politique latino-américain.

4.-   La rencontre du 16 février 2019 entre les banquiers (pouvoir de fait) et le gouvernement Ortega-Murillo a ouvert la possibilité d’un dialogue/négociation avec l’opposition réelle, au sens socio-économique. L’objectif consiste à surmonter la crise sociopolitique. Pour Ortega-Murillo, c’est la voie pour tenter de s’oxygéner, de gagner du temps et d’éviter des sanctions plus dures.

5.- Au cours des dix derniers mois, nous avons assisté à la fermeture de 10% des succursales bancaires dans différentes municipalités du pays. Un peu plus de 1,5 milliard de dollars ont été retirés des comptes personnels des banques. Le crédit a été limité à presque zéro. Les profits des banques ont chuté. C’est-à-dire que les banquiers s’inquiètent de la situation sociopolitique qui a un impact sur l’économie et sur leurs profits.

6.- Il ne faut pas perdre de vue que les anciennes élites économico-politiques et la «nouvelle classe» (les institutions politico-militaires) bénéficient du statu quo et, si elles n’ont pas d’incitations à changer leur comportement, elles seront en faveur de négocier certaines choses pour que rien ne change.

7.- Le pouvoir militaire (en uniforme) est celui qui exerce son influence en dehors des canaux formels (c’est-à-dire qu’il ne coïncide pas nécessairement avec les institutions politico-institutionnelles de l’appareil d’Etat). Il utilise son pouvoir informel ou sa capacité de pression pour influencer l’avenir de la société.

8.- Le pouvoir en uniforme n’est ni légalisé ni toujours légitime pour exercer le pouvoir de fait. Cela même s’il ne le fait pas légalement et/ou ouvertement, puisque sa simple existence le transforme en un facteur déterminant dans la politique nationale.

9.- Historiquement, les pouvoirs en uniforme sont habitués aux accords clandestins et à leurs priorités, qui souvent l’emportent sur les intérêts généraux des citoyens et citoyennes «ordinaires».

10.- La manière dont la «solution» à ladite crise vénézuélienne se déterminera va influencer la manière dont le régime Ortega-Murillo agira au cours du dialogue/négociation.

11.- Il ne faut pas oublier que le binôme Ortega-Murillo agira, en gagnant du temps, en attendant l’issue de la crise vénézuélienne. Une crise qui tend à se résoudre dans les semaines à venir, soit à cause de l’effondrement économique et/ou de la fragmentation (plus ou moins prononcée) de l’armée, sans mentionner même l’affaissement de la société.

12.- Aujourd’hui, 26 février 2019, l’institut M&R a publié un dernier sondage. Il faut tenir compte du fait que l’institut M&R est analogue au régime Ortega-Murillo. Son impartialité/crédibilité laisse donc beaucoup à désirer.

13.- Le fait que la dernière enquête, connue la veille – [le 23 février; le 24 la première rencontre de «négociation» a pris forme, placée sous la houlette du nonce apostolique du Vatican] – du début de la négociation/dialogue vise à donner au gouvernement Ortega-Murillo un argument pour tenter d’imposer le thème économique comme premier point de la discussion qui doit se conclure (première partie) le 27 février.

14.- L’utilisation de l’enquête sera le principal argument du régime Ortega-Murillo pour ne pas aborder la question politique comme point de départ (libération des prisonniers, retour des exilés, etc.).

15.- Aussi, la question économique est pour les banquiers, en fonction de leurs intérêts, le point principal à discuter. Cette position a été défendue par le groupe qui a promu la réunion à l’INCAE [une business school, dont le campus se trouve à Monte Fresco, soit un peu séparée du centre du pouvoir formel].

16.- Le régime Ortega-Murillo, connaissant l’existence d’intérêts conflictuels au sein de l’opposition, établira sa stratégie visant à imposer la question économique comme point principal. De cette façon, il tentera de diviser les représentants de l’opposition.

17.- Le sondage M&R veut vendre l’idée que l’opinion en faveur du parti au pouvoir [le FSLN transmuté] n’a pas diminué au cours des dix derniers mois. Il défend la même logique de vouloir montrer que le régime Ortega-Murillo arrive intact, qu’il n’a pas perdu sa base sociale ou politique, etc. Il suffit de connaître le nombre de personnes qui assistent aux rassemblements que le régime organise pour infirmer l’affirmation de l’institut de sondage

18.- Les déclarations de Morales Carazo dans Trinchera de la Noticia vont dans le même sens, en ne libérant pas les prisonniers politiques [avec une concession partielle et contrôlée le 28 février 2019] et en se concentrant sur la question économique.

19.- La stratégie du régime qui consiste à mettre, prioritairement, la question économique sur la table a plusieurs objectifs: 1° montrer qu’il n’arrive pas aux «négociations» socialement et politiquement faible; 2° d’éviter la libération de l’ensemble des prisonniers politiques, car c’est l’une de ses principales cartes à jouer; 3° ne pas aborder la racine du problème institutionnel, à savoir les élections anticipées; 4° ne pas aborder la question du droit constitutionnel de réunion et de manifestation, d’expression, de liberté de la presse, par peur qu’une deuxième vague sociale ne survienne; 5° éviter la discussion sur le retour des exilés contraints qui permettrait le retour de nombreux leaders sociaux sur «leurs territoires».

20.- Tous ces éléments affaibliraient davantage le régime. C’est pourquoi il s’efforcera, par tous les moyens, d’éviter la concrétisation effective et inconditionnelle. Le régime sait que, pour survivre, il doit s’attaquer à la question économique comme point de départ. Il retarde ainsi les sanctions, permet de gagner du temps, ouvre un accord avec le grand capital, rompt l’unité et affaiblit ses opposants qui sont actuellement unifiés.

21.- Les délégués de l’opposition doivent donc se concentrer sur ces points. Passer à la question économique, sans aborder les questions politiques et des droits humains, aboutirait à ce qu’ils perdent leur représentativité vis-à-vis des citoyens et citoyennes «ordinaires. Pour renforcer le processus de négociation, ils ont besoin de la libération des prisonniers politiques et du retour des exilés.

22.- La question du retour des organismes internationaux de contrôle des droits humains et d’enquête, expulsés du pays, comme la rétrocession des biens des ONG et autres, peut être discutée après les premiers points centraux. (San José/Costa Rica, 26 février 2019; traduction A l’Encontre)

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Nicaragua, soirée d’information

Mercredi 6 mars 2019, 19h30, Lausanne, Fleurettes 2
(à 100 m du restaurant Le Milan, direction Genève)

Mónica López Baltonado

Le 6 mars, Monica Lopez Baltonado, avocate, fille de Monica Baldonado (ex-commandante de la révolution à l’époque du FSLN de 1979) et de Julio Lopez (responsable des relations extérieures du FSLN après 1979, sera présente à Lausanne pour informer et discuter de la situation présente au Nicaragua, dans un contexte latino-américain que l’on caractérisera comme «complexe».

Une négociation est ouverte au Nicaragua, sur la base de la victoire momentanée des mesures répressives prises par le pouvoir dictatorial d’Ortega-Murillo. Cette négociation s’opère entre le pouvoir en place et des représentants du patronat. Ce qui n’est pas une nouveauté. Mais un changement par rapport à la période ouverte en début d’année 2018, marqué par un soulèvement populaire.

Face à cette négociation, «l’articulation des mouvements sociaux» avance les conditions suivantes :

«Toute négociation, pour être légitime, doit être soumise aux conditions suivantes :

1° Libération immédiate de tous les prisonniers et prisonnières politiques, et annulation des procédures judiciaires à leur encontre.

2° Garantie pour un retour sûr au pays des personnes poursuivies pour des raisons politiques et qui sont citoyens ou citoyennes en exil.

3° Arrêt de toute forme de répression et retrait des forces policières répressives des places publiques. De plus, désarmement et dissolution des organismes paramilitaires.

4° Restauration complète des droits civils et politiques pour l’ensemble des citoyens et citoyennes. En commençant par la liberté de réunion, d’association, de mobilisation et la liberté complète de la presse.

5° Les organismes internationaux de défense des droits humains doivent être libres de revenir au Nicaragua et leurs recommandations doivent être appliquées.

6° Il en va de même pour les organismes consacrés à la défense des droits humains au Nicaragua.»

Soirée organisée par le site alencontre.org, le MPS, le Cercle La Brèche-UNIL et le Cercle de débats Rosa Luxemburg.

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