Nicaragua. La formation de l’Alliance de Droite. Quelle opposition pour combattre la dictature?

Par Oscar-René Vargas

  1. L’Alliance de Droite (AD) formée par l’Alliance civique pour la Justice et la Démocratie (CA), le Grand capital (GC) et Ciudadanos por la Libertad (CxL) montre assez précisément quel est le profil de sa stratégie électorale: une sortie en douceur des cinq crises [sociale, socio-poltique, économique, environnementale et sanitaire]. Ce n’est pas que la formation de cette Alliance de droite n’ait pas été connue depuis un certain temps, mais certains analystes et politiciens ont eu tendance à ne pas y croire. Il n’est pas possible pour eux de répéter les erreurs du passé, ont-ils dit.
  2. La meilleure façon de faire face à la réalité est de bien dessiner le profil de cette Alliance de Droite (AD). Bien sûr, leur intention d’entrer en relation avec le régime est présentée sous différents déguisements. Toutefois, il est possible de reconnaître son profil. Car, cette Alliance présente les mêmes caractéristiques que l’accord et/ou les pactes politiques pervers du passé récent: être le fourgon de queue de la dictature en échange de faveurs, de cadeaux et de subventions.
  3. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas où mènent des politiques comme celles qu’ont mises en œuvre l’AD. Nous savons parfaitement ce qu’ils ont l’intention de faire: participer aux élections de novembre 2021, avec ou sans réformes électorales. Par conséquent, leur participation sera utilisée par le régime pour se légitimer en échange de l’obtention d’une plus grande part de pouvoir par rapport au pacte précédent.
  4. Quelle sera la réaction des membres de la Coalition nationale? Il est très probable que se creusera la fracture entre, d’une part, la Coalition nationale/Union Nationale Bleu et Blanc (UNAB) [1] et, d’autre part, l’Alliance de droite (AD). Ceux qui soutiennent l’AD sont: les secteurs confus et myopes d’étudiants et de jeunes; les politiciens et les partis de la droite traditionnelle. L’aspiration de l’AD est de réunir autour d’elle d’autres partis collaborationnistes de droite tels que: le Parti conservateur, le Parti libéral constitutionnaliste, le Yatama [2], etc.
  5. En tout cas, pour analyser l’AD, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’une des caractéristiques des politiciens traditionnels est qu’ils souffrent du «Syndrome de Pedrarias» [3], c’est pourquoi il devient si difficile de construire l’unité et de vaincre la dictature. Parce que ce ne sont pas des politiciens qui font de la politique pour renverser–changer la dictature. Ils utilisent la politique comme une arme pour leurs strictes propres batailles et pour leur propre bénéfice.
  6. Les politiciens «zancudos»[qui ont passé et passent des accords avec Ortega]:  sont très dangereux dans la lutte contre la dictature. En effet, bien qu’ils puissent se présenter aux élections et utiliser des moyens et des langages très différents, leur stratégie politique a une caractéristique commune: utiliser les élections pour atteindre une position de relief, mais ne pas chercher à vaincre et dépasser la dictature.
  7. Toute alliance politique qui accepte de participer aux élections sans garanties devient un instrument de la dictature. L’idéologie comme la stratégie de l’AD propres aux entrepreneurs ne font pas de secret sur les objectifs auxquels elle répond. C’est pourquoi il est si important d’analyser tout ce que les membres de l’AD disent ou font et de découvrir les éléments qui sont communs avec les pactes politico–entrepreneurial du passé récent.
  8. Les têtes pensantes de l’Alliance civique qui ont conçu le scénario politique en brisant et quittant la Coalition nationale–UNAB, savent que la formation de l’Alliance de droite (AD) favorise le dictateur. Il est nécessaire de réfléchir aux facteurs déterminants qui ont conduit à ce que cela se produise. C’est une option politique dominée par les membres du grand capital, ceux qui sont en faveur d’une «sortie douce» de la dictature et ceux qui pensent encore à un «autoritarisme responsable» les favorisent. Et, bien sûr, ils ont la conviction qu’ils deviendront la deuxième force politique du pays lors des élections de novembre 2021, c’est-à-dire qu’ils pourront obtenir une plus grande part du pouvoir.
  9. L’AD n’a pas l’intention de modifier le système politique traditionnel, mais d’améliorer la répartition du pouvoir politique en sa faveur. Il y a ceux qui veulent écarter le dictateur, mais en conservant le modèle économique et social ce qui équivaut à faire que des hommes d’affaires sans éthique prennent les décisions politiques stratégiques du pays.
  10. Pour sa part, le raisonnement du régime Ortega-Murillo est le suivant: si l’opposition se présente de manière fragmentée, si elle se méprise mutuellement et que ses rangs s’affrontent, elle sera faible et les possibilités de réélection du dictateur augmenteront. En d’autres termes, l’objectif du régime Ortega-Murillo est d’éviter la formation d’une large coalition nationale qui pourrait le vaincre.
  11. Pour diviser, le régime offre aux membres du grand capital la politique des «cinq appâts»: 1°une influence sur la législation économique, 2° la législation du travail flexible et l’absence de grève, 3° des bas salaires, 4° des profits extraordinaires, 5° des exemptions et avantages de toutes sortes.
  12. Rien n’est plus urgent que l’unité dans la diversité, l’unité ne signifie pas l’unanimité, l’unité doit se faire sur l’objectif de renverser la dictature. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en œuvre une stratégie flexible, de commencer le débat politique sans insultes, sans mensonges bâti sur une analyse sérieuse et critique qui nous permette de dévoiler le véritable objectif politique de l’Alliance de Droite (AD) conditionnée par les «cinq appâts». (Texte reçu le 14 janvier; traduction rédaction A l’Encontre)

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[1] La Coalition nationale compte plus d’organisations qui réunissent des paysans, des indigènes, des ex-contras, des opposants divers. L’UNAB est la somme d’auto-convoquées d’avril 2018, les organisations sociales et d’organisations territoriales municipales). De facto, la Coalition nationale-UNAB traduit une unité dans la diversité face au régime. (Réd.)

[2] Le Yatama est un parti régional – de la côte atlantique – politiquement de droite, opportuniste. Dans un passé récent il s’est allié à l’orteguisme. Il a une orientation oscillante. (Réd)

[3] Pedrarias est premier gouverneur espagnol (1527-1531) lors de la conquête du territoire du Nicaragua. Pedrarias traduit la figure du tyran qui disposait trois pouvoirs: militaire, civil et religieux. Oscar-René Vargas, dans son ouvrage intitulé El Sindrome De Pedrarias (1999), le décrit comme un symbole de la culture politique du Nicaragua qui explique la tradition tyrannique ou dictatoriale dont le Nicaragua a souffert. (Réd.)

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