
Par Alain Bihr
La COP30 [1] s’est tenue à Belém, capitale de l’Etat brésilien du Pará, du 10 au 22 novembre. Elle avait la redoutable tâche de faire oublier les pitoyables résultats auxquels étaient parvenues les précédentes éditions de cette conférence annuelle.
Pour rappel : la COP21 qui s’était tenue à Paris en 2015 avait abouti à un accord prévoyant une réduction de l’émission des gaz à effet de serre (GES) capable de contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels [tout] en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels » [2]. Mais, depuis, en dépit d’engagements répétés de COP en COP, aucun effort sérieux n’a été accompli dans cette voie. Entre 1990 et 2023, la part des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) dans le mix énergétique mondial, dont la combustion est le principal responsable des émissions des GES facteurs du changement climatique, est restée pratiquement constante : elle continue à se payer la part du lion (elle n’a régressé que de 81,8 à 80,7 %) alors que la production d’énergie primaire mondiale s’est accrue de 74 % entre-temps, en passant de quelque 364 millions à 633 millions de terajoules [3]. De la sorte, il ne faut pas s’étonner que l’Organisation météorologique mondiale (OMM) ait dû constater qu’en 2024 la hausse de la température moyenne du globe s’est située entre 1,34 et 1,41°C par rapport aux niveaux préindustriels et que, dans ces conditions, il y a 70 % de chances que le seuil des 1,5°C soit franchi par la moyenne quinquennale entre 2015 et 2034 [4].
Présidée par le sultan Ahmed Al-Jaber, patron de la compagnie pétrolière émiratie Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), la COP28 (2023) a lancé une véritable OPA des industries productrices de combustibles fossiles destinée à reporter aux calendes grecques l’abandon définitif de l’extraction et de la consommation de ces combustibles, le tout au nom du droit au développement des États « en voie de développement » et en pratiquant un déni cynique des données scientifiques. Opération largement réussie : si la résolution finale a fait allusion aux énergies fossiles, c’est pour simplement demander aux parties de « s’éloigner des combustibles fossiles [transitioning away from fossile fuels] de manière à atteindre le zéro net en 2050 » sans cependant fixer aucun calendrier, aucune contrainte ni aucune sanction a fortiori en cas de non-respect des engagements, les États et les compagnies charbonnières, pétrolières et gazières (dont les projets de mise en exploitation de nouveaux sites dans les prochaines années se comptent par dizaines) restant les seuls maîtres en la matière [5]. L’essentiel est acquis : il n’est pas question de sortir des énergies fossiles car l’on sait que les transitions peuvent durer longtemps…voire éternellement.
Siégeant à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, la COP29 (2024) aura été la troisième à se tenir successivement dans un État producteur de pétrole, les représentants de grands groupes pétroliers (Exxon Mobil, Shell, Chevron, BP, TotalEnergie, etc.) et leurs lobbyistes faisant désormais partie des délégations officielles [6], de manière à pouvoir encore mieux verrouiller ou orienter les négociations et les décisions. Si bien qu’« au moment où António Guterres, à Bakou, indiqu[ait] qu’il faut réduire de 30 % la production d’hydrocarbures d’ici à 2030, l’hôte de la COP29, l’Azerbaïdjan, selon le rapport de l’ONG Oil Change International, [avait] pour objectif d’augmenter sa production d’hydrocarbures de 14 % d’ici à 2035. Et le futur hôte de la COP30, le Brésil [désormais huitième producteur mondial de pétrole], tabl[ait] sur une croissance de 36 % » [7].
Et le bilan de ces COP n’aura été guère plus fameux ou moins douteux sur d’autres points en discussion dans le cadre de la CCNUCC (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, traité datant de 1992). Ainsi les États du Nord global ont-ils persisté à se montrer peu disposés à prendre en charge les dommages et les pertes infligés par le changement climatique aux États du Sud global. Le Fonds vert créé en 2009 lors de la COP19 (Copenhague) était destiné à permettre à ces derniers de financer leur lutte contre le réchauffement climatique, tout en faisant payer aux premiers leur responsabilité historique dans la production de celui-ci. La COP21 (Paris) avait décidé de porter l’abondement à ce fonds à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Or, il n’a atteint à cette date qu’à peine les quatre cinquièmes de cette somme. Et réellement beaucoup moins, à peine le cinquième. Car les pays du Nord global ont souvent « confondu » leur contribution à ce Fonds avec leur aide publique au développement, alors qu’il était prévu que la première vienne en sus de la seconde. Ou encore, ils ont avancé les fonds dus non pas sous forme de dons mais de prêts !
Et l’accord sur lequel s’est conclue la CP29 a constitué un véritable camouflet pour le Sud global, notamment les « pays les moins avancés » qui sont les plus menacés par les effets du changement climatique. Alors qu’un groupe d’experts international avait estimé nécessaire de porter les transferts annuels destinés à leur permettre d’entamer leur « transition énergétique » à la hauteur de 1 000 à 1 300 milliards de dollars d’ici à 2035, les pays du Nord ne se sont engagés que sur le montant de 300 milliards de dollars, sans d’ailleurs préciser s’il s’agirait de dons ou de prêts [8].
Nouvelle COP, nouveau fiasco !
Héritière d’un tel du bilan désastreux, la COP30 a de surcroît été placée sous de mauvais auspices. Le 20 octobre, à trois semaines de son ouverture, l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama) a approuvé… un projet d’exploration pétrolière au large de l’Amazonie. Or sa réalisation menacerait directement cette dernière en cas de marée noire provoquée par un accident survenant sur les forages pétroliers ; et, plus largement, elle contribuerait à son dépérissement par le changement climatique qu’elle accélérerait [9] ! Ce qui n’a pas empêché le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, puissance invitante de la COP, de déclarer en ouverture de celle-ci, qu’elle serait « la COP de la vérité » et qu’« accélérer la transition énergétique et protéger la nature sont les deux moyens les plus efficaces de lutter contre le réchauffement climatique », en proposant même que soit élaborée « une feuille de route pour, de manière juste et planifiée, inverser la déforestation, surmonter la dépendance aux combustibles fossiles et mobiliser les ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs » [10]. On ne peut imaginer meilleur exemple du double langage, digne d’Orwell, que tiennent tous les pays producteurs d’hydrocarbures dont le Brésil fait partie. Double langage doublé de schizophrénie : on concède d’un côté qu’il faut de toute urgence diminuer autant que possible les émissions de GES tandis que, de l’autre, on étend le champ des extractions pétrolières qui alimentent la principale source de ces émissions.
De plus, selon l’Accord de Paris, tous les cinq ans, les Etats signataires doivent présenter des engagements de réduction de leurs émissions de GES (appelés « contributions déterminées au niveau national » ou CDN) impliquant en principe une diminution de ces dernières par rapport à celles autorisées au cours du quinquennat précédent. Ce devait donc être le cas à Belém. Or, à l’ouverture de la COP, seuls 98 des 194 Etats parties prenantes, représentant 72,7 % des émissions mondiales, avaient remis leurs CDN. Plusieurs « poids lourds » (dont l’Inde et les Etats-Unis, ces derniers s’étant à nouveau retirés de la CCNUCC après la réélection de Donald Trump) faisaient défaut. Seules les CDN de la Norvège et du Royaume-Uni étaient conformes aux exigences de l’Accord de Paris. Le tout, largement insuffisant, devait conduire droit à une élévation de la température moyenne du globe comprise entre 2,3 et 2,5°C d’ici à la fin du siècle selon une étude de l’ONU [11].
Si les participants à la COP30 sont rapidement tombés d’accord sur son ordre du jour, c’est parce que celui-ci a délibérément écarté les sujets principaux, ceux qui fâchent : la demande d’intensification de la réduction des émissions de GES et celle d’une transparence accrue des efforts consentis en la matière (soutenues par l’Union européenne), la demande de suppression des barrières douanières liées au climat (du type de la taxe carbone instituée par l’Union européenne) soutenue par la Chine et l’Inde et la demande d’une augmentation des transferts financiers du Nord global vers le Sud global, tous sujets renvoyés à des discussions non plénières menées en coulisse, dans l’espoir qu’elles aboutissent avant la fin de la tenue de la COP [12]. Espoir en définitive largement déçu.
En effet, la déclaration finale, adoptée sans l’approbation de l’Union européenne, de la Suisse, de la Colombie et du Panama, ne comprend aucune feuille de route planifiant la sortie des énergies fossiles ni même aucun engagement d’ouvrir ultérieurement des négociations à ce sujet. Elle se contente de renvoyer à l’accord conclu deux ans plus tôt à Dubaï, demandant aux parties prenantes de s’engager dans une transition en vue de la sortie des énergies fossiles – autrement dit de se hâter lentement, sans prendre aucun engagement ni quant au rythme ni quant au terme du processus. Et la déclaration finale fait de même complètement silence sur la planification de la fin de la déforestation, qui joue un rôle tout aussi important dans le processus de changement climatique. Autrement dit, elle est muette sur les deux principaux moteurs de ce dernier. En d’autres termes, elle ne dit rien sur ce qui devrait pourtant constituer son centre de préoccupations principal voire exclusif. Les lobbyistes des compagnies pétrolières et gazières et les principaux pays producteurs d’hydrocarbures présents (soit la Russie, l’Arabie saoudite, le Canada, l’Irak, la Chine, l’Iran et les Emirats arabes unis) ont une fois de plus bien œuvré. Tandis que la Chine aura obtenu l’ouverture d’un « dialogue » sur le commerce mondial qui prélude au démantèlement des taxes carbone frappant les importations notamment au sein de l’Union européenne.
Au titre des seules maigres avancées du texte, on peut compter, d’une part, le triplement des fonds consacrés à l’adaptation au changement climatique, pour faire face aux canicules et aux inondations, qui devrait passer de 40 à 120 milliards de dollars d’ici 2035 ; bien que les besoins actuels soient déjà évalués à quelque 310 à 365 milliards de dollars et que seuls 26 milliards aient été versés en 2023 [13]. Et on en reste toujours aux seuls 300 milliards par an promis à Bakou d’ici à 2035 pour permettre au Sud global d’entamer sa « transition énergétique », du fait notamment d’un blocage de l’Union européenne sur la question. S’y ajoute, d’autre part, l’instauration à l’initiative du Brésil d’un Tropical Forest Forever Facility (TFFF : Fonds pour des forêts tropicales éternelles), un fonds d’investissement destiné à rémunérer les pays préservant leurs écosystèmes forestiers, qu’il s’agira encore d’abonder à hauteur de 125 milliards de dollars en faisant appel à des contributions publiques, privées et philanthropiques [14]. Dans les deux cas, il s’agit de nouvelles promesses dont seul demain nous dira si et dans quelle mesure elles auront été tenues.
Au terme de ce nouveau fiasco diplomatique, on peut se demander à quoi servent en définitive les COP. Réponse : à permettre aux (ir)reponsables qui nous gouvernent de « s’agiter » et de « discourir » devant les médias du monde entier pour faire semblant d’avancer… tout en restant sur place, voire en régressant. C’est ce qu’avait déjà constaté Greta Thunberg à la veille de la COP26 (Glasgow) : « Blabla. C’est tout ce que nous entendons de la part de nos soi-disant dirigeants. Des mots qui semblent géniaux mais qui n’ont mené à aucune action jusqu’à présent » [15]. C’est à une conclusion similaire qu’est parvenu le Réseau Action Climat-International, qui rassemble plus de 2000 organisations de la société civile, au terme de la COP30 : « Les gouvernements n’ont pas présenté de plan de réponse mondial concret pour combler le déficit d’ambition et se sont seulement engagés à mettre en place des processus supplémentaires pour y remédier »[16]. Donc aucune solution concrète mais la multiplication de procédures promettant de parvenir à des solutions. Autant dire : « Pour l’instant, on ne bouge pas mais on vous promet de mettre en place des mécanismes qui nous permettront sans doute de bouger demain »…
Or les conséquences de cette inaction et procrastination seront dramatiques et se font sentir d’ores et déjà. Les émissions de GES vont continuer à augmenter et la teneur de l’atmosphère en dioxyde de carbone va s’accroître : en 2024, elle a déjà atteint le niveau de 424 ppm (particules par million) alors qu’il aurait fallu les maintenir au niveau de 350 ppm (son niveau en 1990) pour être assuré que la température moyenne du globe ne s’élève pas de plus de 1,5°C par rapport à celle de l’ère préindustrielle (la « révolution industrielle » marquant le parachèvement des rapports capitalistes de production). La température moyenne du globe va continuer à augmenter : les dix années depuis 2015 ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées depuis 1850. Avec toute une série de conséquences plus désastreuses les unes que les autres : réchauffement des océans et dégradation des forêts (donc affaiblissement des deux principaux puits naturels de carbone) ; augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements atmosphériques extrêmes ; feux de forêts immaîtrisables augmentant encore les rejets de dioxyde de carbone ; accroissement du nombre des décès prématurés dus à la chaleur et à l’humidité de l’air mais aussi à la pollution atmosphérique par les particules dont sont chargés les GES [17] ; diminution des rendements agricoles synonymes d’augmentation de la précarité alimentaire des populations déjà les plus victimes de la malnutrition et de la disette, donc augmentation de la famine dans le monde ; etc. [18].
Belém, une préfiguration de l’immonde de demain… et des luttes contre son avènement
Au demeurant, si les participants à la COP30 avaient voulu se convaincre de la nécessité de changer de cap immédiatement, il leur aurait subi de mettre le nez dehors. C’est que le changement climatique et ses effets sont déjà très nettement sensibles à Belém même. Ses maxima de température se sont accrus de 1,9°C au cours des cinquante dernières années. Une étude conjointe de l’ONG The Carbon Plan et du Washington Post prévoit qu’en 2050 Belém risque de connaître 222 jours de chaleur extrême par an – de quoi la rendre largement inhabitable. D’ores et déjà, le changement climatique s’y traduit aussi par des épisodes de précipitations extrêmes plus fréquents et plus intenses : 40 % des épisodes de pluie intense dans la région de Belem enregistrés entre 1980 et 2020 ont eu lieu depuis 2011. Ils affectent notamment les habitats précaires des bidonvilles qui constituent la périphérie de l’agglomération, où s’entasse une population paupérisée laissée à l’abandon par les pouvoirs publics locaux. Et, bien qu’elle se soit tenue loin de ces quartiers déshérités en plein cœur de l’agglomération, la COP30 n’aura pas échappé à cette dégradation environnementale : dans le Parque da Cidade, spécialement construit à son effet, la température s’élève jusqu’à 40°, si bien que personne ne pouvait s’y tenir une journée entière. Pourtant, dans une région riche de 16 000 espèces différentes d’arbre, les organisateurs locaux de la COP n’ont rien trouvé de mieux pour tenter de rafraîchir le lieu en le végétalisant que d’y installer… des arbres métalliques couverts de plantes [19! Un parfait exemple de cette civilisation minéralisée dont ils sont parties prenantes, qui ne fait qu’accroître encore les effets désastreux du changement climatique dont ils sont responsables.
Bien que grosse de 1 300 000 habitants, Belém est entourée par la forêt amazonienne qui, comme toutes les autres forêts tropicales, joue un rôle fondamental dans l’établissement et le maintien des équilibres climatiques globaux et se trouve néanmoins directement menacée par le changement climatique. Sous l’effet de ce dernier et de la poursuite de la déforestation à l’initiative de l’agrobusiness et d’autres projets de mise en valeur capitaliste (activités minières, ouvertures de routes, de voies ferrées et de voies navigables, etc.), l’Amazonie risque en effet de se transformer de forêt tropicale en savane, privant ainsi la Terre d’un de ses principaux « poumons », capable d’absorber le dioxyde de carbone atmosphérique et d’émettre de l’oxygène. Une mutation catastrophique à terme pour la planète mais qui menace immédiatement les populations autochtones, regroupant quelque 34 millions de personnes, vivant souvent de manière ancestrale en Amazonie des ressources renouvelables de cette dernière selon des modes de production respectueux du milieu et par conséquent durables.

C’est ce dont a voulu témoigner le 11 novembre la Marche pour la santé et le climat, organisée par des membres de ces populations autochtones. Elle s’est achevée devant le site de la COP, où ses participants se sont heurtés aux forces d’insécurité chargées de « protéger » cette dernière contre de pareils « intrus » ayant cependant tout lieu de se considérer comme directement concernés par ses enjeux. Cependant, une partie est parvenue finalement à forcer ce barrage pour s’exprimer dans l’enceinte même de la COP [20]. Ainsi, alors que les lobbyistes des principales compagnies pétrolières et gazières, intégrés aux délégations officielles (ils étaient encore plus nombreux qu’à Bakou, la seule délégation française en comptait vingt-deux, dont le PGG de TotalEnergie lui-même !) ont eu leur place assurée au sein de la COP et ont pu participer pleinement aux débats de manière à les bloquer ou à les faire dévier dans le sens de leurs intérêts, les représentants des peuples autochtones, qui comptent parmi les principales victimes directes des activités des précédents, ont dû affronter la répression policière pour ne s’y exprimer qu’un court moment. Et cela en dépit de l’engagement pris par Lula lors de l’ouverture de cette COP : « Nous serons inspirés par les peuples autochtones et les communautés traditionnelles, pour qui la durabilité a toujours été synonyme de vie »[21].
Le seul signe d’espoir est d’ailleurs venu des mobilisations populaires à l’extérieur de la COP et contre celle-ci. Car, contrairement aux trois COP précédentes au cours desquelles les autorités égyptiennes, émiraties et azerbaïdjanaises avaient interdit toute protestation publique, à Belém les manifestations se sont succédé jour après jour. Celle du 15 novembre, particulièrement importante, grosse de 50 000 à 70 000 personnes, a réuni autour de représentants de peuples autochtones de l’Etat de Para, exigeant la protection de leurs terres, des militants venus du monde entier : des paysans du Manipur, un Etat du Nord-Est de l’Inde, en proie à des projets d’exploitation pétrolière et d’huile de palme, mais aussi des Australiens venus protester contre l’inaction climatique de leur gouvernement, pourtant censé coparticiper à l’organisation de la prochaine COP qui se tiendra à Antalya en Turquie. Et le cortège a porté en terre les trois cercueils du charbon, du pétrole et du gaz naturel [22]. S’il faudra bien plus que des actes symboliques de ce genre pour en venir à bout, du moins cette manifestation aura-t-elle indiqué la seule voie pour y parvenir : celui de la plus large mobilisation possible des peuples sur le plan international pour mettre fin à l’activité des industries promotrices des énergies fossiles et, plus largement, de tout l’écocide capitaliste.
Cette manifestation a été en fait un des hauts moments d’un Sommet des peuples qui s’est tenu une semaine durant en marge de la COP. Il aura réuni quelque 70 000 participants, très divers : en plus des délégations de peuples autochtones amazoniens, des délégué-es du Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra (MST) brésilien à côté de ceux et celles de la Fédération de tous les paysans du Népal (ANPFa), des petits agriculteurs africains et des pêcheurs asiatiques pratiquant une pêche artisanale, des membres de mouvements se battant pour la justice environnementale ou la souveraineté alimentaire, etc. Un rassemblement à forte proportion de femmes et de jeunes; les premières parce qu’elles portent le plus souvent le fardeau de la gestion de l’eau, de la terre et de l’alimentation; les seconds parce qu’ils sont les principaux concernés par la détérioration de l’œcumène qui se profile dans les décennies à venir. Se sont ainsi succédé, en sus des manifestations de rues, prises de paroles et débats, mais aussi cérémonies culturelles autochtones, marchés paysans, espaces d’agro-écologie, moments conviviaux autour de cuisines populaires, etc. Finalement, « le Sommet a produit des résultats concrets et de grande portée : un appel renouvelé à la reconnaissance de la dette climatique et aux réparations ; un front uni des peuples contre les marchés du carbone et la géo-ingénierie ; le renforcement des alliances entre mouvements paysans, peuples autochtones, jeunes, féministes et syndicaux ; des propositions claires pour des systèmes alimentaires publics, la démocratie énergétique, la réforme agraire et les droits territoriaux ; ainsi que des plans coordonnés pour des mobilisations dans le Sud global » [23]. Gageons que ce Sommet sera en mesure d’inaugurer un nouveau cycle de résistance mondiale contre les effets désastreux du changement climatique, une résistance destinée à fédérer tous ceux et celles qui défendent la vie contre la dictature mortifère du capital. (2 décembre 2025)

Alain Bihr
auteur de L’écocide capitaliste,
Editions Page 2 & Syllepse
à paraître en février 2026
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[1] COP, acronyme de l’anglais Conference of Parties, désigne en l’occurrence la conférence annuelle, qui se tient généralement courant novembre, réunissant l’ensemble des parties signataires de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) adoptée lors du Sommet de la Terre de Rio en juin 1992. La COP30 est la trentième conférence de ce type organisée depuis 1995.
[2] ONU, Accord de Paris, https://unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf, 2015, page 3.
[3] Agence internationale de l’énergie (AIE), https://www.iea.org/data-and-statistics/data-tools/energy-statistics-data-browser?country=WORLD&fuel=Energy%20supply&indicator=TESbySource consulté le 28 novembre 2024.
[5] Daniel Tanuro, « Ahmed al-Jaber inscrit son nom dans l’histoire de l’enfumage capitaliste », https://alencontre.org, 15 décembre 2023.
[6] Emmanuel Clevenot, « La COP29 parasitée par plus de 1 770 lobbyistes fossiles », https://reporterre.net, 15 novembre 2024.
[7] A l’Encontre, « COP 29 : un don de la Trinité », https://alencontre.org, 13 novembre 2024.
[8] Emmanuel Clevenot, « Fin de COP29 : les pays riches imposent un accord “néocolonialiste” », https://reporterre.net, 24 novembre 2024 ; Jeanne Cassard, « L’accord pour le climat attribue “une somme ridicule” aux pays du Sud », https://reporterre.net, 25 novembre 2024.
[9] Raphaël Bernard, « Avant la COP, le Brésil autorise de nouvelles explorations pétrolières », https://reporterre.net, 21 octobre 2025.
[10] Paula Gosselin, « “La COP de la vérité” : au Brésil, Lula lance les négociations climat », https://reporterre.net, 7 novembre 2025.
[11] Paula Gosselin, « La COP démarre ; tout comprendre en 5 points », https://reporterre.net, 10 novembre 2025.
[12] Paula Gosselin, « A mi-chemin de la COP30, le grand réveil tarde à se manifester », https://reporterre.net, 15 novembre 2025.
[13] Audrey Garic, « “Nous pesons moins de 1 % des émissions et pourtant nous souffrons le plus” : à la COP30, les pays du Sud veulent plus d’argent pour s’adapter au réchauffement », Le Monde, 21 novembre 2025.
[14] Emmanuel Clevenot et Paula Gosselin, « Coup de force à la COP30 : énergies fossiles et déforestation exclues d’un accord décavant », https://reporterre.net, 22 novembre 2025.
[15] Cité par Ian Angus, « Emission reductions: Promises, promises, promises », https://climateandcapitalism.com, 8 novembre 2025.
[16] Cité par Audrey Garic et Perrine Mouterde, « Avec un accord sans ambition, la COP30 sauve le multilatéralisme mais néglige l’urgence climatique », Le Monde, 22 novembre 2025.
[17] Cf. « Climate change costs millions of lives each year », climateandcapitalism.com, 3 novembre 2025.
[18] Pour des données détaillées sur tous ces phénomènes, cf. Michael Roberts, « COP 30: it’s no joke », https://thenextrecession.wordpress.com/2025/11/23/cop-30-its-no-joke.
[19] Raphaël Bernard, « Le chaos climatique sévit déjà à Belém, ville hôte de la COP30 », https://reporterre.net, 10 novembre 2025.
[20] Raphaël Bernard, « Des militants autochtones forcent l’entrée de la COP30 : “On a le droit d’être entendus” », https://reporterre.net, 13 novembre 2025.
[21] Paula Gosselin et Raphaël Bernard, « En dépit des promesses, la COP30 prise d’assaut par les lobbies du pétrole », https://reporterre.net, 14 novembre 2025.
[22] Raphaël Bernard, « “Quel désastre !” : les peuples autochtones vent debout contre le COP30 des lobbies », https://reporterre.net, 17 novembre 2025.
[23] Pramesh Pokharel, « COP 30 : Plus de 70 000 personnes participent au Sommet des Peuples à Belém et rejettent 30 ans de greenwashing ! », https://viacampesina.org/fr/cop30-plus-de-70-000-personnes-participent-au-sommet-des-peuples-a-belem-et-rejettent-30-ans-de-greenwashing/#:~:text=climatique%20et%20environnementale-,COP%2030%20%3A%20Plus%20de%2070%20000%20personnes%20participent%20au%20Sommet,rejettent%2030%20ans%20de%20greenwashing%20!&text=Ce%20mois%20de%20novembre%2C%20les,battant%20de%20la%20r%C3%A9sistance%20mondiale, 19 novembre 2025.

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