Royaume-Uni. Malgré tous les obstacles juridiques, les salarié·e·s de la santé restent mobilisés

Fin mars 2023, les membres des principaux syndicats du secteur hospitalier (National Health Service-NHS) de Grande-Bretagne ont fait face à un accord passé par les directions syndicales avec le gouvernement, un accord qui était très loin de «compenser» la hausse inflationniste, sans mentionner les pertes accumulées durant les années précédentes.

Une consultation s’est déroulée durant quelques semaines au sein des syndicats pour que les membres puissent se prononcer sur le rejet ou l’acceptation du «compromis» entre les directions syndicales et le gouvernement, en particulier le secrétaire d’Etat à la Santé et à la Protection sociale Stephen Barclay.

La compagne pour le rejet de l’accord a été largement accueillie au sein du RCN (Royal College of Nursing) avec 54% de refus, ainsi qu’au sein de Unite avec 52% de votes négatifs. Bien que minoritaire, un secteur significatif du GMB (44%) a rejeté l’accord, ainsi que 43% du RCM (Royal College of Midwives, sages-femmes). La volonté de lutte s’exprimait. Les constats de nombreux médias sur l’essoufflement du mouvement de grève étaient démentis ainsi que les compromissions de secteurs des directions syndicales.

Dès lors, suite à cette consultation fut prise la décision de relancer le mouvement de grève du 30 avril au 2 mai. Dans la continuité de la législation antisyndicale, le gouvernement a déposé une objection sur la tenue de la grève auprès d’un juge de la Haute Cour. Ce dernier invoqua que le délai de six mois qui suivait le vote d’une majorité des membres pour engager une mobilisation était dépassé le 2 mai. Dès lors, la grève devait être écourtée et ne se pouvait se dérouler que du dimanche 30 avril jusqu’au 1er mai à minuit. Ce qui implique non seulement que le mouvement était bloqué partiellement, mais qu’une nouvelle procédure de scrutin interne devait prendre forme pour obtenir le feu vert juridique pour une poursuite des actions de grève. Toute l’orientation des gouvernements conservateurs – et aussi des blairistes (New Labour) – se concrétise dans ces obstacles légaux aux droits élémentaires d’autodéfense des salarié·e·s. Existe une tentative d’imposer l’accord qui serait issu d’une négociation – qui se tient le 2 mai – entre le gouvernement et le Staff Council, organe qui réunit les syndicats présents dans le NHS et au sein duquel le secteur syndical favorable à un accord avec le gouvernement peut s’imposer. Toutefois, cette opération se heurte à un élément: il appartient aux membres des différents syndicats de se prononcer sur un accord. En outre, les médecins assistants maintiennent leur revendication d’une hausse de 35% de leur salaire et poursuivent leur action.

Nous publions ci-dessous un reportage – publié par le Socialist Worker le 1er mai 2023 – de la mobilisation du 30 avril et du 1er mai de larges secteurs du personnel de la santé. (Rédaction A l’Encontre)

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Les infirmiers et infirmières ont vu leur grève de 48 heures écourtée par les lois antisyndicales

Par Yuri Prasad et Sophie Squire

Des milliers d’infirmières et d’infirmiers dans toute l’Angleterre sont à nouveau entrés en grève le dimanche soir à 20h et le lundi 1er mai (jusqu’à minuit), dans le cadre de la lutte pour une véritable augmentation de salaire. Les membres du syndicat RCN sont furieux que le gouvernement n’ait proposé qu’une augmentation de 5% pour cette année, alors que l’inflation est plus de deux fois supérieure.

A l’hôpital St Thomas, dans le centre de Londres, Alice a expliqué qu’elle était en grève pour une raison fondamentale: «Nous avons besoin de plus d’infirmières. Nous ne sommes jamais au complet. Nous sommes toujours en train de remplir les postes avec des vacataires.»

Elle et ses collègues sont furieux que le gouvernement ait assigné leur syndicat en justice pour qu’il ramène à 28 heures la grève de 48 heures qu’ils avaient prévue. Alice estime qu’il s’agit d’une manœuvre «sournoise». «Les conservateurs ont agi de manière tout à fait politique. Ils auront dépensé beaucoup d’argent pour aller devant les tribunaux. C’était juste pour dire, nous disposons du pouvoir sur vous, vous devez faire ce que nous voulons.»

A l’hôpital voisin de Great Ormond Street, les piquets de grève étaient animés malgré un accord [de service minimal] entre le RCN et l’hôpital, qui obligeait de nombreuses infirmières à travailler tout au long de la grève. Charleen a déclaré qu’elle avait des sentiments mitigés à l’égard de cette initiative. «D’un côté, je comprends, nous nous occupons d’enfants en danger. D’un autre côté, en tant que travailleuse, je me sens un peu trahie.» Elle ajoute que le syndicat aurait dû s’en tenir à son projet de grève de 48 heures, malgré la victoire juridique des conservateurs. «Je pense que nous aurions dû faire grève de toute façon, et je pense que les gens que je connais seraient d’accord avec moi. Le moment est venu de passer à la vitesse supérieure et de multiplier les jours de grève. Nous travaillons 10 heures par jour. Je vois à peine mon fils parce que je travaille tout le temps.»

Charleen est l’une des nombreuses personnes qui se posent de sérieuses questions sur la manière dont les dirigeants du RCN ont mené la bataille jusqu’à présent. La consternation s’est emparée des infirmiers et infirmières lorsqu’il est apparu que le syndicat avait décidé de ne pas combattre l’action en justice avec sa propre équipe d’avocats. Au lieu de cela, Pat Cullen, la dirigeante du RCN, s’est présentée seule devant le juge avec une déclaration qui ne disait guère plus que le syndicat estimait que l’ensemble de la grève prévue était légale.

Dans les jours qui ont précédé le procès, Pat Cullen avait promis une défense solide de la grève, avec une équipe juridique bien au fait de la jurisprudence syndicale. Jusqu’à présent, le syndicat n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas contesté comme il se doit l’initiative gouvernementale.

Et ce n’est pas seulement devant le tribunal que les dirigeants ont échoué. Au début de l’année, le RCN a mis fin à ses actions dès que les conservateurs ont accepté de négocier, alors que la grève était le meilleur moyen de pousser le gouvernement à offrir davantage.

Les dirigeants syndicaux ont ensuite fait pression sur les infirmières et infirmiers pour qu’ils acceptent l’offre dérisoire du gouvernement en matière de rémunération [voir graphique ci-dessous comparant la baisse du salaire en termes réels entre l’ensemble des salarié·e·s, les infirmiers et infirmières, et les médecins assistants – Financial Times du 1er mai 2023]. Ils ont appuyé une enquête contre les responsables de la campagne – qui a abouti – pour le refus de l’accord, ce qui a suscité une vive réaction dans les rangs syndicaux. Cela signifie que les infirmières ne peuvent pas laisser entre les mains des dirigeants et des responsables syndicaux le vote à venir pour une grève dans toute l’Angleterre. (Traduction rédaction A l’Encontre)

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