Cisjordanie. L’armée des colons pousse à l’expulsion massive des Palestiniens

Colons israéliens envahissant des terres près d’Al-Mughayyir le 26 avril.

Par Amira Hass

[Selon le Washington Post, «l’armée israélienne a ordonné lundi 6 mai à quelque 100 000 civils vivant dans certaines parties de Rafah d’évacuer “immédiatement” vers une zone dite humanitaire, affirmant qu’elle opérerait avec une “force extrême” dans ces secteurs». L’UNRWA a twitté ce 6 mai: «Une offensive israélienne à Rafah signifierait davantage de souffrances et de morts parmi les civils. […] L’agence maintiendra une présence à Rafah aussi longtemps que possible et continuera à fournir une aide vitale aux personnes.» Cette nouvelle phase de l’attaque à caractère génocidaire de l’armée israélienne s’inscrit dans la mise en œuvre d’une deuxième Nakba telle que Amira Hass l’illustre, ici, pour la Cisjordanie. – Réd. A l’Encontre]

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«Le vendredi 26 avril, à 13 heures, un groupe de colons a envahi la partie sud du village de Madama [au sud de Naplouse] et est reparti peu après», rapporte le Département des affaires de négociation [créé en 1994] de l’Organisation de libération de la Palestine sur son site Internet. Il rapporte également que le même jour, à 11h45, «un groupe de colons a pénétré dans les terres agricoles dans la zone d’Al-Khalayel dans le village d’Al-Mughayyir [au nord-est de Ramallah] et a tiré sur plusieurs paysans. A 14h55, un groupe de colons a envahi la zone de Ein al-Hilwa dans le nord de la vallée du Jourdain et a détruit une tente d’habitation appartenant à la famille D. dans le but de les expulser de la zone.»

A une heure inconnue, «un groupe de colons a pénétré sur les terres du village de Kisan [au sud-est de Bethléem] et a tenté de voler un réservoir d’eau attaché à un tracteur et du matériel agricole, mais les gens ont réussi à arrêter le groupe et à l’empêcher de s’emparer de leurs biens». Ce jour-là également, à une heure inconnue, un groupe de colons a envahi la zone d’Ein al-Hawaya à l’ouest du village de Hussan, situé à l’ouest de Bethléem, et y a organisé un office religieux (prière). Un autre groupe de colons a envahi le village de Carmel, à l’est de Yatta, et a organisé des prières dans la zone archéologique du village.

Selon le site cité, le 25 avril, «à 13h05, un groupe de colons a volé un transformateur électrique raccordé à un système de production d’énergie solaire appartenant à une famille dans la région de Khirbet a-Dir dans le nord de la vallée du Jourdain. Il a également arraché et détruit des tentes et un générateur électrique appartenant à une autre famille. A 13h25, un groupe de colons a érigé plusieurs tentes dans la zone d’Al-Khalayel sur les terres au sud d’Al-Mughayyir, dans le but d’ériger un nouvel avant-poste illégal [d’une colonie]. Et à 13h45, un groupe de colons s’est tenu sur la route de contournement près de la colonie de Yitzhar et a jeté des pierres sur des voitures.

«A 14 heures, un groupe de colons extrémistes dirigé par le ministre extrémiste Itamar Ben-Gvir, sous la protection des forces d’occupation, a visité le tombeau d’Otniel [selon la Tora, Otniel a été le premier juge à prendre le commandement du peuple juif après la mort de Josué] dans la rue Bir a-Saba’ à Hébron [dans la partie sous contrôle palestinien]. Dans l’après-midi, un groupe de colons a affronté une famille qui cultivait ses terres dans le village de Jawrat a-Sham’a au sud-est de Bethléem et l’a empêchée de continuer à travailler. A 16h50, un groupe de colons a mis le feu à des récoltes appartenant à des habitants de la zone d’A-Diraat à l’est de Yatta.»

Le Département des affaires de négociation, qui n’a de toute façon rien d’autre à faire, publie un rapport quotidien sur les événements liés à l’occupation de la veille, classés selon différentes catégories, dont les «attaques de colons». Les autres catégories comprennent les personnes tuées et blessées par les soldats, les raids militaires, les arrestations, les barrages routiers et les retards aux points de contrôle, ainsi que les biens vandalisés. Ces informations concises, formulées sèchement, qui remontent à 2001, donnent à toute personne intéressée une idée de la violence intense avec laquelle la vie est étouffée, minute après minute, sous la botte israélienne, dans ce qui était censé être l’Etat palestinien – c’est-à-dire en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza.

Depuis le 7 octobre, le nombre de Palestiniens tués et blessés est monté en flèche, tout comme le nombre de raids et d’arrestations. Le nombre d’attaques de colons ne cesse d’augmenter par rapport à ce qu’il était avant la guerre. Cent huit attaques ont été enregistrées en janvier, 145 en février et 141 en mars.

Cependant, le Département des affaires de négociation n’est pas en mesure de suivre toutes les attaques. Le 26 avril, par exemple, un groupe WhatsApp appelé «Documentation des attaques de colons» a signalé que trois jeunes des collines coupaient une canalisation d’eau utilisée pour les moutons à Ein Samiya, à l’est d’Al-Mughayyir. Un autre rapport, reçu jeudi du village de Karawat Bani Hassan dans le district de Salfit [au centre de la Cisjordanie], fait état de «colons qui ont déraciné et volé environ 70 jeunes oliviers, vignes, figuiers et amandiers âgés d’environ trois ans».

Il est impossible de savoir combien d’agressions et d’invasions relativement «légères» ont eu lieu dans des endroits où les Palestiniens ont renoncé à les signaler ou ont fui sous la pression de la violence déployée. Il s’agit d’actes de routine commis par des suprémacistes juifs, sûrs d’eux, qui sèment la peur et l’impuissance parmi les victimes de leurs agressions et causent des dommages économiques considérables. A tout moment, un groupe de colons peut redoubler son attaque sur tel ou tel village, suite à une décision du commandement local ou régional, en vue de s’emparer d’une autre parcelle de terre agricole que l’armée fermera aux Palestiniens «afin d’éviter les frictions».

A tout moment, des centaines de milliers de villageois palestiniens sont exposés à une agression débridée, souvent perpétrée par des Juifs en habits religieux, armés de fusils ou d’armes de poing, de gourdins, de pierres ou de tout ce qui est nécessaire à un incendie criminel. Tout cela se passe avec la protection et l’encouragement du gouvernement, sous la protection de l’armée et dans l’indifférence de la majorité des Israéliens.

Il n’est pas surprenant que les enfants de ceux qui sont attaqués veuillent quitter leurs villages et que leurs parents envisagent d’émigrer à l’étranger. Les «Lord’s emissaries» dans cette «guerre sainte juive» ne sont pas stupides. Ils sont persuadés que le harcèlement constant qu’ils exercent produira le résultat escompté: soit l’«émigration volontaire» [formule utilisée par le ministre des Finances Bezalel Smotric et de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir], soit l’expulsion massive «punitive». Ou les deux. (Article publié par Haaretz le 6 mai 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

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