Par Alain Baron
Le gazon et les fleurs ont bien repoussé sur la place Tahrir, débarrassée depuis longtemps des «sit-iners» et de leurs tentes. Pas la trace d’un seul manifestant, activité désormais passible d’emprisonnement. Le bruit des klaxons remplace celui des slogans, de la musique, des lance-grenades et des sirènes d’ambulances.
Les flics ont remis leurs tenues impeccablement blanches et règlent tranquillement une circulation fluide en ce jour férié. Dans les cafés alentour, l’odeur des lacrymos a laissé la place à la fumée des chichas. Les interminables travaux sur la place Tahrir continuent de faire semblant d’avancer.
A proximité de Tahrir, la carcasse noircie du siège du PND (Parti de Moubarak: Parti national démocratique) et l’état du bâtiment de l’Institut d’Egypte continuent néanmoins à rappeler qu’un dictateur issu de l’armée avait été destitué en janvier 2011. Des rues menant à des bâtiments officiels continuent à être bloquées par d’énormes blocs de béton face auxquels des centaines de jeunes avaient été tués ou blessés, comme le rappellent les fresques peintes le long du bâtiment de l’Université américaine du Caire. Afin de ne pas trop perturber la circulation, un de ces barrages permanents a été pragmatiquement remplacé par un lourd portail métallique… pouvant être à tout moment refermé.
A Suez, deux jours plus tôt, les salariés du port en lutte se sont pris des lacrymos et des tirs de chevrotines. Ils étaient en sit-in le lendemain dans l’entreprise et à l’extérieur de celle-ci. Un syndicaliste égyptien déconseillait fortement de s’approcher sous peine d’être arrêté comme «espion étranger».
Dans les rues, les seuls calicots politiques sont désormais ceux à la gloire de Sissi, le futur imperator. Quant au Mouvement du 6 avril, qui avait été un des principaux initiateurs de la révolution de janvier 2011, il a été dissous trois jours avant le 1er mai.
Au Caire, la seule action syndicale a été, en fin de journée, une réunion d’environ 200 personnes dans un vieux théâtre déglingué. Des militants ont notamment défilé à la tribune pour parler en 5 minutes des luttes qu’ils avaient récemment menées, au milieu du bruit permanent de la salle. (Texte publié sur le site de Solidaires)
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