Presque trois ans après la révolution du 25 janvier 2011, les familles des martyrs et des blessés de la révolution continuent à se battre seules face à la lenteur des procédures et à l’insouciance gouvernementale. On avait promis aux blessés de la révolution une pension mensuelle, du travail, un logement et une cérémonie à la mémoire des martyrs.
Ramadan Abdel-Ghani, coordinateur du mouvement des blessés de la révolution, s’insurge contre ce «mauvais traitement» des victimes de la révolution depuis la chute de Moubarak. «Les promesses gouvernementales n’ont jamais été tenues. Sur plus de 2000 cas de personnes ayant perdu leurs yeux pendant la révolution, seules quelques dizaines ont reçu des soins médicaux médiocres dans des hôpitaux publics alors que certains cas nécessitaient des soins à l’étranger. Plusieurs blessés atteints de balles sont restés dans le coma sans être soignés et certains d’entre eux ont succombé à leurs blessures», se plaint-il.
Sous le Conseil militaire et sous le président destitué Mohamed Morsi, les gouvernements successifs n’ont fait que créer des comités pour recenser le nombre de victimes et déterminer ceux qui méritent d’être indemnisés et ceux qui ont besoin de soins médicaux. «Mais sur plusieurs milliers de cas, seuls quelques-uns ont été indemnisés, alors que la liste des victimes n’a cessé de s’alourdir. Mohamed Mahmoud, Maspero, Port-Saïd ont été aussi le théâtre d’actes de violences meurtriers et d’accrochages avec les forces de sécurité qui ont alourdi le bilan des victimes. Certains blessés affirment que leurs noms ont été rayés des listes des personnes ayant droit à une réparation», déplore Abdel-Ghani.
Un conseil national chargé des familles des victimes de la révolution a été créé en 2012 et le Parlement dissous avait voté en faveur d’une d’indemnisation financière pour les victimes. Le Conseil militaire, qui a assuré l’intérim à cette époque, avait promis, lui, une réparation aux familles des victimes, et aux blessés, ainsi que du travail, des soins gratuits et un logement. Mais aujourd’hui encore, la plupart des victimes et leurs familles continuent à se battre pour leurs droits.
Ainsi, plusieurs procès ont été intentés contre le gouvernement par les familles des victimes. Récemment, le ministère de la Solidarité avait reconnu que «plus de 5000 blessés de la révolution de janvier n’avaient pas été indemnisés faute de procédures». Seules 1409 personnes ont touché des indemnités.
Selon les chiffres officiels, 846 personnes ont été tuées et 6467 autres blessées durant les 18 jours de la révolution du 25 janvier. Certaines de ces personnes gardent des séquelles à vie. Le Réseau arabe pour les droits de l’homme fait état, lui, de 841 personnes mortes durant la révolution, 215 sous le Conseil militaire et 154 sous Morsi.
Selon l’activiste des droits de l’homme, Mohamed Bahnassy, le nombre réel des victimes pourrait être beaucoup plus élevé, ce qui nécessite une enquête sérieuse sur tous les actes de violence qui ont accompagné ou suivi la révolution. «Certaines personnes ont été tuées et enterrées sans qu’on ait pu les identifier et déterminer les raisons de leur décès. Certaines familles mettent en doute les rapports de la médecine légale», explique Mohamed Bahnassy.
Hafez Abou-Seada, président de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme et membre du Conseil national des droits de l’homme, affirme que cette situation est due à «certaines difficultés» comme l’absence d’un recensement clair du nombre de victimes. Beaucoup de familles ignorent les procédures à suivre pour obtenir une indemnité. «Mais le plus important, c’est de prouver que ces blessures proviennent de la révolution, une tâche qui se révèle quasi impossible surtout avec la multiplication des actes de violences depuis la chute de Moubarak. Des actes dont les auteurs restent inconnus. Les hôpitaux publics refusent de fournir des certificats médicaux aux blessés», indique Abou-Seada.
Face à cette insouciance gouvernementale à l’égard des victimes de la révolution, des associations et des citoyens bénévoles ont pris en main le dossier, ce qui redonne de l’espoir aux victimes. (Al Ahram, 18 septembre 2013)
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