Déclaration du Collectif avec la Révolution syrienne*
Le 30 juin 2017, l’armée libanaise intervenait dans deux camps de réfugiés syriens dans la région d’Ersal (village situé à 124 kilomètres au Nord-Est de Beyrouth), au nom de la lutte contre le «terrorisme?, faisant plusieurs morts et raflant plus de 350 réfugiés. Quelques jours plus tard des détenus sont rendus morts, leur corps couvert de traces de tortures.
Le 10 juillet, le Premier ministre libanais [soit Saad Hariri, président du Conseil des ministres depuis le 18 décembre 2016] déclarait que «l’institution militaire est au-dessus de tout soupçon». Pourtant, les preuves de torture généralisée et d’arrestations arbitraires sont flagrantes: parmi les détenus on trouve des jeunes mineurs et des personnes de plus de 70 ans; plusieurs dizaines de détenus présentent des traces de tortures et ont été privés de boisson et de nourriture pendant plusieurs jours; parmi les détenus décédés sous la torture (plus de 12), on trouve un médecin anesthésiste et une personne handicapée; certains corps sont mutilés.
L’objectif? Terroriser les réfugiés syriens afin de les forcer à rentrer en Syrie et faire céder l’opposition syrienne face à Assad. Les rafles dans les camps libanais ne sont pas nouvelles, mais c’est la première fois qu’elles sont d’une telle violence. Elle s’inscrit sur fond d’augmentation d’une xénophobie véhiculée par l’Etat libanais et le Hezbollah, un groupe paramilitaire lié à l’Iran, qui intervient en Syrie contre le peuple syrien et en soutien à Assad [1]. En février 2017, le président du Liban, Michel Aoun, avait réaffirmé son soutien à ce groupe. A Ersal, l’armée libanaise a vraisemblablement agi en coopération avec le Hezbollah.
L’exportation au Liban de la violence contre le peuple syrien, qui s’est soulevé pacifiquement en 2011 contre plus de 40 ans de dictature menée par la famille Assad, est encouragée par l’attitude des grandes puissances, notamment des USA et de la France, qui soutiennent de plus en plus ouvertement le régime de Assad et son allié le régime russe. En témoignent la déclaration du secrétaire d’État américain Tillerson «Peut-être qu’ils [les Russes] ont eu la bonne approche, et nous la mauvaise”»(le 7 juillet), ou la formation d’un groupe de travail franco-russe de lutte contre Daech (annoncé par Macron le 29 mai).
Une telle coopération avec le dictateur Poutine est inacceptable. Elle s’inscrit en France dans la lignée de la politique de Hollande qui, en décidant d’intervenir en Syrie en septembre 2015 contre Daech, actait ce que Macron énoncera cyniquement le 21 juin 2017: «Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien.» Après les attentats du 13 novembre 2015, Hollande avait souhaité une coopération avec Poutine contre le «terrorisme», mais il n’avait pas pu mettre son vœu en pratique. Avec Macron en 2017, c’est chose faite. Dans la même ligne, suite à la rafle à Ersal, la France condamnait «l’attaque qui a visé le 30 juin les forces armées libanaises», leur réitérait son soutien, et expliquait: «Elle restera pleinement engagée aux côtés des autorités libanaises dans la lutte contre le terrorisme.» (!)
Enfin, l’agitation par Macron d’une «ligne rouge» que constituerait l’utilisation d’armes chimiques n’a pas empêché le régime d’Assad d’utiliser à nouveau cette arme – début juillet en larguant du chlore dans la Ghouta [terres cultivées qui entourent Damas; un poste de contrôle commun entre l’armée syrienne et des militaires russe a été ouvert dans la Ghouta orientale le 26 juillet 2017] –, et de poursuivre par toutes sortes d’armes son oppression contre le peuple syrien.
En parallèle, à Raqqa, la coalition poursuit ses bombardements désastreux: massacres de civils et destructions massives se multiplient. Au sol, les forces kurdes [qui forment l’essentiel des Forces démocratiques syriennes] liées au PKK progressent et Daech recule. Mais les conflits entre les forces liées au PKK [les YPG, Unité de protection du peuple, branche armée du Parti de l’union démocratique, le PYD] et celles liées à la révolution syrienne aggravent la situation du peuple syrien. Malgré les bombardements et toutes les violences armées, nombre de civils syriens continuent, au quotidien, à manifester et à se battre pour leurs droits.
- Soutien aux demandes des familles des victimes et emprisonnés (et de leurs avocats), suite à la rafle d’Ersal au Liban (libération immédiate de tous les prisonniers, droit d’enquête indépendante, droit d’accès aux informations…) !
- Arrêt immédiat de tous les bombardements en Syrie!
- Aucune collaboration avec les dictateurs: ni Assad, ni Poutine!
- Levée immédiate de tous les sièges!
- Libération immédiate de tous les prisonniers politiques!
- Départ de toutes les forces armées étrangères de la Syrie!
- Mobilisation internationale pour l’aide humanitaire et l’accueil des réfugié·e·s!
Ni Assad, ni Daech! C’est au peuple syrien et à lui seul de décider de son avenir. La revendication du peuple syrien pour le départ de Assad et la fin de son régime, immédiatement et sans condition, est légitime.
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* Le Collectif Avec la Révolution Syrienne réunit: Alternative Libertaire, Cedetim, Emancipation, Ensemble, Forum Palestine Citoyenneté, L’Insurgé, Nasskoune, NPA, UJFP(L’Union Juive Française pour la Paix), Union syndicale Solidaires
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[1] Un affrontement militaire entre le Hezbollah et le Front Fateh el-Cham s’est déroulé dès le vendredi 21 juillet 2017. Selon le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans une intervention datant du 26 juillet: «La décision de lancer vendredi dernier la bataille du jurd [zone montagneuse et rocailleuse] de Ersal était purement libanaise, et n’émanait ni de l’Iran ni de la Syrie, deux pays alliés du parti chiite.» «L’objectif de la bataille du jurd de Ersal et de celui de Flita est de déloger les groupes armés des zones contrôlées par le Front al-Nosra (actuellement le Front Fateh el-Cham), dans ces deux secteurs, l’un en territoire libanais, l’autre en Syrie», a d’emblée expliqué le chef du parti chiite, lors d’un discours télévisé intitulé «Armée, peuple, résistance» et retransmis en direct.
Ces raisons sont évidemment débattues dans le champ politique et médiatique libanais. (Rédaction A l’Encontre)
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