Syrie. Un «crime de guerre» médiatisé visant à camoufler une politique de changement de régime dans la continuité

Parmi les «crimes de guerre»: les bombes à fragmentation (janvier 2013(
Parmi les «crimes de guerre»: les bombes à fragmentation (janvier 2013)

Par rédaction A l’Encontre

Une vidéo montrant un rebelle syrien éviscérant un soldat mort en Syrie suscite l’indignation officielle de Washington, semble-t-il peu habitué aux crimes de guerre. La haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Navi Pillay, rappelle que la mutilation de cadavres lors d’un conflit militaire constitue «un crime de guerre».

Cette vidéo occupe la scène médiatique parce que le rebelle, Abu Sakkar, a été formellement reconnu par des journalistes et a revendiqué son geste dans l’hebdomadaire américain Time.

Au même moment, Obama a indiqué qu’à l’occasion de la conférence Genève 2 Washington était prêt à discuter d’une transition avec Bachar el-Assad. Le gouvernement turc n’est pas très éloigné de cet objectif dans le sens suivant: assurer une permanence des institutions et des appareils répressifs afin d’éviter une situation à l’irakienne et une déstabilisation régionale. Néanmoins, le gouvernement turc, lors de déclarations en partie divergentes du premier ministre Recep Tayyip Erdogan et du président Abdullah Gül, tend à accroître la pression militaire et y compris envisager une zone d’exclusion aérienne.

Pendant ce temps, l’armée du régime dans une ville comme Al-Qusayr, située à quelque 35 km au sud de la ville d’Homs et proche de la frontière libanaise, et ses mercenaires (chabihas) multiplient les attaques contre la population. Cette dernière tente de s’enfuir vers le Liban. Trente mille civils risquent d’être pourchassés et de subir les pires exactions de la part des militaires à la solde du régime.  La reporter de France Culture à la frontière libanaise a recueilli des témoignages de réfugiés diffusés le 16 mai lors du journal de 7 heures le matin. Nous en donnons deux exemples: «Nous sommes partis car on a eu peur des combattants libanais du Hezbollah qui sont avec le régime, des bombardements incessants et surtout des égorgements des enfants et des femmes. Les soldats de l’armée officielle capturent les membres de l’Armée syrienne libre pour leur extorquer des informations et quand ils voient des civils ils les tuent directement aux check point pour qu’ils cessent de s’enfuir. Parfois à la périphérie de la ville, des voitures officielles du régime déposent des cadavres de civils puis elles repartent. Le but: nous faire peur.» Une jeune femme de 20 ans raconte sa fuite au Liban en essayant d’éviter les soldats postés à toutes les sorties de la ville: «On a dû marcher et courir pendant six heures afin de rejoindre une route pour trouver un camion qui nous amène au Liban. Depuis un an on ne sort pas presque pas et je reste à la maison. Cela fait deux ans que je ne peux plus aller à l’école, depuis que le régime a commencé à kidnapper les gens sur la route. Sans l’Armée libre qui est au centre de la ville, on n’aurait jamais pu rester jusqu’à maintenant.» Ce ne sont que deux témoignages qui traduisent quelques-unes des tragédies humaines provoquées par la brutale répression qui a commencé dès le soulèvement de la population de manière massive et pacifique, il y a plus de deux ans.

Dans ce contexte, la déclaration de l’Armée syrienne libre ayant trait à l’acte inacceptable d’Abu Sakkar exprime une option fondamentale des comités locaux et des représentants les plus «éclairés» de l’Armée libre. Les difficultés à construire une direction politico-militaire efficace et à centraliser et coordonner les initiatives sur le terrain de l’affrontement militaire sont un des éléments qui prolongent cette guerre, lui impriment en partie une dimension confessionnelle, des vendettas.

Il reste que l’aide matérielle et humaine fournie à la dictature de Bachar el-Assad et à son clan par l’Iran, son poulain le Hezbollah, et une Russie qui négocie sa position géopolitique est le facteur dominant de l’épuisement, dans tous les sens du terme, d’un pays, de ses villes historiques, de sa population dans une région connue pour être un des berceaux de la civilisation mondiale. Or, les élites des grandes puissances ne cessent de faire – en tant que défenseurs auto-proclamés d’une «vraie civilisation» – référence à des «valeurs fondamentales» dont des racines plongent dans l’histoire de cette région.

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Déclaration de l’Armée syrienne libre

Une séquence filmée montrant un homme affirmant être un membre de l’Armée syrienne libre alors qu’il commettait un acte monstrueux a récemment été relayée sur les réseaux sociaux. On le voit découper le cœur d’un soldat mort et s’affichant alors qu’il le mange. Cet homme prétend également que le soldat mort est en fait un soldat des forces armées syriennes et qu’il était particulièrement responsable de crimes contre des civils.

L’Etat-major de l’Armée syrienne libre et des forces militaires et révolutionnaires [Free Syrian Army Revolutionary and Military Forces] éprouve la nécessité de souligner fortement et d’assurer chacun que nous nous battons pour une noble cause, une cause qui revendique la liberté et le respect de droits pour tout le peuple de Syrie, pour qui que ce soit et quelles que soient les appartenances ethniques ou religieuses. Nous déclarons par conséquent que tout acte contraire aux valeurs du peuple syrien, pour lesquelles il a payé de son sang et de la destruction de ses maisons, ne sera pas toléré. Ceux qui y contreviennent seront sévèrement punis même s’ils sont associés à l’Armée syrienne libre. La direction de l’Etat-major de l’ASL a donc communiqué des instructions aux commandants sur le terrain afin qu’ils engagent une enquête rapide sur cette affaire permettant de conduire l’auteur du crime devant la justice ou d’être détenu jusqu’à ce qu’un procès équitable au cours duquel nous chercherons à déterminer si l’accusé est en réalité un membre de l’ASL ou non.

Nous encourageons nos concitoyens à communiquer toute plainte contre une offense commise par des individus ou des groupes qui affirment ou semblent appartenir à l’Armée syrienne libre ou aux forces combattantes de l’opposition. Ces plaintes doivent être adressées aux commandants sur le terrain ou à la direction de l’ASL.

Nous saluons également les efforts de tout citoyen journaliste qui contribue à faire connaître de tels actes considérant qu’il s’agit là d’une contribution à notre cause. – 15 mai 2013 (Traduction A l’Encontre)

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