Par Léon Crémieux
Après plusieurs semaines de négociations, essentiellement avec les Verts (EELV) et le Parti socialiste, la France insoumise (FI) vient de boucler une alliance électorale pour les prochaines élections législatives des 12 et 19 juin qui doivent désigner les 577 députéEs de l’Assemblée nationale. La NUPES (Nouvelle union populaire, écologique et sociale) rassemblera donc la France insoumise, EELV, le PCF et le Parti socialiste.
Le principe est une candidature unique de cette alliance dans toutes les circonscriptions électorales (sauf les départements d’Outre-Mer et la Corse).
Evidemment, cet accord s’est imposé chez les partenaires de la France insoumise, vu le rapport de force issu de l’élection présidentielle et le risque pour ces partis de se retrouver à nouveau marginalisé dans l’Assemblée nationale.
D’un autre côté, la France insoumise et Mélenchon voulaient chercher l’accord le plus large possible à gauche, poursuivant la perspective d’obtenir une majorité parlementaire et de décrocher un poste de Premier ministre. Aussi, ils ont redoublé d’effort en ce sens, ainsi que pour garantir l’accord et éviter qu’EELV et le PS ne présentent des candidatures alternatives, en «achetant» leur adhésion. Alors que la France insoumise avait parlé au départ d’une répartition proportionnelle (au résultat de la présidentielle) des candidatures, ce qui aurait donné 29 pour le PS, 38 pour le PC, 78 pour EELV, les dernières propositions ont largement gonflé les chiffres du côté du PS et de EELV qui obtiennent respectivement 70 et 100 candidatures, 50 pour le PCF qui a pourtant réalisé un meilleur résultat que le PS).
Mais l’enjeu surtout vis-à-vis du PS était d’être sûr que l’accord serait majoritaire au Conseil national du parti et qu’il n’y aurait que peu de listes dissidentes. Ainsi, les 19 députés sortants du Parti seront candidats de la NUPS.
Vu le système électoral pour ces législatives (uninominal à deux tours) sans union autour d’un candidat unique au premier tour, l’élection d’un grand nombre de députés est impossible. Sans accord, la France insoumise aurait récolté au maximum une cinquantaine de députés.
Personne n’est dupe de la soudaine conversion du PS aux positions politiques de la France insoumise, mais l’appareil du Parti, du moins la partie qui ne joue pas le ralliement à une majorité macroniste à l’assemblée, a considéré qu’entre Macron et Mélenchon, l’avenir du parti se jouait plutôt à gauche. Il en a été de même chez EELV.
Pour obtenir son Union, la France insoumise a donc, au nom d’une «realpolitik» électoraliste, vis-à-vis de EELV et du PS, fait le choix d’amoindrir son programme électoral, sur la retraite à taux plein à 60 ans, sur la désobéissance aux traités de l’Union européenne (UE), et même sur le passage immédiat du SMIC à 1400 euros, notamment. De même, la logique esquissée d’ouverture à des regroupements militants des quartiers populaires dans le cadre de la nouvelle union est plus que limitée. Enfin, la France insoumise n’a jamais cherché à donner au NPA la place, petite mais réelle, à laquelle une logique unitaire lui donnait droit. Ainsi, la France insoumise n’envisageait en aucun cas la possibilité que Philippe Poutou soit candidat dans une circonscription où il aurait pu être éligible, et encore moins se présenter à Bordeaux dans la continuation, pourtant, d’une activité politique commune avec la FI depuis les élections municipales et régionales. Finalement, à côté des cadeaux faits au PS qui obtient 3 fois plus de candidatures que son poids électoral, la FI ne proposait au NPA que 5 candidatures (3 fois moins que son poids électoral) et sans guère d’espoir d’éligibilité …Tout un symbole.
Le NPA qui a maintenu jusqu’au bout un cadre de négociations avec la volonté d’aboutir à un accord a donc été confronté à des négociateurs qui ne faisaient, de fait, aucune proposition sérieuse au NPA, ni sur le programme ni sur les candidatures, à part mettre le sigle du NPA dans un cadre d’alliance au sein duquel il n’existait pas politiquement. Comme l’a dit Philippe Poutou «le NPA a compris que finalement, sa présence n’était pas vraiment désirée par la France insoumise».
Néanmoins, le NPA continuera de se situer dans le cadre de la dynamique apparue ces dernières semaines, en essayant d’impulser et de participer à des cadres militants unitaires. Comme le dit la déclaration issue de son Conseil politique national, le NPA appellera à voter et à soutenir, y compris de façon militante, les candidatEs de la NUPES représentant une gauche de rupture. Dans d’autres circonscriptions, confronté à des candidatures de sociaux-libéraux, notamment du PS, mais labellisés NUPES, le NPA cherchera à faire entendre une alternative avec des candidatures unitaires, issues du monde du travail et des quartiers populaires, représentant une gauche de combat, indépendante des institutions et du social-libéralisme. Le rejet que le NPA a subi montre que la FI joue toutes ses cartes sur le versant institutionnel et de la modération socialo-compatible alors que de nombreux courants militants veulent une logique visant à organiser par en bas une mobilisation et une organisation unitaires. Mais cela ne remet pas en cause l’analyse de la place objective que prend cette alliance électorale dans le champ politique.
Personne ne connaît réellement l’impact électoral de cette union, mais la NUPES devient clairement la principale menace électorale pour une majorité de soutien à Macron à l’Assemblée. Cela va dépasser clairement les curseurs du débat politique dans les six semaines qui viennent.
Jusque-là, Macron avait construit son image comme rempart face à l’extrême-droite, face à sa meilleure ennemie Marine Le Pen, jouant auprès de l’électorat traditionnel de la gauche sur la fibre anti Front national. Cette logique-là va être totalement déstabilisée. D’après les premières projections, une majorité de duels de deuxième tour opposerait une candidature En Marche à une candidature NUPS.
Aussi, depuis quelques jours – dans tous les médias et de la part d’En Marche – tous les coups visent Mélenchon et la nouvelle Union. Beaucoup de politiciens déplorent que le PS se saborde en s’alliant avec Mélenchon, ils auraient plutôt préféré qu’il se saborde en rejoignant Macron. Donc le risque limité, mais réel non seulement que la gauche devienne la principale opposition à Macron et même qu’elle le prive de majorité effraie réellement la majorité présidentielle.
Il n’y a pas pour l’instant de scission dans le PS, mais un courant dissident va clairement s’organiser avec des candidatures opposées à la NUPES dans quelques circonscriptions. (Article reçu le 7 mai 2022)
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Voir aussi:
France. Face à l’hostilité populaire, Macron impose la réélection
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