161 organisations de la société civile appellent les députés européens à rejeter le pacte européen sur les migrations

Le 19 février 2024, le conseiller fédéral «socialiste» Beat Jans visite le Centre fédéral d’asile de Chiasso, ville frontière avec l’Italie. Il y expose la version helvétique du Pacte migratoire.

Déclaration conjointe

[En décembre 2023, la presse (AFP) soulignait: «Après des années de discussion et une nuit entière d’ultimes tractations, les eurodéputés et représentants des États membres sont parvenus ce mercredi matin 20 décembre 2023 un accord sur l’épineuse réforme du système migratoire européen. “Un accord politique a été trouvé sur les cinq dossiers du nouveau Pacte sur la migration et l’asile”, a écrit la présidence espagnole du Conseil de l’UE (Pedro Sanchez) sur X (ex-Twitter). La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a salué un “moment historique”. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a également évoqué un “accord historique”. La présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, s’est dite “très fière”, estimant qu’il s’agissait “probablement de l’accord législatif le plus important de ce mandat”.»

En février 2024, une première diffusion de la déclaration conjointe des organisations de «la société civile» a réuni 81 signatures. La seconde diffusion faite en ce début d’avril a recueilli 161 signatures d’organisations. Le texte de saisir le contenu effectif de cet «accord historique». Cette déclaration s’adresse aussi aux parlementaires européens censés agréer cet accord ce 10 avril 2024. – Réd. A l’Encontre]

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Malgré les avertissements de plus de 50 organisations de la société civile, les législateurs européens sont parvenus en décembre à un accord politique sur le nouveau pacte européen sur les migrations. Cet accord s’inscrit dans la continuité d’une décennie de politiques qui ont conduit à la prolifération des violations des droits en Europe. De plus, ce pacte aura des conséquences dévastatrices sur le droit à la protection internationale dans l’Union européenne et permettra des abus dans toute l’Europe, y compris le racial profiling, la détention de facto par défaut et les refoulements. Le 10 avril 2024, les député·e·s européen·ne·s auront une dernière opportunité de rejeter les dossiers lors d’un vote en plénière et de donner un signal politique contre l’adoption d’un pacte qui porterait atteinte aux droits fondamentaux.

Dans l’ensemble, les règlements introduiront un nouveau système de «gestion des migrations» dans l’UE, caractérisé par:

  • Un nombre bien plus important de demandeur·euse·s d’asile se retrouveront dans des procédures frontalières et, en raison de la «legal fiction of non-entry», ne seront pas considérés comme se trouvant sur le territoire de l’UE, ce qui entraînerait une diminution des garanties de protection et augmenterait le risque de violations des droits humains et de refoulements aux frontières. Même les enfants non accompagnés peuvent être soumis à des procédures frontalières et placés en détention «de facto» lorsque les autorités nationales les considèrent comme un «danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public». En outre, l’expérience a montré que le confinement d’un grand nombre de personnes dans les zones frontalières entraîne une surpopulation chronique et des conditions inhumaines, comme on l’a vu dans les îles de la mer Egée.
  • Grâce à l’élargissement du principe du «pays tiers sûr», les demandeur·euse·s d’asile seront déclarés irrecevables et de plus en plus souvent expulsés vers des pays extérieurs à l’UE, ce qui accroît le risque de refoulement. Dans le passé, nous avons déjà pu observer ce type d’externalisation de traitement des demandes d’asile vers des pays tiers dans des accords échoués, comme l’accord UE-Turquie.
  • En l’absence de voies d’accès sûres et régulières, les personnes en quête de sécurité sont contraintes d’emprunter des itinéraires de plus en plus dangereux, ce qui fait de 2023 l’année la plus meurtrière depuis 2015. Rien qu’en Méditerranée, plus de 2500 personnes ont été déclarées mortes ou disparues l’année dernière. Le pacte n’aborde pas cette question, mais au contraire continue à renforcer la forteresse Europe.

La société civile et des ONG de droits humains ont régulièrement fait état de violations systématiques des droits fondamentaux des personnes en quête de sécurité, en particulier des communautés racialisées, en leur refusant l’accès aux abris, aux services et à l’asile et en recourant à des refoulements en masse. Tout cela, les politiques qui cherchent à criminaliser l’aide aux réfugié·e·s et migrant·e·s, et même la mobilité en général, contribue à un rétrécissement de l’espace civique. La Commission a présenté le nouveau pacte comme une «solution» aux normes inégales dans la mise en œuvre d’un régime d’asile européen commun dans les Etats membres. Pourtant, le pacte ne fait rien pour remédier à cette situation ni pour soutenir les Etats membres qui reçoivent un grand nombre d’arrivées aux frontières extérieures. Le principe du premier pays d’entrée est maintenu, il n’y aura pas de relocalisation obligatoire des personnes sauvées – une initiative qui aurait pu apporter des solutions humaines et durables grâce à la répartition proportionnelle des demandeur·euse·s d’asile dans toute l’Europe. Au lieu de cela, les Etats membres sans frontières extérieures de l’UE peuvent éviter le partage des responsabilités en finançant la fortification des frontières dans les Etats membres frontaliers ou en finançant des projets douteux dans des pays non membres de l’UE.

La Commission européenne et les présidences espagnole et belge [Charles Michel] du Conseil ont précipité la clôture des négociations, ce qui a entraîné plus de 48 heures de négociations en trilogue et l’abandon des dernières garanties minimales par le Parlement. Ce qui reste est un cadre législatif extrêmement complexe qui n’apporte aucune solution efficace aux problèmes de gestion des migrations soulevés ces dernières années et qui ne permet pas d’assurer la sécurité des personnes. L’accord, dans ses grandes lignes, reprend tous les principes du mandat de négociation du Conseil.

Nous, soussignés, appelons les députés européens à rejeter le pacte lors du vote en plénière. Il crée un système dans lequel le droit de demander l’asile dans l’UE est gravement menacé et engendrera une prolifération à travers l’Europe de violations des droits humains contre des personnes, en raison de leur statut migratoire. (9 avril 2024)

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