Par Jacques Chastaing
Les élections des représentants aux organisations étudiantes des universités publiques en Egypte, qui ont eu lieu la première semaine de décembre 2015 avec une large participation, se sont conclues par une écrasante victoire du camp de la révolution contre celui de Sissi.
Ainsi, Abdallah Anwar (président de l’ESU – l’Union des étudiant égyptiens – de l’Université du Caire) et Amr Al-Helw (président de l’ESU de l’Université Tanta) qui viennent d’être élus à la présidence et à la vice-présidence de l’Union des étudiants égyptiens (ESU), sont tous deux connus pour leurs attaches révolutionnaires au soulèvement du 25 janvier 2011.
Pourtant le pouvoir n’avait pas lésiné pour fausser les élections en empêchant la candidature d’environ 700 étudiants soupçonnés d’appartenance politique à des partis «illégaux». Il était en effet interdit de se présenter à la candidature si on était soupçonné d’appartenir au «Mouvement du 6 Avril» ou aux «Frères musulmans», tous deux interdits. Mais pour se présenter il fallait aussi ne pas avoir été sujet à des mesures disciplinaires – ce qui a été le cas de très nombreux étudiants qui ont fait grève, qui ont osé dénoncer le pouvoir ou qui ont été condamnés par ce dernier lors de manifestations, de sit-in, ou de protestations diverses au cours de ces cinq dernières années.
Devant le camouflet électoral, le ministre de l’Enseignement supérieur, Ashraf al-Shehy, a demandé l’annulation des élections. Il a prétexté de dits vices de procédure, ce qui est un comble alors que les législatives de cet hiver n’ont jamais vu autant de truquages et d’achats de votes de la part des partis du pouvoir. Par ailleurs il a demandé que Amr Al-Helw soit suspendu de l’université pour ses liens avec des organisations politiques interdites et pour avoir osé accuser le pouvoir d’avoir fait pression sur les étudiant·e·s afin qu’ils votent pour les candidats du ministère de l’Education qui avait, par ailleurs, directement financé la campagne en s’asseyant sur toute légalité. Le ministère de l’Education a soutenu une coalition intitulée Voix des étudiants égyptiens.
Le 28 décembre, des étudiants révolutionnaires appelaient dans une conférence de presse à la mobilisation pour soutenir l’Union des étudiants égyptiens. Un nouveau bras de fer commence entre le pouvoir et le mouvement étudiant. Une déclaration demande la démission d’Ashraf al-Shehyen affirmant que sa permanence à ce poste impliquerait le maintien de la corruption et d’une volonté de formater l’esprit des étudiants. Cette déclaration est signée par le Mouvement du 6 Avril, les Socialistes révolutionnaires et des formations comme le Parti social-démocrate égyptien ou le mouvement Pain et Liberté.
Quoi qu’il en résulte, alors qu’on ne cesse de présenter les étudiants comme découragés et s’éloignant de la politique, le résultat actuel montre le contraire. Et si le pouvoir annulait définitivement les élections et donc toute idée de représentation démocratique réelle des étudiants, il est clair qu’un nombre d’entre eux seraient poussés hors de ces voies électorales vers des chemins différents, s’inscrivant dans la mémoire pratique de la révolution. (3 janvier 2016)
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