Algérie. Les slogans du hirak repris à l’occasion du 120e vendredi de protestation: marches à Béjaïa et Tizi Ouzou (Kabylie)

Par K. Medjdoub et Hafid Azzouzi

Si la mobilisation rechigne à reprendre ses proportions historiques des premiers mois du mouvement du 22 Février 2019, les slogans anti-élections ont repris de plus belle hier à Béjaïa.

La 120e marche a été consacrée aux élections législatives du 12 juin. Le rendez-vous a été honoré par quatre gros carrés de manifestants qui ont occupé, le long du boulevard de la Liberté, sur la moitié de sa largeur.

Avant l’entame de la manifestation, peu après 13h, la police a circulé à travers les principales artères de la ville et embarqué plusieurs personnes, cueillies sur les trottoirs, et qu’elle a relâchées au cours de la journée. Les arrestations n’ont pas empêché la marche d’avoir lieu, dans le calme, et l’engagement d’être réaffirmé pour le même objectif du changement «du système» et de redonner la parole au peuple. A une semaine des législatives, l’action d’hier a permis de réaffirmer le mot d’ordre du rejet et le même état d’esprit de la veille de la présidentielle du 12 décembre 2019 qui avait plongé toute la région dans un climat tendu.

L’on a crié «Ulach l’vote!» (Pas d’élections) et fulminé contre les candidats dont l’engagement pour le prochain scrutin les expose à la vindicte populaire dans une région acquise en majorité au boycott. Tout au long de la marche, la foule a crié le nom de l’un des candidats qu’elle a vilipendé à coups de slogans hostiles, en observant de longs arrêts devant ce que l’on supposait être son domicile.

Dans de telles conditions, il faut dire que le pari est risqué pour les candidats des 17 listes validées pour le scrutin. Le risque est tel, qu’à quelques jours de sa clôture, la campagne électorale ne donne aucun signe d’existence dans la région.

La ville de Tizi Ouzou a été par ailleurs envahie par des milliers de personnes qui ont pris part au 120e vendredi de protestation. Les marcheurs ont exprimé leur colère contre la répression qui s’est abattue ces dernières semaines sur le hirak. «Non à la répression». «Liberté d’expression», ont-ils scandé, à gorge déployée.

La foule s’est ainsi ébranlée depuis le campus de Hasnaoua tout en progressant vers le centre-ville. Devant le CHU Nedir Mohamed, nous avons remarqué des médecins et des infirmiers, notamment devant le portail principal de cet établissement hospitalier. Des images qui rappellent les premières marches du mouvement populaire, où des corporations professionnelles avaient investi la rue. La foule, scindée en plusieurs carrés, a continué son itinéraire sur l’avenue Abane Ramdane. Les slogans sont pratiquement les mêmes que ceux des semaines précédentes. (Article publié sur le site El Watan, le 5 juin 2021)

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Dans le centre-ville d’Alger, un premier vendredi sans Hirak

Par Kenza Adil

Pour le quatrième vendredi  de suite, il n’y a pas eu de marche à Alger. Aujourd’hui, et contrairement aux trois précédents vendredis où des tentatives d’organiser des marches ont été empêchées par les services de sécurité, les manifestants n’ont rien tenté à Alger. Une première depuis la reprise du Hirak en Algérie le 22 février dernier.

Vendredi 4 juin. 14h30. Ciel gris, gouttelettes de pluie, temps maussade. Nous décidons de faire une balade au cœur de la capitale, histoire de prendre la température. D’habitude, c’est à ce moment-là que des milliers de personnes commençaient à défiler dans le centre-ville.

Très vite, nous constatons que la ville offre un visage austère, ennuyeux et morose. La quasi-totalité des commerces sont fermés. Les terrasses qui ont déployé leurs tables sur le trottoir sont désertées par les clients.

De la rue Didouche Mourad à la rue Larbi Ben M’hidi, en passant par le Boulevard Amirouche et la Place du 1er-Mai, toutes les artères sont marquées par une forte présence policière.

Circulation fluide

Rue Didouche Mourad, une colonne de fourgons bleus [police]. Les passants sont très rares et la circulation automobile est hyper fluide. Au café Eddy, l’un des rares établissements ouverts à cette heure-ci, deux clients sirotent un café.

Le cinéma Algeria a gardé le rideau semi-ouvert. L’agent de sécurité nous informe que la salle est en travaux.

Les arrêts de bus de la place Audin sont presque vides. Les chauffeurs, stationnés en colonnes, prennent leur mal en patience. Le glacier «Fleur du Jour» attend de pied ferme des clients qui se font désirer. Zéro client en ce début d’après-midi. Même constat au Capucine (Salon de thé et fast-food). Le gérant tente une explication: «Les gens ne font plus de marche, car ils ont peur de se faire embarquer par les policiers. Résultat: plus de clients.»

Ville fantôme 

Le Tunnel des facs est également clos. Idem pour les chapiteaux blancs d’artisanat et de commerces de bouche à proximité de l’Université. Un peu plus loin, au niveau de la Grande-Poste, seules deux ou trois de ces chapiteaux sont ouverts. «Il n’y a personne pour m’acheter mes bracelets»,  se plaint une artisane sénégalaise.

Nous longeons la rue Asselah Hocine. Un calme étrange y règne, hormis le ronronnement d’un hélicoptère dans le ciel gris. Les arcades du Boulevard Amirouche sont toutes occupées par des essaims d’agents de l’ordre. Place Mauritania, l’horloge indique 15h25. Les policiers occupent chaque pan de rue.

Rue Hassiba Ben Bouali, il y a un peu plus de passants. Quelques boutiques de vêtements sont ouvertes. Des kiosques à tabac et des fast-foods également.

Place du 1er-Mai sous haute garde policière 

Nous débouchons sur la place du 1er-Mai: camions avec canons à eau et fourgons bleus dissuadent toute manifestation. Sur la placette, les bancs sont occupés par des hommes de tous âges. Un septuagénaire jette des bouts de pain aux pigeons.

Pas d’exception pour ce vendredi 4 juin. Depuis  le début du Hirak, tous les jardins publics d’Alger-centre ferment leurs portes aux promeneurs. C’est ce que nous avons pu constater au Square Sofia, Parc de Galland, Parc Mont-Riant et jardin de l’Horloge florale. Pour ce dernier, il est depuis plusieurs mois fermé, sans que les riverains en connaissent la raison.

Comme depuis le début des manifestations pacifiques, le portail de l’hôpital Mustapha (entrée du haut, vers le marché Meissonnier) est fermé le vendredi. Une dame, les bras chargés de nourriture destinée à sa sœur hospitalisée, a dû faire tout le tour, en redescendant vers la rue Hassiba Ben Bouali, pour accéder au CHU par le portail du bas. «J’habite juste à côté mais je dois me taper tout un détour!», peste-t-elle.

Alger en ce vendredi après-midi contraste étrangement avec les précédents vendredis durant lesquels les rues étaient envahies par les marcheurs. Terrasses et café sont étrangement vides et les commerces ont gardé leurs rideaux baissés. La capitale semble retranchée dans l’ennui et la morosité.

Si aucune tentative d’organiser une marche à Alger pour le 120e acte du Hirak, des marches pacifiques ont été organisées à Béjaïa et à Tizi Ouzou. (Article publié par TSA, le 4 juin 2021)

 

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