Par Jean-François Marquis
La hausse ininterrompue des primes de l’assurance maladie et l’échec, jusqu’à présent, des initiatives visant à modifier la loi sur l’assurance maladie (LAMal) afin d’y mettre un terme alimentent la réflexion sur comment sortir de cette impasse. Dans ce contexte, la proposition d’une loi fédérale sur la santé, portée par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), rencontre un écho. Est-elle prometteuse ?
La proposition de l’ASSM
L’ASSM expose de manière synthétique les trois piliers principaux de son approche dans la prise de position qu’elle a publiée le 18 mars 2024 (tous les documents sont accessibles sur son site) : « Ce n’est qu’en améliorant l’efficacité et la qualité de l’ensemble du système qu’il sera possible de maîtriser les coûts [1erpilier], d’éviter une charge financière inacceptable pour la population et de garantir la couverture sanitaire à long terme. Pour opérer une vraie réforme, nous devons changer notre façon de concevoir la santé [2e pilier] et revoir l’organisation et la gestion du système [3e pilier]. »
Le changement de « notre façon de concevoir la santé » implique, pour l’ASSM, l’adoption d’une approche « holistique » : « Le concept « Une seule santé » (« One Health ») prend en compte, en sus des déterminants sociaux de la santé, les risques liés aux changements climatiques, à la résistance aux antibiotiques, à la sécurité alimentaire, ou encore à la perte de la biodiversité. » L’ASSM poursuit : « Le concept « Une seule santé » doit se décliner dans une « Santé dans toutes les politiques » (« Health in all Policies »), qui se construit sur une vision décloisonnée des nombreux domaines touchant à la santé au sens large, tels que les transports, le logement, l’urbanisme, l’environnement, l’éducation, l’alimentation, l’agriculture, la politique fiscale et sociale ou encore le développement économique. »
Quant à la révision de « l’organisation et la gestion du système », elle repose sur la mise en place d’une « véritable gouvernance, qui certes s’appuie sur tous les acteurs, mais qui renforce surtout les compétences de la Confédération. […] . Le fait que les problèmes soient abordés par 26 administrations cantonales et réglés de 26 manières différentes génère une réglementation coûteuse, diminue le contrôle efficace, complique la comparaison des coûts et empêche les économies d’échelle. » Pour l’ASSM, « une des faiblesses du système de santé actuel est que [… la LAMal] attribue trop de compétences aux cantons, par exemple la planification hospitalière. »
L’ASSM propose dans un premier temps l’inscription d’un article 116a dans la Constitution fédérale, qui intègre l’approche « une seule santé » (alinéa 1), la « gouvernance » avec des compétences fortes attribuées à la Confédération (alinéa 2) et la maîtrise des coûts de la santé (alinéa 3 : un système de santé « durable et efficient »). En voici la formulation :
« Art. 116a Politique de santé
1 La Confédération et les cantons reconnaissent l’interdépendance de la santé des êtres humains, des animaux et de l’environnement et s’engagent à promouvoir une approche intégrée de la santé dans les limites de leurs compétences respectives.
2 La Confédération fixe les principes applicables à la politique de santé et coordonne les efforts des cantons. Elle vise à promouvoir la santé de la population pour garantir un niveau élevé de protection de la santé pour tous.
3 La Confédération encourage un système de santé équitable, durable et efficient. Elle légifère sur la collecte et l’utilisation des données destinées à piloter le système de santé. »
Quel est le potentiel d’une telle proposition ? L’analyse de ses trois piliers permet de l’appréhender.
Coûts de la santé : triple méprise
L’ASSM reprend à son compte au sujet des coûts de la santé la vulgate officielle, qui combine trois contre-vérités : 1) la lourdeur des primes maladie serait la conséquence directe du niveau des coûts de la santé, 2) le niveau des dépenses de santé aurait atteint un niveau économiquement insupportable ; 3) un blocage des dépenses de santé serait possible sans conséquences négatives pour la population. Reprenons dans l’ordre chacun de ces points.
Un mode de financement profondément antisocial
La charge financière que représente la santé pour la majorité de la population ne dépend pas principalement du niveau global des dépenses de santé, mais de la manière, totalement anti-sociale, dont elles sont financées.
En 2023, les prestations financées par l’Assurance obligatoire de soins (AOS) se sont montées, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), à 36,6 milliards de francs, dont 29,5 milliards ont été payés par les primes des ménages (le reste correspondant principalement aux réductions de primes financées par la Confédération et les cantons). Avec un financement de l’assurance maladie sur le modèle de l’AVS, une cotisation de 3,4% prélevée sur les salaires (complétée par une « contribution patronale » équivalente) permettrait de financer ces quelque 30 milliards de francs. C’est le système de primes par tête, où l’on paie 500 francs par mois, que l’on touche un salaire mensuel de 4000 francs comme aide-soignante à temps partiel ou que l’on ait un revenu mensuel de 30’000 francs comme un cadre de la banque ou comme un urologue, qui fait que des familles doivent consacrer aujourd’hui plus de 10% de leurs revenus à l’assurance maladie.
La deuxième raison qui rend les dépenses de santé écrasantes pour la population est le fait que les ménages financent directement de leur poche l’équivalent de 20,7 milliards de francs, comme franchises et participations aux frais ainsi que pour toutes les prestations qui ne sont pas remboursées (soins dentaires, participation aux frais médicaux des soins à domicile ou des EMS, etc.). Cela représente plus de 21% des dépenses de santé, nettement plus qu’en Allemagne (10,7%) ou en France (8,9%), par exemple. Or, une cotisation salariale de 2,4% couvrirait entièrement ces dépenses.
Si l’on veut résoudre le problème de la charge financière que les dépenses de santé représentent pour la majorité de la population, c’est donc au modèle de financement qu’il faut s’attaquer, et pas au niveau des coûts de la santé. Le système de la cotisation salariale pour financer la santé existe dans une majorité des pays voisins. Son absence en Suisse correspond aux intérêts des milieux entrepreneuriaux (qui ne veulent pas participer au financement de la santé) et des classes sociales les plus aisées (qui paient ainsi proportionnellement beaucoup moins). L’ASSM est fort silencieuse sur ce sujet.
Un franc de plus pour la santé n’est pas un franc de moins pour l’éducation
L’ASSM affirme que le niveau des dépenses de santé représente désormais une menace pour les autres activités publiques. Voilà ce que l’on peut lire dans la « Feuille de route pour un développement durable du système de santé » publiée par l’ASSM en 2019 et qui lance sa proposition de loi sur la santé. « Actuellement, les cantons doivent assumer une part substantielle des frais hospitaliers. De même, en raison de l’augmentation constante des primes, les charges liées aux subsides augmentent sans cesse. Les budgets cantonaux étant fixes, l’augmentation constante des dépenses de santé implique automatiquement des économies dans d’autres domaines (par exemple formation, sécurité sociale), ce qui peut avoir des répercussions négatives sur l’état de santé de la population. En conséquence, les dépenses pour le système de santé doivent être limitées dans les mêmes proportions. » (p. 17) Cette « feuille de route » de l’ASSM propose par conséquent la mesure suivante : La Confédération fixe un plafond pour l’augmentation des dépenses de santé. »
D’un point de vue macro-économique, le niveau des dépenses de santé en Suisse (12% du PIB en 2023) n’est pas exceptionnel et il est comparable à celui de pays avec des niveaux de richesse semblable, comme la France (11,6%) ou l’Allemagne (11,8%). L’affirmation que « les budgets des cantons [sont] fixes » est factuellement fausse : selon les données de l’Administration fédérale des finances (AFF), leurs charges sont passées de quelque 81 milliards de francs en 2013 à 104 milliards en 2023, pour ne prendre que les dix dernières années.
Prétendre qu’un franc pour la santé est un franc de moins pour l’éducation revient à répéter l’argumentaire bourgeois qui exige des baisses du taux d’imposition des entreprises et des hauts revenus, revendique l’assèchement des caisses publiques et justifie ainsi les coupes dans les services publics. Car, ce ne sont pas les richesses qui manquent, dans une société comme la Suisse, pour financer la réponse aux besoins sociaux et environnementaux de la population, mais la volonté politique – liée à une insertion de classe – d’en contester une appropriation de plus en plus privée. Deux illustrations rapides : en 2024, les entreprises cotées à la Bourse suisse ont distribué 53,5 milliards de dividende, en hausse de 10% par rapport à l’année précédente. En 2021, quelque 22’000 personnes résidant en Suisse (0,39% des contribuables) déclaraient une fortune nette dépassant dix millions de francs et elles concentraient entre leurs mains 36% de la fortune nette déclarée, soit 882 milliards de francs.
Et les besoins de la population et du personnel soignant ?
Vouloir « fixer un plafond pour les augmentations des dépenses de santé » fait enfin l’impasse sur deux réalités : l’augmentation des besoins de la population, d’une part, l’urgence de changements profonds dans les conditions de travail du personnel soignant, d’autre part.
Il est certes établi que l’augmentation de l’espérance de vie n’est pas le principal moteur de l’augmentation des dépenses de santé. Cela n’empêche pas que les besoins en soins, et donc les dépenses de santé, augmentent avec l’âge. Selon l’OFS, les dépenses de santé se sont élevées en moyenne en 2023 à 881 francs par personne et par mois. Elles étaient les plus faibles entre 6 et 10 ans (225 francs), mais atteignaient 1064 francs pour les 61-65 ans, 2670 francs pour les 81-85 ans et 7466 francs pour les 96 ans et plus.
L’arrivée ces 20 prochaines années de générations plus nombreuses à un âge avancé sera nécessairement accompagnée de besoins accrus en soins de santé, et donc d’une hausse des dépenses de santé, à moins de promouvoir une politique de rationnement.
D’un autre côté, les besoins du personnel de santé sont massifs. En 2021, 61% des votant·e·s ont accepté l’initiative « pour des soins infirmiers forts », manifestant leur adhésion à l’argument que la défense de soins de qualité exige une claire amélioration des conditions de travail du personnel soignant. De meilleures conditions de travail sont de plus indispensables pour protéger la santé de soignants eux-mêmes : l’ASSM, qui promeut le concept « Une seule santé », devrait en savoir quelque chose ! Les mesures nécessaires sont connues, et listées y compris par le Conseil fédéral : augmentation des effectifs, diminution de la charge de travail, augmentation des salaires.
Esquissons une concrétisation : 10% d’effectifs en plus, 10% de réduction du temps de travail et 10% d’augmentation de salaires. Comment est-il possible d’aller dans cette direction sans augmenter les ressources allouées à la santé, alors que le personnel représente plus de la moitié des charges des fournisseurs de soins ? De fait, le Conseil fédéral a renoncé à appliquer ce volet de l’initiative et il a « abandonn[é] les infirmières », comme le constate l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI), à l’origine de l’initiative [voir l’article publié sur ce site le 12 juin 2025]. Et la question des conditions de travail du personnel soignant est aussi aux abonnés absents de la « feuille de route » de l’ASSM.
Une baguette magique ?
L’approche « Une seule santé » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne peut être que partagée. L’OMS avait déjà publié en 2009 un rapport fondamental, « Instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé », soulignant l’importance décisive des conditions vie, de logement, de travail et des inégalités sociales pour la santé de la population. Lesdits « modes de vie » sont fortement influencés par ces réalités sociales. L’impact de la crise environnementale sur la santé est également médié par les inégalités sociales qui structurent les sociétés.
Actuellement, ces déterminants sont pratiquement ignorés par les politiques de la santé. Pourquoi ? Parce qu’il manque un article constitutionnel qui en affirme l’importance ? Ou parce qu’il existe des intérêts économiques massifs qui s’opposent farouchement à leur prise en considération ? Prenons quelques exemples :
– Les conditions de travail sont fondamentales pour l’état de santé. Dans un article publié dans le British Medical Journal (BMJ) du 26 juin 2010, les auteurs du rapport de l’OMS sur les déterminants sociaux de la santé rappelaient que « pour comprendre l’impact des relations de travail sur la santé des salariés, la clé est de réaliser l’importance du pouvoir de négociation des salariés… [L]es syndicats et les mouvements sociaux de défense des travailleurs sont les moyens institutionnels les plus efficaces pour assurer la sécurité au travail. » La Suisse a été condamnée par l’Organisation internationale du travail (OIT) pour son manque de protection contre les licenciements des délégués syndicaux, qui sont une des clés du « pouvoir de négociation des salariés ». Le patronat bloque toute avancée dans ce domaine et le Conseil fédéral ne fait rien pour lui imposer un changement. L’ASSM pense-t-elle que son article constitutionnel ferait plier le patronat ?
– L’impact négatif sur la santé des mauvaises conditions de vie et des inégalités sociales est connu. Le patronat helvétique mène actuellement une campagne contre les salaires minimaux adoptés par certains cantons, relayée avec succès au Conseil national par tous les partis de droite. Il veut baisser de plusieurs centaines de francs les salaires de femmes (surtout) et d’hommes qui sont déjà parmi les moins bien payés. « On ne peut exiger des employeurs ou de l’économie qu’ils assurent un revenu suffisant pour vivre » a déclaré, sans ciller, le directeur de l’Union patronale suisse. L’article constitutionnel de l’ASSM empêcherait-il cette politique?
– La responsabilité massive de l’alimentation ultratransformée et des boissons sucrées dans l’épidémie d’obésité est dénoncée par les milieux sérieux de santé publique. Cependant, les géants de l’agroalimentaire, comme Nestlé entre autres, refusent toute réglementation contraignante dans ce domaine et les autorités fédérales s’alignent. L’article constitutionnel de l’ASSM va-t-il désarmer Nestlé?
– En février 2022, la majorité des votant ·e·s (56,7%) a accepté l’initiative « Enfants et jeunes sans publicité pour le tabac ». La Suisse, siège des grandes multinationales du tabac comme Philip Morris International, British American Tobacco ou Japan Tobacco International, est un des pays les plus laxistes en matière de publicité pour le tabac, dont les effets nocifs pour la santé ne sont plus à démontrer. Que s’est-il passé depuis 2022 ? Le projet de loi visant à appliquer l’article constitutionnel – qui existe bel et bien ! – est vidé de son contenu au Parlement par les relais politiques des multinationales du tabac. Qu’est-ce qu’un autre article constitutionnel, hyper-général, changerait à cette situation ?
– Toutes les initiatives visant à renforcer la protection de l’environnement, et donc la santé de la population, depuis celle « pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » en juin 2021, jusqu’à celle « pour la responsabilité environnementale » en février 2025 ont été combattues implacablement par un bloc de droite compact et par le Conseil fédéral. Et elles ont toutes échoué en votation populaire. L’article constitutionnel de l’ASSM les aurait-il sauvées?
Ces exemples, multipliables à l’envi, montrent qu’un article constitutionnel sur la santé, formulé en termes extrêmement généraux, ne suffira en aucun cas à initier, par lui-même, une nouvelle approche, plaçant les déterminants sociaux et environnementaux de la santé au cœur d’une politique publique. La baguette magique de « l’approche holistique » risque fort de se transformer en accessoire d’illusionniste. On notera par ailleurs que l’ASSM a été d’une extrême discrétion, pour ne pas dire plus, sur tous ces enjeux, qui étaient et sont pourtant autant de possibilités concrètes de mettre pratiquement en œuvre une approche « holistique » de la santé. A se demander si elle prend le concept d’une « seule santé » au sérieux.
Fermer deux hôpitaux sur trois ?
La dernière dimension de la proposition de l’ASSM vise à « renforc[er] surtout les compétences de la Confédération » en matière de politique de la santé. L’Académie devient alors très concrète et elle cible la politique hospitalière.
Dans sa « feuille de route » de 2019, l’ASSM salue à ce sujet les « propositions intéressantes » d’Avenir suisse, l’officine patronale ultralibérale: « L’introduction du système des forfaits par cas (DRG) [pour le financement hospitalier] ne semble pas avoir freiné la hausse des coûts, parce que les tarifs de base (« base rate ») ont été constamment adaptés, permettant ainsi une représentation du statu quo sans relation avec les coûts. Concernant cette mesure, Avenir Suisse a formulé des propositions intéressantes dans son rapport:
– Plus de transparence en matière de subventions: le processus d’attribution des prestations dites d’intérêt général doit être plus transparent et plus équitable, que ce soit par le biais d’appels d’offres ou par l’aval explicite du parlement cantonal.
– Implication active des patientes et des patients: ceux-ci – en tant que clients finaux – doivent avoir leur mot à dire.
– Suppression des listes hospitalières cantonales: des normes de qualité valables dans toute la Suisse doivent remplacer les listes hospitalières cantonales. » (p. 23)
Ces propositions « intéressantes » sont le cri de ralliement des cliniques privées, et de leurs soutiens bourgeois, qui veulent affaiblir structurellement les hôpitaux publics et accroître leurs parts de marché dans les activités hospitalières lucratives. Transférer le pilotage de la politique hospitalière des cantons à la Confédération est le plus court chemin pour faire advenir cette politique proposée par Avenir Suisse. On est ici très loin de l’objectif « la santé est un service public », revendiqué dans le mouvement syndical ou les partis de gauche.
Décrivant dans sa « Feuille de route » de 2019 les « structures » du « Système de santé du futur » l’ASSM décrète par ailleurs ceci : « Les hôpitaux régionaux publics et privés couvrent la « médecine stationnaire courante »; leur secteur englobe environ 300’000 patientes et patients. » (p. 26) Dans un pays de neuf millions d’habitants, cela correspond à 30 hôpitaux. En 2023, il y avait 275 hôpitaux en Suisse, dont 96 hôpitaux de soins généraux, 5 hôpitaux universitaires et 174 cliniques spécialisées (en psychiatrie, en réadaptation, en chirurgie, et autres). L’ASSM propose donc la suppression de deux tiers des hôpitaux de soins généraux (on ne sait ce qu’elle envisage pour les cliniques spécialisées).
Dans l’Agefi du 9 mai 2025, l’économiste de la santé Stefan Felder, producteur prolifique de rapports financés par les assurances maladie et les cliniques privées, regrettait qu’en Suisse « un hôpital puisse être maintenu par une simple initiative communale. La mauvaise utilisation de la démocratie directe empêche une centralisation intelligente. » « Une centralisation intelligente » : cela ressemble fort à l’objectif affiché par l’ASSM. Pense-t-elle aussi que, pour cela, il faut mettre un terme à la « mauvaise utilisation de la démocratie directe » ?
Ne pas se tromper de direction
Résumons. Premièrement, l’ASSM prône une approche globale de la santé, pertinente en soi. Mais elle le fait sous une forme strictement déclarative, abstraite et jamais incarnée dans les enjeux sociaux, économiques et environnementaux actuels. Un vœu pieux, au mieux ; une escroquerie narrative en fait. Deuxièmement, l’ASSM défend un projet, très concret, de transfert de la planification hospitalière au niveau de la Confédération, afin de contourner les résistances à une restructuration brutale du paysage hospitalier helvétique, devant se traduire par la fermeture de deux hôpitaux sur trois et par le renforcement de la position concurrentielle du secteur privé. Troisièmement, le but de tout cela est d’atteindre des objectifs financiers infondés et ignorant les besoins de la population comme du personnel de santé. Sans modifier le mode de financement de l’assurance maladie qui, avec les primes par tête, écrase financièrement une grande partie de la population.
On peut donc légitiment préférer une autre direction, en particulier dans une conjoncture politique où une majorité de salarié·e·s ont saisi le caractère antisocial du système actuel et sont favorables à une solution de « caisse maladie unique et solidaire ». Dès lors, il s’agit de viser les deux verrous du système actuel.
Premièrement, les primes par tête : ce sont elles qui écrasent financièrement une grande part de la population et qui justifient le carcan financier imposé aux dépenses de santé. Il faut passer à un financement proportionnel au revenu.
Deuxièmement, les caisses maladie privées : elles ont concentré entre leurs mains un pouvoir exorbitant avec lequel elles remodèlent le système de santé : accès aux soins à plusieurs vitesses avec lesdits modèles de soins intégrés, élargissement du marché des très lucratives assurances complémentaires, pressions constantes sur les coûts et donc les conditions de travail, ouverture d’espaces de plus en plus grands au marché et aux entreprises privées orientées par le profit. Elles jouent ainsi un rôle décisif dans le renforcement des dynamiques qui font que la santé est de moins en moins un service public. Il faut les remplacer pour un système de caisse publique unique, où tous les acteurs concernés – autorités publiques, associations professionnelles et du personnel, patients – sont également représentés dans leurs instances de direction. (23 juin 2025)
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