Selon une étude parlementaire européenne, l’institut chargé d’expertiser le glyphosate au moment de sa réautorisation a amplement plagié un rapport du géant américain.
Longtemps, les acteurs de la société civile l’ont dénoncé: cette fois, ce sont des parlementaires européens qui ont levé le lièvre. À la veille d’un vote décisif sur la régulation des pesticides, des députés viennent de mettre en évidence la haute complaisance qu’ont eue les autorités sanitaires allemandes à l’égard de l’industrie agrochimique lors du renouvellement de l’autorisation du glyphosate, en 2017.
Chargé par l’Europe de produire l’expertise visant à jauger la dangerosité de cet herbicide, l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) aurait, à l’époque, amplement plagié le dossier d’homologation que lui avait transmis la Glyphosate Task Force (GTF), une alliance d’industriels cornaquée par Monsanto. Détenteur du fameux Roundup – dont le glyphosate constitue la matière vive –, le groupe américain jouait alors son va-tout: c’est sur cette expertise du BfR que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) devait s’appuyer pour remettre à son tour un rapport destiné aux États membres. Celui-ci devait finalement conclure à la non-dangerosité pour la santé du glyphosate, pourtant considéré comme «probablement cancérigène pour les humains» par l’Organisation mondiale de la santé. En novembre 2017, après plusieurs mois d’indécision, les États membres finissaient par accorder au produit une rallonge de cinq années de mise sur le marché [1].
Les parlementaires de la gauche européenne qui, un mois plus tôt, avaient appelé à bannir au plus vite le pesticide ne s’en sont pas tenus quittes. Ceux des groupes socialistes (S&D), écologistes (Verts-ALE) et de la Gauche unie (GUE), membres d’une commission spéciale mise en place à la suite de toute cette histoire, ont commandé une étude approfondie. Menée par le spécialiste du plagiat Stefan Weber, le biochimiste Helmut Burtscher et l’ONG Global 2000, celle-ci s’est penchée sur le travail mené par le BfR.
Publiées hier, ses conclusions sont sans appel: selon les chercheurs, rapporte Le Monde, les chapitres clés du rapport du BfR sont plagiés à plus de 50% et même copiés-collés à plus de 70%.
Si ceux traitant des risques environnementaux paraissent scientifiquement «sincères», ceux traitant de l’évaluation des risques pour la santé sont en revanche largement vérolés par la contrefaçon. Même la description et l’explication par le BfR de la méthode d’évaluation de la littérature publiée ont été plagiées à la demande de la GTF, précise le journal belge Metro. «Le BfR a donc copié l’explication de Monsanto (…) tout en la présentant comme l’approche des pouvoirs publics», résume l’étude. «Il est clair que l’adoption par le BfR, sans recul critique, d’informations biaisées, incorrectes ou incomplètes fournies par les fabricants (de glyphosate) a influencé la base même de son évaluation», conclut-elle.
Les chapitres clés du rapport du BfR sont plagiés à plus de 50%
Une nouvelle affaire vient ainsi compléter les révélations des Monsanto Papers, qui, en 2017, avaient dévoilé les manœuvres de la multinationale pour discréditer les études pointant le caractère potentiellement cancérigène du glyphosate. Ce n’est pas la première fois, par ailleurs, que la probité du BfR est mise en cause – des ONG l’ont déjà contestée dans le cadre d’évaluations de cultures OGM, entre autres. Alors que l’agrochimiquier allemand Bayer est en passe de racheter Monsanto – et par conséquent le Roundup –, cette histoire jette une ombre de plus sur son intégrité. (Publié dans L’Humanité en date du 16 janvier 2019)
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[1] Le 27 novembre 2017, la Fédération des consommateurs constatait: «Faisant fi des conclusions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’herbicide pourtant classé comme «probablement cancérogène» par l’instance de l’OMS restera autorisé en Union européenne comme en Suisse. Des décisions qui vont à l’encontre du principe de précaution prôné par la FRC.»
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