Rien ne semble pouvoir les arrêter. Les Casques blancs syriens, inconnus des médias, ont un rôle crucial. Bénévoles, non armés, ils sauvent des vies au risque d’y laisser les leurs.
Alors que la situation humanitaire en Syrie se détériore dramatiquement, pour la première fois depuis le début des frappes de la coalition, le Conseil de sécurité de l’ONU se réunissait ce 30 septembre pour faire le point sur cette tragédie… qu’affrontent chaque jour les Casques blancs.
«Vers 1h30 du matin, vendredi 26 septembre, la rumeur s’est répandue que le siège des Casques blancs, les hommes de la défense civile, et le quartier général des urgences médicales d’Alep venaient d’être frappés par un missile sol-sol de type Volcano […]. On s’est rendus sur les lieux afin d’apporter un soutien moral aux volontaires qui, pour la plupart démunis de tout, faisaient déjà face à la mort avec leur abnégation habituelle.» Cette lettre d’une nuit ordinaire à Alep, que nous avons publiée sur le site A l’Encontre le 1er octobre 2014, donne un aperçu de la terreur qui règne dans le pays et du rôle des Casques blancs.
Les Casques blancs syriens, une défense civile, agissent dans les zones qui ne sont plus sous le contrôle du régime. Ils travaillent sur cette terre livrée à elle-même dès que les tirs pleuvent. Ce sont des bénévoles, non armés, qui arrivent après chaque bombardement. La neutralité fait partie des principes fondamentaux des Casques blancs. Chez eux, seul compte le côté humanitaire. Ils s’engagent à suivre les principes «humanité, solidarité, impartialité» de l’Organisation internationale de protection civile.
Une neutralité affichée
La Syrie est devenue le pays le plus dangereux du monde et le travail humanitaire y est désormais quasi impossible. «Pour imaginer l’ampleur les dégâts et celle de la catastrophe, il faut comprendre que le peuple syrien subit 50 fois par jour l’équivalent d’un séisme de magnitude 7,6 », témoigne Dundar Sahin, directeur l’ONG turque Akut Search and Rescue Association.
Alors, quand les Casques blancs interviennent après un bombardement à la recherche de survivants, ils savent très bien que d’autres bombes peuvent leur tomber dessus. Ce qui les préoccupe, c’est d’abord le sort de leurs concitoyens, les premières victimes du conflit qui se joue en Syrie depuis plus de trois ans et qui a fait plus de 200’000 morts.
Les Casques blancs existent depuis début 2013. Mais on ne les connaît que depuis un mois environ. «Dans les médias, on parle des égorgeurs, pas de ces gens qui font des choses formidables», confie Ignace Leverrier. C’est l’ONG The Syria Campaign qui a voulu leur offrir une médiatisation. «Nous voulons juste montrer au monde, affirme James Sadri, responsable de The Syria Campaign à Beyrouth, qu’il y a des gens en Syrie qui ne veulent que sauver des vies. La religion comme la politique, ce n’est pas leur problème. Ces femmes et ces hommes sont des héros.»
Et le terme «héros» n’est pas anodin. La vidéo postée sur la page The White Helmet montrant un Casque blanc qui sauve de justesse un nourrisson dans les décombres d’un immeuble après un bombardement parle d’elle-même [voir la vidéo à la fin de l’article]. Selon leur propre décompte, les Casques blancs ont sauvé plus de 2500 personnes en 2013.
«Les Casques blancs interviennent principalement à Alep et à Idlib, explique James Sadri. En fait, leur mission est d’intervenir dans les zones où il n’y a plus un seul service public qui fonctionne et où les services de l’Etat ont totalement disparu. Dans des endroits où il n’y a plus ni écoles ni hôpitaux ni aucun service public ». Dans certains quartiers d’Alep, des dizaines de tirs de mortiers tombent quotidiennement. Parfois, ce sont des barils bourrés d’explosifs et de clous lancés depuis des hélicoptères qui atterrissent sur les logements.
Depuis Beyrouth, James appelle chaque jour les Casques blancs. «L’autre jour, dit-il, mon ami m’a raconté que les civils étaient sous les tirs de jihadistes d’un côté et de tirs du régime de l’autre. Et qu’eux venaient en aide aux deux parties.»
Des formations dans le sud de la Turquie
Et pour venir en aide aux civils, les Casques blancs se préparent tant bien mal. A Adana, dans le sud de la Turquie, Mohammad et d’autres Syriens de l’ONG Ark accueillent des habitants d’Alep, d’Idlib, mais aussi de Hama, Lattaquié et Daraa. Etudiants, plombiers, boulangers, professeurs, par petits groupes de 20 à 25, les membres d’ARK les forment à la protection civile. Pendant une dizaine de jours, ils leur apprennent entre autres à chercher les survivants dans les décombres après un bombardement. «On ne leur pose pas de questions sur leurs origines ou leurs opinions, explique Mohammad. C’est la neutralité qui prime ici.» Une grande partie des opérations menées par les Casques blancs ont lieu après les attaques aériennes perpétrées par le régime, mais pas seulement. Ces bénévoles humanitaires affrontent aussi les tirs de snipers pour sauver les corps des soldats du régime.
En quatre mois, 26 d’entre eux ont déjà perdu la vie pour sauver celle des autres. Même si aujourd’hui ils sont mieux préparés aux premiers secours, ils manquent cruellement d’équipement de protection, de médicaments, d’outils d’excavation. Une paire de lunettes de protection ne coûte que 4,68 dollars, mais un masque à gaz vaut 110 dollars et un défibrillateur plus de 3000 dollars.
Sur l’ensemble des réseaux sociaux, une pétition intitulée The White Helmets est désormais disponible pour «donner aux Casques blancs les ressources nécessaires pour qu’ils continuent à sauver des vies». (Cet article, rfi, prolonge l’information donnée par Ignace Leverrier: rédaction A l’Encontre).
Soyez le premier à commenter