France. Les retraites, Hollande et les «imbéciles»

Yannick Moreau, présidente de la Commission pour l'avenir des retraites
Yannick Moreau, présidente de la Commission pour l’avenir des retraites

Par Hubert Huertas

Un débat explosif va s’ouvrir cette semaine à propos des retraites. Comme d’habitude, les décisions déjà prises dans le principe sont précédées du rapport d’une personne éminente, cette fois c’est la conseillère d’Etat Yannick Moreau qui s’y est collée, puis une concertation s’enclenchera. Son objet officiel est de réfléchir avec les partenaires sociaux, sa vocation réelle est de lubrifier le moteur. Techniquement le gouvernement est prêt, mais politiquement il va se retrouver dans la pire des impasses.

Selon la tradition, la révélation du contenu du rapport a fuité avant sa sortie, en vertu de la technique du ballon d’essai. Mme Y. Moreau a fait fort en préconisant à la fois l’allongement [du nombre d’années de cotisations ouvrant le droit à la retraite] et la baisse des pensions. Il faudrait travailler plus longtemps, le calcul de la retraite pour les fonctionnaires s’établirait sur les dix dernières années et plus sur les six derniers mois, les retraités perdraient l’avantage de l’abattement fiscal de 10% et paieraient la même CSG (Contribution sociale généralisée) que les actifs [1].

La négociation et le jeu des concessions vont sans doute lisser un peu cet impressionnant paquet cadeau, mais un fait paraît acquis. Après que la droite a mis en place depuis vingt ans le principe d’un départ à la retraite plus tardif, le gouvernement socialiste poursuit ce travail et s’apprête à l’élargir à un domaine jusque-là tabou: les retraites vont baisser.

Les données de l’équation sont archiconnues: nous vivons plus longtemps, il faut donc bien équilibrer le budget des caisses de retraite. A cela s’ajoutent des considérations de justice qui évoquent l’égalité entre les générations au travail et les générations à la retraite. Pourquoi ces dernières, qui ne vivent pas plus mal, paieraient-elles moins d’impôts?

On connaît aussi les objections, elles sont multiples. La santé se dégrade en moyenne au même âge qu’autrefois, et surtout le chômage empêche de travailler plus longtemps la moitié des seniors, et les jette parfois dans la misère en rendant la retraite inaccessible.

Tout cela va nous replonger dans la fournaise de la réforme de 2010 et de son immense protestation. Et c’est là que commence, et que s’achève peut-être le problème politique de la majorité.

Car François Hollande et tous les socialistes avaient manifesté il y a trois ans, à Paris et dans toute la France. Ils étaient vent debout contre François Fillon (ministre UMP) qui défendait ce qu’ils soutiennent aujourd’hui. L’allongement, les déficits, la crise, etc.

Ce mouvement de société majeur, et qui a provoqué en partie la chute de Nicolas Sarkozy, est trop frais dans les esprits pour que son successeur, ancien manifestant, puisse entrer sans dommage dans le costume du gestionnaire.

Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis dira peut-être le Président. Seuls les imbéciles ne changeront pas leur vote, lui répondra, sans doute, l’écho de la rue. (Billet de 7h36 sur France culture)

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[1] La CSG est proportionnelle et non progressive. Son poids dans le système de prélèvements en France est devenu très important et ne fait que progresser. En 2010, les recettes de la CSG s’élevaient à 83 milliards d’euros contre 50 milliards pour l’IRPP (Impôt sur le revenu des personnes physiques).

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