Déclaration d’élu·e·s de différentes «régions» de l’Etat espagnol
Si quiconque devait encore douter, il n’est plus temps. Nous sommes face à une régression autoritaire qui n’a pas de précédent depuis la Transition [sortie de la dictature franquiste].
Le gouvernement du PP (Parti Populaire), avec le soutien du «nouveau PSOE» de Sánchez [allusion au discours «gauche» qui a permis à ce dernier d’être réélu à la direction du Pari socialiste ouvrier espagnol] – qui chaque jour fait la démonstration d’être toujours plus ancien – et de l’ensemble de l’appareil de l’Etat, est intervenu de facto dans l’autogouvernement catalan et applique un état d’exception couvert. Tout cela au nom de la démocratie.
• Ce qui se déroule ces jours-ci est une manifestation claire des limites de la «démocratie espagnole». Le caractère honteux du régime de 1978 est aujourd’hui mis en lumière. Le droit à l’autodétermination des peuples fait partie des droits collectifs les plus élémentaires et son déni est l’une des limites les plus visibles du cadre institutionnel né de la Transition. L’attitude de l’Etat espagnol contraste vivement avec ce qui s’est produit au Canada et en Grande-Bretagne lors des référendums d’indépendance au Québec et en Ecosse. Ce n’est pas un hasard que même la presse internationale commence à mettre en question les méthodes du gouvernement espagnol, mal à l’aise avec le «style Erdogan» pratiqué par Rajoy.
• Une fois de plus, il faut rappeler ce qui a été nécessaire pour en arriver là. C’est le constat de l’impossibilité d’améliorer l’autogouvernement de Catalogne suite au blocage de la réforme de l’Estatut de Catalunya de 2010 qui a stimulé la montée du mouvement indépendantiste. Et c’est le refus systématique du gouvernement espagnol d’accepter de négocier la tenue d’un référendum sur l’indépendance qui a contraint la Generalitat de Catalogne à l’organiser de manière unilatérale.
• Démocratie n’est pas synonyme de loi. Lorsque cette dernière est injuste, la désobéissance est un droit, voire même un devoir. Le mandat populaire en Catalogne pour tenir un référendum s’est exprimé dans les institutions et dans les rues à de nombreuses reprises au cours des dernières années, alors même que le Tribunal constitutionnel et le gouvernement espagnol l’interdirent. La désobéissance civile et institutionnelle est un instrument légitime et indispensable dans la conquête de droits sociaux, politiques, économiques et culturels, ainsi que l’enseigne l’histoire des luttes populaires, féministes et de la classe laborieuse.
• Ceux qui refusent la tenue d’un référendum en Catalogne sont les mêmes qui approuvèrent la réforme expresse de l’article 135 de la Constitution en 2011 qui oblige de rembourser la dette publique en lieu et place de la satisfaction des besoins sociaux de base, tels que l’éducation ou la santé publique.
Ce sont les mêmes qui ont favorisé un sauvetage du système bancaire avec l’argent de toutes et tous [plus de 40 milliards d’euros ont été «perdus» selon des déclarations officielles récentes]. Ce sont les mêmes qui ont rempli sans broncher les objectifs des diktats de l’Union européenne (UE). Ce sont les mêmes qui ont opéré des coupes dans les budgets des services publics et piétiné les droits sociaux des travailleurs de tout l’Etat espagnol. Ce sont les mêmes qui ont des affaires et vendent des armes à des dictatures atroces comme l’Arabie Saoudite. Ce sont les mêmes qui… la liste est interminable.
• Les événements montrent que, bien qu’il serait en soi suffisant de le défendre, le référendum du 1er octobre n’est pas seulement lié au droit à décider du peuple catalan. Il en va également de la démocratie et des libertés dans tout l’Etat espagnol. Le 1er octobre, ce n’est pas seulement le droit légitime à l’autodétermination du peuple catalan qui est en jeu. C’est l’avenir du régime de 1978 qui est en jeu. La question que nous devons nous poser est très claire: voulons-nous, le 1er octobre, un Rajoy affaibli et renforcé? Un Rajoy défait ou un Rajoy triomphant? Si le PP et l’ensemble de l’appareil d’Etat sont défaits, un chemin plus favorable au changement s’ouvrira pour les forces populaires dans tout l’Etat. Si le PP l’emporte, il en sortira renforcé et le bloc réactionnaire à la tête duquel il se trouve résistera d’une manière encore plus forte.
• Ne nous y trompons pas. Si elles demeurent impunies ou sans réponse, les mesures répressives que nous voyons aujourd’hui en Catalogne s’étendront tôt ou tard à tout l’Etat le jour où les pouvoirs publics en auront besoin. Les atteintes aux droits et aux libertés mises en œuvre aujourd’hui pour empêcher le référendum seront renouvelées demain pour toute autre raison.
• Unidos Podemos a fait œuvre importante en incluant la défense d’un référendum négocié dans son programme ainsi que pour l’avoir défendu de manière conséquente. Sa dénonciation ferme des violations des droits démocratiques réalisées par le PP et l’appareil d’Etat en Catalogne est également très positive. Tout comme sa reconnaissance du 1er octobre comme événement légitime.
Il faut cependant aller au-delà et s’engager pour que le peuple de Catalogne puisse voter librement le 1er octobre lors d’un référendum contraignant dont la tenue seule serait déjà une victoire démocratique pour toutes et tous. De fait, une défaite des forces vives du régime le 1er octobre serait un bon point de départ pour reprendre ce qui devrait être un élément stratégique de l’ensemble du bloc du changement: l’ouverture de processus constituants qui nous permettent de tourner la page d’un régime caduque.
• Il est aujourd’hui temps d’unir l’esprit démocratique et rebelle du 15M [le mouvement des «indignés»] avec les aspirations démocratiques du souverainisme catalan (que l’on partage ou non ses objectifs) en un front commun en faveur d’une démocratie réelle. La bataille de Catalogne est également celle de l’ensemble des citoyens et citoyennes de l’Etat espagnol. C’est une question de solidarité et de camaraderie, mais c’est aussi parce que dans cette bataille se joue notre avenir à toutes et tous. Si Rajoy, le PSOE et l’ensemble de l’appareil d’Etat perdent ce combat, les conditions seront meilleures pour que nous puissions nous affronter à un pouvoir politique et financier qui sacrifie la démocratie et les droits de la majorité sur l’autel de leurs affaires privées.
Signataires
Miguel Urbán, eurodéputé de Podemos
Teresa Rodríguez, porte-parole du groupe parlementaire de Podemos Andalousie
Neskutz Rodríguez, porte-parole de Podemos à la Junte de Bizkaia [Pays basque]
Josean Elguezabal, membre de la Junte de Bizkaia
Paula Quinteiro, députée En Marea [Galice]
Isabel Serra, députée de Podemos à l’Assemblée de la Communauté autonome de Madrid
Carmen San José, députée de Podemos à l’Assemblée de la Communauté autonome de Madrid
Raúl Camargo, député de Podemos à l’Assemblée de la Communauté autonome de Madrid
Jesús Romero, député de Podemos à la Junte d’Andalousie
Mari García, députée de Podemos à la Junte d’Andalousie
David Llorente, député de Podemos en Castille-La Manche
Joan Giner, député de CQSP [Catalunya Sí que es Pot] au Parlament de Catalogne
Sonia Farré, députée de En Comú Podem au Congrès [législatif de l’Etat espagnol]
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