Belgique. Les livreurs de Deliveroo et le soutien syndical. «C’est comme le syndicalisme à ses débuts»

Par Chloé Richard

Une vingtaine de personnes se sont rassemblées à Bailli à Ixelles suite à l’annonce de la délocalisation du service clientèle de Deliveroo Belgique. Le syndicat CNE (Centrale nationale des Employés) et CSC-Transcom (Confédération des syndicats chrétiens) souhaitent représenter les licenciés et soutenir les livreurs de l’entreprise.

Une dizaine de coursiers, quelques représentants des syndicats CNE et CSC-Transcom et deux personnes ayant perdu leur travail se sont rassemblés ce jeudi en fin d’après-midi, à Ixelles [une des communes de Bruxelles-Capitale], à la suite de l’annonce par Deliveroo, l’entreprise bien connue de livraison de plats à domicile, de la suppression de 8 postes sur 14 de son service clientèle. «Deliveroo délocalise à Madagascar [le centre téléphonique de commande], où le salaire minimum est évidemment bien inférieur à la Belgique. Ça a déjà été fait à Londres, où ils ont délocalisé le service clientèle aux Philippines. A Paris aussi, il y a eu une délocalisation», assure une personne ayant reçu son préavis le 17 juillet.

Le rassemblement a eu lieu à 17 heures, avant le début des tournées. «Le directeur a insisté pour qu’on ne perturbe pas les commandes», confie un coursier. Qui voit cette délocalisation d’un mauvais œil: «On n’a plus de contact humain. Le lien est différent», confie Thomas (1). En effet, lorsqu’il y a un problème dans une commande, le service clientèle de Bruxelles intervenait pour aider les livreurs. «L’autre jour j’ai appelé à Madagascar, le réseau était mauvais. L’intervenant ne savait pas où se trouvait Ixelles», soupire un coursier qui a demandé à rester anonyme, par crainte de représailles.

Statut précaire et absence d’indemnités

Les syndicats CNE et CSC-Transcom ont décidé de soutenir les employés licenciés mais aussi les coursiers. Les livreurs ont deux types de statut: soit ils passent par la coopérative Smart [son slogan : «Vous créez, nous gérons»!]; soit ils ont le statut d’indépendant. Un statut que la CNE tient également à soutenir. «Pour le moment, on leur fournit surtout une aide logistique, on n’a pas d’outils juridiques pour les aider, mais ça reste des travailleurs selon nous. C’est comme le syndicalisme à ses débuts, on n’avait pas tous les outils. Ici, on s’adapte à un contexte qui évolue», commente Martin Willems, de la CNE.

Compte tenu de leur statut de travailleurs indépendants, les livreurs ne sont pas indemnisés en cas d’accident du travail, notamment. Robin en paie d’ailleurs les frais: «J’ai subi une collision avec une voiture ce mardi. J’ai la clavicule fracturée, je suis immobilisé pendant 3 à 4 mois. Deliveroo ne peut rien pour moi. Je ne suis pas assuré, je ne savais pas. Avant, j’étais employé via la Smart, j’aurais pu être en partie couvert ou recevoir un revenu. Mais Deliveroo m’a poussé à me mettre indépendant car selon eux j’étais gagnant.»

La CNE a rendez-vous avec le directeur de Deliveroo Belgique ce vendredi dans le but de discuter des licenciements mais aussi de mettre en avant les revendications des coursiers. Le syndicat dit tenir à jouer un rôle d’intermédiaire pour éviter « tout risque de représailles » envers ces derniers. L’entreprise, dont le directeur en Belgique n’a pas répondu à nos sollicitations, nous a fait envoyer un communiqué par lequel elle affirme sa fierté « d’avoir créé 46 emplois au cours des deux dernières années et de faire travailler 2500 coursiers. En raison de notre croissance très rapide à travers le monde, nous avons créé un nouveau centre mondial pour le service client à Madagascar. Il est évidemment regrettable que quiconque perde son emploi, mais nous prévoyons de continuer à développer l’entreprise et de créer de plus en plus de travail. »

(1) les prénoms ont été modifiés

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Deliveroo délocalise son service clients à Madagascar:
«Une forme d’esclavagisme moderne»

Les travailleurs, appuyés par la CSC, exigent de l’entreprise une négociation collective et la révision du projet de délocalisation.

L’appel de la CSC-Transcom et de la CNE, une trentaine de coursiers de Deliveroo se sont réunis jeudi après-midi avenue Louise, à Bruxelles, pour protester contre leurs conditions de travail et la délocalisation à Madagascar du service à la clientèle de la société de livraison à domicile de plats de restaurant. Ils demandent notamment à l’entreprise qu’elle intervienne dans leurs frais d’équipement et que ceux qui y travaillent comme indépendants puissent bénéficier d’une couverture d’assurance.

Le service à la clientèle est chargé des contacts avec les clients, les restaurants et les coursiers. Ceux-ci sont souvent en contact avec le «customer service» en cas de problème, comme lorsqu’ils ne trouvent pas une adresse, tombent sur un restaurant fermé alors que ce n’était pas prévu ou, dans les situations les plus graves, lors d’une agression ou d’un accident de la route.

Huit personnes du «service clientèle» licenciées

Des tâches qui seront bientôt effectuées, pour l’essentiel, depuis Madagascar. Raison pour laquelle huit personnes sur les quatorze que comptait le service à la clientèle ont été licenciées. Seuls les contacts avec les restaurants se feront encore depuis Bruxelles.

Les travailleurs, appuyés par le syndicat chrétien, exigent de l’entreprise une négociation collective et la révision du projet de délocalisation. Deliveroo est une «plateforme internet» de livraison de plats cuisinés. Les commandes sont réalisées via le site Web de Deliveroo ou son application mobile auprès des restaurants partenaires et sont livrées par des travailleurs indépendants ou sous statut SMART, se déplaçant à vélo.

Lors du rassemblement, plusieurs «bikers» ont pris la parole. L’un d’eux raconte avoir été poussé à travailler pendant ses examens. « J’ai l’impression que c’est une forme d’esclavagisme moderne. »

Les coursiers ont par ailleurs d’autres doléances. Ils demandent ainsi un gel des embauches pour que les «shifts» («planification des équipes») soient plus facilement accessibles. Ils sont en effet nombreux à vouloir effectuer des livraisons et il n’y a pas toujours du travail pour tout le monde.

Les «bikers» veulent également une intervention dans leurs frais d’équipement, un salaire minimum, une garantie de revenus en cas de dégâts corporels après un accident et une garantie de travail. La manifestation s’est terminée en table ronde entre syndicalistes et jeunes travailleurs. (Publié sans le quotidien belge Le Soir, en date du 27 juillet 2017)

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