Par Sheila McGregor
Ils luttèrent pendant une année alors que la police occupait leurs villages, bloquait les routes et les tunnels afin de les empêcher de faire des piquets et encerclait les puits de mine en fonction pour que les grévistes mineurs ne puissent pas s’en approcher. Les mineurs et leurs épouses firent face à de la violence gratuite allant de la destruction de véhicules utilisés pour les piquets à des attaques par la police montée avec ses matraques et des policiers avec leurs chiens. Les mineurs connurent des arrestations individuelles et des arrestations collectives. Les tribunaux furent utilisés pour accompagner les libérations sous caution de restrictions telles que l’interdiction de retourner faire des piquets devant les puits et aussi pour bloquer les fonds du NUM [National Union of Miners, le syndicat des mineurs] de manière à limiter le fonctionnement du syndicat.
C’était une lutte à mort tandis que la première ministre Margaret Thatcher menait une guerre contre les mineurs et leurs familles dans une tentative de détruire leur syndicat. L’objectif visé était l’intimidation de l’ensemble du mouvement syndical en infligeant une défaite spectaculaire au NUM [ce qui a impliqué une mobilisation centralisée des forces politiques et économiques de la classe dominante].
Les mineurs avaient défait la classe dominante à deux reprises. La première, en 1972 [gouvernement d’Edward Heath depuis 1970], lorsque leur grève mit en question la politique salariale de l’époque puis, à nouveau, en 1974 lorsque le premier ministre conservateur Edward Heath décida d’appeler à des élections afin de tester le leadership du pays. Il perdit [face à Harold Wilson du Parti travailliste qui avait déjà été premier ministre de 1964 à 1970]. Les tories [les membres du Parti conservateur] n’oublièrent jamais et ne pardonnèrent jamais. Ils voulaient donc battre les mineurs dans un affrontement ouvert, ils se préparèrent dès lors à faire face à une grève. Nigel Lawson, le chancelier de l’Echiquier [ministre des Finances et du Trésor] de Thatcher, rappelle les préparatifs ainsi: c’était «comme le réarmement face à la menace de Hitler à la fin des années 1930».
L’un des ministres de Thatcher, le baron Nicholas Ridley, ministre des Transports, fut l’architecte d’une stratégie fondée sur des principes simples. Attaquer à chaque fois un groupe de travailleurs, séparément, pour éviter la solidarité entre travailleurs. Introduire des lois antisyndicales afin de soumettre les décisions syndicales à un système de consultation pour en ralentir l’action [obliger les syndicats à organiser des consultations des mineurs, devant obtenir la majorité, avant d’entreprendre une action], arrêter les secondary actions [grèves ou action de solidarité dans d’autres secteurs que celui qui est directement en lutte] et autoriser la mise à l’amende des syndicats ainsi que le blocage de leurs fonds. Et modifier la législation sociale pour priver les grévistes et leurs familles d’un soutien de la sécurité sociale.
Lorsqu’elles arrivèrent à la phase finale des préparatifs pour affronter les mineurs, les autorités constituèrent des stocks de charbon, diversifièrent l’approvisionnement en énergie, organisèrent des équipes de camionneurs pour déplacer le charbon et instaurer un National Reporting Centre [centre de coordination de l’information] au New Scotland Yard [quartier général de la police] pour coordonner l’intervention policière. La police reçut un contingent supplémentaire de 11’000 agents entraînés à la maîtrise des émeutes.
Ian MacGregor, l’un de ceux derrière le licenciement du convenor [une fonction syndicale qui consiste à appeler aux réunions] Derek Robinson [1] en 1979 de Longbridge, une fabrique de voitures à Birmingham, et alors boucher de la sidérurgie en 1981, fut nommé président du National Coal Board (NCB) en septembre 1983. Le lendemain de sa réélection, en 1983, Thatcher nomma Peter Walker, un vétéran des journées de 1972, ministre de l’Energie avec ces paroles: «Nous allons avoir une grève de mineurs.»
Ainsi, lorsque la bataille débuta finalement à la suite de l’annonce choc de la fermeture de la mine de Cortonwood le 1er mars 1984 [South Yorkshire], les tories s’embarquaient dans une sorte de guerre civile. Un comité spécial du Conseil des ministres se réunissait deux fois par semaine pour assurer une coordination centralisée.
Une année plus tard les tories avaient gagné. Beaucoup affirment qu’il était impossible que les mineurs puissent gagner contre la puissance de l’Etat. Beaucoup disaient la même chose en 1985. Ils avaient alors tort et ils ont encore tort aujourd’hui. Le Socialist Workers Party (SWP) affirmait que nous pouvions et que nous aurions pu gagner.
Les mineurs et leurs épouses organisèrent et ripostèrent avec un courage physique, mental et émotionnel immense ainsi qu’une ténacité extraordinaire. Des dizaines de milliers de socialistes et de syndicalistes se rallièrent à leur cause en organisant des actions de solidarité, des collectes d’argent, des manifestations et des rassemblements. La société britannique se divisa de manière croissante entre ceux qui soutenaient la grève et ceux qui s’y opposaient. Malgré la propagande de la BBC et d’autres réseaux de télévision ainsi qu’une presse quotidienne qui reprenait le mantra de Thatcher selon lequel les mineurs étaient «des ennemis intérieurs», le soutien à la grève ne baissa jamais en dessous d’un tiers parmi la société britannique.
Batailles
Alors que l’année avançait, la grève des mineurs devint une cause célèbre à l’échelle internationale. En effet, les socialistes et les syndicalistes de divers pays comprenaient la signification de la bataille qui se menait dans les régions minières. L’idée selon laquelle nous n’aurions pas pu gagner est ridicule. Mais nous avons souffert des conséquences de la défaite depuis lors. Nous devons donc décortiquer clairement ce qui n’a pas fonctionné et réfléchir à comment nous aurions pu gagner – afin de pouvoir envisager de gagner à l’avenir.
Nous ne sommes pas seuls lorsque nous disons que les mineurs auraient pu gagner. Les documents du Conseil des ministres publiés au début 2014 soulignent la crainte du gouvernement d’être sur le point de perdre en juillet et août 1984. D’une manière révélatrice, peu avant la fin de la grève, Ned Smith, le directeur des «industrial relations» du NCB pour la plus grande partie de l’année, expliquait aux informations de Channel 4, en date du 4 février 1985, que le tournant pour les tories n’avait pas été d’avoir réussi à briser la grève de la majorité des mineurs dans le Nottinghamshire, mais l’incapacité du TUC [Trade-union Congress, l’organisation syndicale faîtière en Grande-Bretagne] d’arrêter le mouvement jaune [scab, briseur de grève] dans le charbon et le pétrole.
Ainsi que deux membres du SWP Alex Callinicos et Mike Simons l’écrivaient à l’époque: «La trahison des mineurs par les dirigeants syndicaux a garanti la défaite de la grève […]. La défaite de la grève était plus qu’une tragédie. C’était un crime.
Comment sommes-nous donc passés de la situation de 1972 lorsque le charbon extrait ne pouvait être transporté pas à celle de 1984-85 lorsqu’il put être déplacé? Pourquoi la solidarité de la base au sein du mouvement de la classe laborieuse qui mena à la victoire en 1972 ne se produisit pas à une échelle suffisamment grande en 1984-85? Comment le NUM, dirigé par un président droitier, Joe Gormley, gagna en 1972 et perdit sous la présidence d’Arthur Scargill, un syndicaliste militant courageux [mineur et militant du Parti communiste, dirigeant de 1981 à 2000]?
La question clé pour la grève, tout au long de ses hauts et des bas, résidait dans le rôle de l’appareil bureaucratique syndical, y compris au sein du NUM, et dans la dépendance de la base vis-à-vis de cet appareil, cela comparativement à 1972 et 1974.
En 1972, la grève des mineurs était conduite à partir d’en bas et non par les fonctionnaires syndicaux. La grève était caractérisée par: des piquets tournants; des piquets ciblés et coordonnés ainsi qu’une solidarité de la base de la part d’autres syndicalistes. Le tournant se produisit au dépôt de coke de Saltley Gate dans les West Midlands, avec la tentative d’arrêter le transport du coke [issu d’une «cuisson» de la houille].
Lorsque les mineurs ne purent pas d’eux-mêmes briser les cordons policiers et fermer le dépôt, Scargill alla voir le comité d’East Birmingham du syndicat AUEW [Amalgamated Engineering and Electrical Union] et leur dit: «Je ne veux pas de vos billets de banque [solidarité strictement financière]. Voulez-vous entrer dans l’histoire comme la classe laborieuse de Birmingham qui reste spectatrice alors que les mineurs se font battre ou voulez-vous devenir immortels? Je ne vous le demande pas; j’exige que vous partiez en grève.»
Deux jours plus tard, 100’000 travailleurs se mirent en grève en soutien aux mineurs et 20’000 marchèrent vers le dépôt de Saltley Gate. Il ferma.
La grève fut une victoire parce que des mineurs du rang contactèrent les travailleurs d’autres syndicats pour obtenir du soutien. Ils furent capables d’expliquer comment leur victoire briserait la politique salariale et ouvrirait des possibilités pour d’autres groupes de travailleurs. Ils pouvaient aussi s’appuyer sur le principe fortement ancré du respect des piquets de grève [empêcher les jaunes de les passer]. Les travailleurs auxquels ils firent appel disposaient de l’assurance nécessaire pour agir sans le concours d’un fonctionnaire syndical. Les shop stewards [délégués d’atelier] élus avaient la confiance de leurs membres et la confiance d’agir en n’obéissant pas aux appareils syndicaux.
En 1984, la confiance parmi des couches entières des travailleurs de la base et des shop stewards au sein du mouvement syndical s’était fortement érodée, y compris au sein du NUM. Le processus était complexe, mais en résumé il résidait dans l’érosion du lien étroit entre les shop stewards et les membres de la base suite à des changements dans le système des échelles de salaires et dams l’introduction de postes de convenors syndicaux employés à plein temps. A cela s’ajoutait la peur du chômage découlant de la récession sévère de 1981 [en janvier 1982, on comptait 3 millions de chômeurs, le taux le plus élevé depuis fort longtemps].
En outre, le Contrat social introduit sous le gouvernement du Labour en 1974-79 conduisit à l’isolement de groupes de travailleurs partant en grève et le développement d’un mouvement de jaunes massif dans certaines industries, telle l’automobile [secteur qui connut une restructuration systématique et, dès le début de 1980, Honda commença à s’implanter dans le Royaume-Uni]. Une stratégie consistant à attendre l’élection de fonctionnaires de gauche dans les syndicats, soutenue par la direction du Parti communiste et la gauche du Labour, conduisit à l’atrophie d’organes tels que le Barnsley Forum [dans le comté métropolitain du Yorkshire du Sud], qui avait animé les piquets tournants en 1972.
La défaite des travailleurs de la sidérurgie en 1980, du syndicat des imprimeurs en 1983 [2] et l’interdiction de l’organisation syndicale au centre d’espionnage GCHQ en 1983 [3] nourrirent la peur et la démoralisation.
Lorsque la grève de 1984 débuta, beaucoup de travail devait être fait pour que la base gagne. Des sections locales de mineurs et des syndicalistes sympathisants montrèrent qu’ils savaient quoi faire et qu’ils étaient désireux de le faire. Mais cette fois ils ne disposaient pas d’une organisation propre suffisante pour assurer une mobilisation adéquate et devenaient par conséquent dépendants de la bureaucratie syndicale pour le soutien.
Encore et toujours la base s’affirma pour donner une orientation, mais elle fut bridée, quelquefois contrecarrée, mais le plus souvent livrée à elle-même. Des éléments décisifs pour le cours de la grève indiquent la différence que cela peut faire sur le résultat.
Nottinghamshire
La grève débuta et se répandit à partir de Cortonwood à travers le pays par des mineurs du rang qui prirent l’initiative de se répandre dans les bassins miniers. Chaque puits tiendrait un meeting de masse et déciderait ou non de rejoindre la grève. S’il décidait sa participation, des piquets se déplaceraient vers le prochain puits. Cela conjuguait la rapidité avec des discussions démocratiques, collectives, à l’entrée des puits ainsi que la prise de décision lors des assemblées de masse.
Alors que la grève s’étendait, l’appel à un vote national fut émis par des fonctionnaires syndicaux au sein du NUM, en particulier au Nottinghamshire, et amplifié par les médias.
Les arguments contre étaient simples: personne n’a le droit de décider à la place d’un autre d’arrêter le travail. A l’opposé, le NCB et les patrons n’organisent pas une assemblée et un vote pour décider de la fermeture des puits et des licenciements qui s’ensuivent. Or, les assemblées qui permettent le débat et le vote à main levée sont une forme de démocratie bien supérieure au vote d’individus votant de manière «isolée» avec un bulletin.
Les tories virent la possibilité de diviser le syndicat et envoyèrent la police occuper les zones minières et bloquer l’accès aux piquets. Malheureusement, les mineurs du Nottinghamshire furent autorisés à se rendre dans un local régional de vote. Les piquets du reste du pays furent retirés. Tout n’était pas été perdu. Quelque 20% des mineurs du Nottinghamshire sortirent et restèrent en grève malgré la propagande de leurs propres fonctionnaires syndicaux, des médias et le harcèlement policier.
Si des grévistes d’autres régions du pays avaient été encouragés à se rendre encore dans les villages miniers pour s’entretenir avec les mineurs et à leurs familles à propos des plans des tories de fermeture des puits et de privatisations; s’ils avaient été envoyés à des assemblées devant chaque puits, munis de tracts expliquant clairement que seule une grève nationale pouvait sauver les puits, une véritable chance que tous les puits du Nottingham seraient partis en grève aurait existé.
L’accord réalisé par l’appareil syndical régional stoppa cela. Scargill exprima son accord et la base qui menait les piquets ne disposait pas du degré d’organisation et de l’indépendance politique lui permettant de défier les ordres. S’appuyer sur ce type de vote fut un désastre, amenant le Nottinghamshire à continuer de travailler.
Dès qu’il fut clair que la grève nationale était enclenchée, même en l’absence des bassins houillers du Nottinghamshire, l’attention se tourna sur la manière de rendre la grève efficace en frappant durement l’économie. La grève avait débuté au printemps, pas en hiver, arrêter les transports de charbon était donc crucial [l’industrie était très dépendante du charbon]. Si la sidérurgie avait pu être arrêtée, cela aurait eu un impact direct sur l’industrie automobile et d’autres industries dépendantes de l’acier. Ici se posaient plusieurs questions interconnectées.
Les travailleurs de la sidérurgie étaient démoralisés à la suite de leur propre défaite en 1980. Leur syndicat, l’ISTC [Iron and Steel Trades Confederation], une structure conservatrice pour l’essentiel, était convaincu que la clé pour sauver la sidérurgie consistait à collaborer avec le patronat. Lorsque British Steel affirma que suffisamment de charbon devait être acheminé afin d’éviter des dommages irréparables aux hauts-fourneaux, l’ISTC fit appel à des cadres syndicaux permanents (du NUM) de la région afin d’assurer la livraison. L’appareil du NUM ne put établir un lien entre une victoire des mineurs et le sauvetage de la sidérurgie. Dès lors, il négocia afin de permettre l’acheminement de charbon.
Heureusement, la dynamique parmi les grévistes actifs conduisit à arrêter l’acheminement de charbon, ciblant le dépôt de coke d’Orgreave (Yorkshire du Sud), cela en raison de son lien avec les hauts-fourneaux de Scunthorpe (dans le Lincolnshire du Nord). Scargill comprit que fermer Orgreave pouvait être un tournant, comme l’avait été Saltley Gate en 1972. Il rendit public un appel à constituer des piquets là-bas.
Une chose importante aurait pu être faite: concentrer tous les piquets de mineurs du pays à Orgreave. Même si la constitution de piquets ne pouvait aboutir à la fermeture du dépôt, il aurait été possible de prendre contact avec le syndicat des ouvriers mécaniciens et d’autres syndicats dans les régions voisines de Sheffield et de Rotherham afin d’appeler à des actions de solidarité. Vers la fin de mai, il semblait que cela pouvait arriver. Malheureusement, les appareils syndicaux du sud du pays de Galles, d’Ecosse et du Yorkshire refusèrent de soutenir l’appel.
Scargill et les piquets qui étaient allés à Orgreave furent livrés à eux-mêmes. La police s’y trouvait en force avec des chevaux et de l’équipement pour un affrontement. Scargill lui-même fut arrêté et la bataille fut perdue. Ce fut l’un des tournants, mettant les grévistes sur la défensive.
Dans les plus grands ports, les dockers étaient couverts par le National Dock Labour Scheme (NDLS) [4] et personne n’était autorisé à prendre en charge des marchandises dans les docks à moins qu’ils fassent partie du programme. Trois de ces ports, Port Talbot, Immingham et Hunterston, furent utilisés pour fournir des minerais de fer à British Steel.
Les dockers enregistrés [auprès du NDLS] boycottèrent le déchargement du minerai de fer à Hunterston. British Steel répliqua en menaçant d’utiliser des membres de l’ISTC et des camionneurs pour transporter le minerai, brisant l’accord NDLS. Le syndicat des dockers, le Transport and General Workers Union (TGWU), brandit la menace d’une grève nationale, mais c’est alors qu’un accord local fut réalisé afin que les jaunes puissent les remplacer et que les dockers reçoivent un autre travail.
A Immingham, les conducteurs de train refusèrent de transporter le minerai à Scunthorpe et British Steel tenta de monter une opération jaune [a scabbing operation – il s’agit des actions et des personnes utilisées par le patronat qui visent à briser une grève] avec des camions. Les dockers refusèrent de contourner le refus des conducteurs de train de transporter le minerai et ils se mirent en grève. Le TGWU appela à une grève nationale pour le 9 juillet. Elle fut tout d’abord forte. Malheureusement, le Dock Labour Scheme ne s’appliquait pas à des docks tels que Dover, Felixstowe. Les dirigeants syndicaux échouèrent à avancer la revendication d’une extension du Dock Labour Scheme à tous les dockers, comme étant tous partie prenante de la grève.
Le 19 juillet, les propriétaires de camions entrèrent en trombe dans les docks de Dover. Au lieu d’organiser immédiatement un piquet de mineurs et de dockers pour affronter les propriétaires de ces camions (petits camionneurs), la grève connut l’échec. Une autre grève de dock à la fin du mois d’août connut de la même façon une défaite.
Les puits ne pouvaient fonctionner qu’avec des délégués de puits [superviseurs de puits, porions] et des surveillants. Les membres syndiqués du NACODS [National Association of Colliery Overmen, Deputies and Shotfirers] étaient responsables de toutes les questions de santé et de sécurité dans les galeries. S’ils partaient en grève, les puits qui fonctionnaient dans le Nottinghamshire auraient été arrêtés. Bien qu’ils ne fussent pas partis en grève, ils refusèrent de casser les piquets tout en continuant à être payés. A la mi-août, le NCB déchira cet accord et retint la paie de 3000 hommes «du fait qu’ils ne font pas suffisamment d’effort pour se mettre au travail».
Les superviseurs de puits
L’exécutif du NACODS vota pour une grève totale, gagnant 82,5% de soutien pour l’action. En dépit du fait que MacGregor avait provoqué la grève, la direction du NACODS désirait une porte de sortie, le TUC fit pression pour qu’ils continuent les discussions et derrière la scène les Tories les mettaient sous pression.
Le syndicat se vit offrir un «accord» sans valeur et annula la grève. Suite à l’annulation de la grève, la Haute Cour ordonna le blocage des fonds du NUM. La menace des contremaîtres de partir en grève avait fait paniquer le gouvernement et craindre la défaite, mais dans leurs cœurs la plupart des travailleurs savent qu’il n’est pas sage de s’appuyer sur la solidarité venant des contremaîtres.
Un élément clé de la stratégie des conservateurs avait été d’encourager la place de l’énergie nucléaire [en 1956, l’Angleterre commença à développer la production d’énergie nucléaire] et l’utilisation duale des centrales électriques, pouvant passer du charbon au pétrole afin d’empêcher les coupures d’électricité. Le Central Electric Generating Board acheta l’équivalent d’un tiers de la production pétrolière de l’OPEP pour mettre en œuvre cette stratégie. Il passa à l’utilisation de charbon en provenance de mines à ciel ouvert opérées par des membres du TGWU. Cette opération de briseurs de grève fut arrêtée.
Le TGWU aurait eu la possibilité d’organiser des réunions pour les mineurs de mines à ciel ouvert au sujet de l’importance de la grève et donner des instructions à leurs membres pour qu’ils n’augmentent pas la production. Ils auraient pu faire de même avec les conducteurs de camions-citernes de pétrole. Le TGWU et le GMBATU [General, Municipal, Boilermakers and Allied Trade Union, aujourd’hui GMB], qui avait des membres dans les centrales électriques, auraient pu leur donner des instructions pour qu’ils refusent de coopérer dans le passage de charbon en provenance des mines à ciel ouvert ou dans l’augmentation de l’utilisation de pétrole dans les centrales électriques.
Il y eut des exemples d’actions de solidarité, mais les syndicats ne réussirent pas à mettre l’entier de leur poids derrière celles-ci. Ils craignaient le blocage de leurs fonds de grève plus que les conséquences d’une défaite des mineurs. Ces obstacles auraient pu être dépassés, au moins partiellement, si les mineurs eux-mêmes avaient été mobilisés pour aller parler aux travailleurs des centrales électriques et aux conducteurs sur la nécessité de la solidarité. Ce n’est qu’en janvier 1985 que Scargill vint à la rencontre des shop stewards des centrales électriques au Yorkshire.
Tout au long du déroulement de la grève, il y eut des moments au cours desquels l’action d’autres travailleurs aurait pu renverser le courant. Et il était clair que le boycott de l’utilisation de charbon «jaune» et du pétrole par les camionneurs, par les travailleurs de la sidérurgie et ceux des centrales électriques aurait pu rendre possible une victoire.
Pour de telles initiatives de solidarité, il faut des réunions et la mise en place d’un certain nombre de piquets, soutenus par des actions de grève si la direction des entreprises décide de réprimer un gréviste. Se pose une question: aurait-il été possible d’obtenir cette solidarité après que la confiance des travailleurs et l’organisation des shop stewards eurent été ébranlées?
Plusieurs éléments indiquent que cela aurait été possible. Il y eut de sérieuses actions de boycott menées par des poches de travailleurs. Le soutien aux mineurs a crû tout au long de l’année avec des collectes d’argent toujours plus nombreuses, le jumelage de places de travail avec des puits, des jours d’action et de manifestations. Tous les types d’obstacles furent abattus avec de la solidarité venant des organisations d’épouses de mineurs.
Ce qu’il manquait, c’était un argument clair sur le besoin d’actions collectives pour gagner. Au lieu de cela, alors que les mineurs faisaient face à la police, le dirigeant du Labour d’alors, Neil Kinnock [1983 à 1992, il dirige l’opposition du Labour], attaquait la violence «d’où qu’elle vienne».
L’appareil syndical le plus collaborationniste haïssait Scargill et tout ce pour quoi il se battait. Il s’opposa à la grève. L’appareil syndical de gauche apportait son soutien à la grève mais ne mit pas en harmonie ces déclarations et les actions nécessaires pour gagner. Et la base manquait de l’organisation nécessaire ainsi que de la confiance pour agir indépendamment de l’appareil des fonctionnaires pour faire ce qui était nécessaire. De manière tragique pour les mineurs et l’ensemble du mouvement de la classe laborieuse, Scargill avait peut-être compris le besoin de se battre et la manière de gagner, mais sans le réseau de 1972, il était paralysé. (Traduction A l’Encontre. Article publié dans le numéro de mars 2014 de la Socialist Review. Sheila McGregor était industrial organiser du Socialist Workers Party lors de la grève des mineurs. Cet article renvoie à un besoin de connaissances et de réflexion sur une lutte qui a marqué une césure en Europe. Son contenu représente un point de vue particulier dans un débat qui existe encore aujourd’hui en Angleterre.)
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[1] Membre du Parti communiste et l’un des dirigeants de grèves dans les années 1970 chez le fabricant d’automobiles British Leyland. (Réd. A l’Encontre)
[2] Dès 1983, des imprimeurs assurant la sortie des grands quotidiens britanniques, notamment people, attaquèrent les syndicats qui à la fois défendaient leurs positions et, de fait, des modalités de production dépassées. Rupert Murdoch et d’autres vont installer des imprimeries modernisées dans de nouveaux centres et Fleet Street, la rue où se trouvait le siège des principaux journaux anglais, se trouva un jour avec des imprimeries délaissées par le patronat. (Réd. A l’Encontre)
[3] Le gouvernement Thatcher interdit aux travailleurs civils du Government Communications Headquarters, un organe des renseignements britanniques, de se syndiquer. Ceux qui refusèrent de renoncer à leurs droits syndicaux en contrepartie d’une compensation financière furent licenciés, provoquant un long conflit et des grèves, dont certaines de solidarité car on y voyait justement le prélude à d’autres attaques contre le droit à se syndiquer dans d’autres secteurs du public. (Réd. A l’Encontre)
[4] Suite à une grève très dure en 1945 fut mis en place, par le gouvernement Labour, un organe réunissant syndicats et patrons, contrôlant les conditions de travail et de salaires dans les ports, les engagements journaliers et la discipline. La grève de 1945 avait été définie comme «non patriotique». Le NDLS fut aboli en 1989 par le gouvernement Thatcher. (Réd. A l’Encontre)
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