Economie-essai. Stavros Tombazos et la discordance des temps

Stavros Tombazos (droite) lors d’un débat sur l’orientation politique à Chypre…

Par Michel Husson

En 1994, Stavros Tombazos publiait un livre intitulé Le temps dans l’analyse économique. Son nouveau livre, Global Crisis and Reproduction of Capital vient de paraître [1].

Le livre de 1994 a résisté à l’épreuve du temps, puisqu’il a fait l’objet d’une traduction en anglais, publiée vingt ans plus tard. Tombazos y proposait une relecture du Capital structurée comme l’articulation de trois temporalités : « Les catégories des trois livres théoriques du Capital s’inscrivent différemment dans le temps. Celles du premier livre obéissent à une temporalité linéaire et abstraite, homogène, à un temps supposé calculable, mesurable. Nous appelons ce dernier le “temps de la production”. Les déterminations du second livre s’inscrivent dans une temporalité cyclique. Les différentes catégories du “temps de la circulation” concernent la rotation de la valeur. Enfin, le troisième livre est celui du “temps organique” du capital, unité du temps de la production et du temps de la circulation. »

Cette grille de lecture est mobilisée pour confronter la logique de Marx et celle d’Hegel tout en offrant des outils méthodologiques à la compréhension du capitalisme contemporain. Tombazos indique à ce propos qu’il faut savoir « penser l’“immobilisme” du changement ». A Michel Aglietta qui propose d’éviter l’usage du terme de « reproduction », Tombazos rétorque que « valeur » et « capital » sont des éléments invariants du capitalisme.

Déjà à l’époque, le passage sur le capital porteur d’intérêt souligne ce qu’ont d’absurde les théories financiaristes qui opposent schématiquement profit industriel et profit financier. Pour Tombazos, il devrait être clair au contraire que « le profit industriel est d’abord, logiquement, « un et indivisible ; puis il se partage réellement ou idéalement entre prêteurs et emprunteurs, taux d’intérêt et profit d’entreprise. Ces deux dernières catégories, prises comme deux parties du surtravail, n’ont rien de mystérieux. Elles sont, comme le salaire et le profit, à la fois formes phénoménales de la plus-value et moments de l’imaginaire social ou moments de ce que Marx appelle “fétichisme”. »

Au-delà de ces notations méthodologiques qui conservent aujourd’hui toute leur pertinence, la proposition essentielle du livre de 1994 est que le fonctionnement du capital repose sur une « organisation autonome de rythmes. » Elle fournit ainsi une clé de lecture de la « crise de l’organisme social » comme « une sorte d’“arythmie”, c’est-à-dire une perturbation momentanée de la cohérence du système. » C’est au fond la grille qui est utilisée dans le dernier livre de Tombazos pour analyser la crise récente.

Première discordance : profit et accumulation

Il est assez fascinant de voir comment les catégories relativement abstraites élaborées par Tombazos dans son premier ouvrage sont reprises dans sa nouvelle contribution pour les appliquer à l’analyse de la crise récente et en fournir une analyse cohérente.

Le premier chapitre du livre est consacré au temps de la production, autrement dit au rapport entre rentabilité et accumulation du capital. Dans son introduction, Tombazos énonce de manière synthétique sa méthode générale : « le concept même de capital fait référence à une articulation de trois rythmes économiques fondamentaux : le rythme de valorisation, le rythme de l’accumulation et le rythme de réalisation de la valeur. La croissance capitaliste présuppose une compatibilité relative entre ces trois rythmes, et les crises économiques surviennent en raison de la divergence excessive de l’un de ces rythmes par rapport aux autres. Chaque crise économique peut être décrite comme une “arythmie organique” du système ». Encore une fois, il est frappant de voir que cette problématique reprend terme à terme celle du livre de 1994.

Tombazos analyse en détail une première discordance, entre profit et accumulation : « durant la période néolibérale, le taux de profit se redresse, mais le taux d’accumulation ne suit pas : une divergence apparaît entre la courbe du taux de profit et celle du taux d’accumulation. Le rapport entre plus-value (ou profit) et accumulation augmente. »

Ce premier fait stylisé a conduit à un débat entre marxistes, qui renvoie à la délicate question de la mesure du capital, dont on a besoin pour calculer le taux de profit et le taux d’accumulation. Tombazos évite de s’y perdre en raisonnant sur la part accumulée de la plus-value et en montrant que celle-ci baisse, à partir des données empiriques disponibles.

Un autre débat porte sur le rôle de la finance. Selon une vulgate assez largement répandue, la finance prédatrice, en prélevant une part croissante de plus-value, empêcherait le “bon” capitalisme de remplir son office, à savoir accumuler du capital. Tombazos récuse clairement cette interprétation : « c’est donc une erreur d’expliquer la divergence croissante entre le taux de profit et le taux d’accumulation, ou l’augmentation du ratio plus-value/investissement net, par l’augmentation de la part de la plus-value appropriée par le capital-argent. »

Il en propose une autre (que nous partageons) : si le capitalisme investit de moins en moins dans les activités productives, c’est « qu’il n’existe pas de nouvelles activités productives promettant un taux de profit “acceptable”. Voilà pourquoi il investit une grande partie de “sa” plus-value dans des actions d’autres secteurs, de banques, de fonds d’investissement, etc. La hausse des intérêts et des dividendes en tant que part de la plus-value est le symptôme et non la cause de la divergence » entre profit et accumulation.

Tombazos en revient à nouveau à Marx et en particulier au chapitre du livre II du Capital intitulé « Les métamorphoses du capital et leur cycle », dont il cite ce passage : « le cycle total se présente, pour chaque forme fonctionnelle du capital, comme étant son cycle spécifique, et le fait est que chacun de ces cycles conditionne la continuité du procès total. La rotation d’une forme fonctionnelle conditionne l’autre. Il est indispensable pour le procès de production total, en particulier pour le capital social, qu’il soit en même temps procès de reproduction, et par conséquent cycle de chacun de ses moments (…) Les formes sont donc des formes fluides, et leur simultanéité est l’œuvre de leur succession [2]. »

La leçon qu’en tire Tombazos est méthodologiquement importante : « il faut lire les trois circuits de chaque capital individuel, et aussi ceux du capital social, non seulement horizontalement (comme une transformation ou métamorphose de chaque forme fonctionnelle), mais aussi verticalement (comme la coexistence simultanée de chaque forme fonctionnelle). »

 

 

Deuxième discordance : exploitation et débouchés

L’articulation entre les chapitres 2 et 3 se fait autour de la mise en lumière d’un second fait stylisé : « la part de la consommation privée dans le PIB semble évoluer indépendamment de la part des salaires dans le PIB. Ainsi, depuis les années 1980, le ratio consommation privée/part des salaires augmente dans toutes les grandes régions du monde développé. »

Comment expliquer cette nouvelle discordance ? Tombazos envisage plusieurs mécanismes possibles : l’entrée de capitaux dans les pays concernés ; une baisse du taux d’épargne des ménages ; une augmentation de la consommation des capitalistes. Aucun de ces trois facteurs ne lui semble suffisant, et il va mettre l’accent sur un quatrième, à savoir « l’augmentation de la part du profit industriel transférée aux couches sociales à revenu moyen ou faible (salariés, travailleurs indépendants, etc.) sous forme de crédit à la consommation. »

Tombazos opère alors un nouveau va-et-vient entre données empiriques et schémas théoriques. Après avoir rappelé la logique des schémas de la reproduction de Marx, il en propose une extension qui prenne en compte son hypothèse centrale. D’une certaine manière, il reprend ici les analyses de Costas Lapavitsas [3], qui parle d’« exploitation directe » à travers l’endettement des salariés, mais les insère dans un schéma rigoureux.

Les schémas de reproduction de Marx ont pu donner lieu à des lectures fautives en les interprétant comme un modèle de « croissance équilibrée ». Mais ces schémas étaient utilisés par Marx pour montrer, au contraire, l’inéluctabilité des crises. Il en va de même pour Tombazos qui les réinterprète dans sa logique temporelle.

Une chose est en effet de construire un schéma de reproduction adéquat au capitalisme néo-libéral, une autre est d’en déduire qu’il est soutenable. Autrement dit, ce schéma déséquilibré avait une durée de vie limitée : « il épuisera son horizon temporel absolu dès que la proportion des salaires disponibles diminuera jusqu’au point où la reproduction de la force de travail ne sera plus compatible avec le service de la dette. » Et cet horizon temporel se rapproche en fonction de quatre paramètres : 1. hausse du taux de plus-value ; 2. hausse de la part de la plus-value provenant du service de la dette ; 3. hausse du taux d’intérêt ; 4. baisse de la période de service de la dette.

Le schéma n’a pas eu le temps d’atteindre sa limite et il s’est effondré à partir du moment où les « marchés » ont « commencé à douter que les droits accumulés sur les salaires futurs seront remboursés ». Cette analyse conduit à une lecture de la crise qui fait jouer un rôle prépondérant à l’endettement des ménages : certes, il a permis dans un premier temps de soutenir la demande dans un contexte de gel des salaires, mais il est venu se briser sur la réduction du revenu disponible des ménages. Ainsi, dès le début, « le schéma de reproduction néolibéral avait une date d’expiration. » Sa crise « se manifeste initialement dans sa dimension financière, comme une accumulation de dettes privées insoutenables. »

Troisième discordance: marxisme orthodoxe et marxisme dialectique

Tombazos souligne à plusieurs reprises que la crise actuelle ne découle pas de la loi de baisse tendancielle du taux de profit, à la différence de celle du milieu des années 1970. Mais il y a pour lui un lien entre les deux, dans la mesure où « la crise actuelle résulte des politiques mises en place pour faire face à la chute de la rentabilité dans les années 1970. » Elle est en somme « la crise de la réponse néo-libérale à la crise des années 1970 ».

Faut-il alors faire de Tombazos un “sous-consommationiste” ? C’est en général le reproche que les marxistes “orthodoxes” adressent à ceux qui refusent de rapporter la crise à la seule baisse du taux de profit. Ces derniers seraient des disciples de Rosa Luxemburg (dans le meilleur des cas), et même peut-être des réformistes keynésiens. Mais cela revient à ne pas comprendre la logique même des schémas de reproduction dont Tombazos résume ainsi l’idée de base : « un schéma de reproduction du capital ne peut se perpétuer que si l’offre de valeurs marchandes des différents secteurs productifs correspond à une répartition des revenus qui assure plus ou moins leur réalisation. » Il donne ensuite cet exemple qui montre bien comment sa lecture de Marx s’articule avec les différentes temporalités du capital : « si la valeur des produits destinés à la consommation de la classe ouvrière ne peut pas être réalisée ou reconnue socialement parce que la répartition des revenus ne permet pas leur achat à leur valeur, le rythme de réalisation de la valeur ralentit. Les trois rythmes du capital ne sont pas compatibles les uns avec les autres. La crise économique n’est rien d’autre que cette “arythmie” ».

Dans la lignée d’Ernest Mandel (à qui est dédié son livre), Tombazos récuse toute interprétation monocausale de la crise. Et toute son élaboration, autour de la notion d’« arythmie », tend justement à montrer que le schéma de reproduction, même le plus cohérent a priori, peut se « détraquer » à un point quelconque du circuit. En l’occurrence, la cause du déclenchement de la crise contemporaine est pour lui « le ralentissement structurel du rythme de réalisation de la valeur relativement au rythme de valorisation de la valeur. »

Quatrième discordance : plus-value et capital fictif

Fidèle à sa méthodologie consistant à aller de l’abstrait au concret, en cherchant à « approcher la réalité en introduisant progressivement dans l’analyse les difficultés que pose sa compréhension », Tombazos consacre la seconde moitié de son livre aux instruments qui ont rendu possible la crise financière.

La description des divers instruments financiers (produits dérivés, titrisation, etc.) est après tout bien connue, mais Tombazos en restitue à merveille le fondement, qui est une forme d’aveuglement idéologique, voire métaphysique. Il écrit ainsi que : « les produits financiers dérivés obscurcissent tellement la réalité que toute tentative de compréhension scientifique dégénérait facilement en une sorte de géométrie métaphysique dans laquelle même la quadrature du cercle semblait réalisable. Plus précisément, la compréhension fragmentaire de la réalité adoptée par l’approche dominante (ultra-mathématisée mais en fin de compte métaphysique) donnait l’illusion que le déplacement du risque financier équivalait à sa disparition. »

La dérive de la finance reposait effectivement sur une première illusion, assez stupide si on y réfléchit, selon laquelle il suffisait de faire tourner le risque pour qu’il soit possible de l’oublier. Les différentes institutions se repassaient ainsi la patate chaude, mais « ce transfert continu du risque vers l’Autrui généralisé [4], loin de constituer une gestion rationnelle du risque, transforme le risque individuel en risque social, le risque privé en risque systémique, le risque local en risque national et global. L’Autrui généralisé, c’est nous tous, c’est le système global. »

Plus fondamentalement, tout reposait sur une autre illusion, à savoir que l’argent peut créer de l’argent sans passer par la case exploitation. Pour dissiper cette représentation fantasmagorique que la finance capitaliste a d’elle-même, il faut disposer d’une théorie de la valeur, marxiste en l’occurrence, qui permet de comprendre pourquoi les revenus réels tirés de la finance ne peuvent être qu’une fraction de la plus-value, comme Tombazos y insistait déjà dans son livre de 1994.

L’oubli de cette réalité permet le développement d’un capital fictif, pour reprendre le terme de Marx, qui se présente comme une énorme accumulation de droits de tirage sur une plus-value qui n’a pas été encore créée. La crise intervient quand on s’aperçoit qu’elle ne pourra jamais l’être. Tombazos ne fait donc que paraphraser Marx quand il écrit que « le capital-argent est intégré au capital industriel : ce n’est pas une entité indépendante. Toutefois, du point de vue de son propriétaire, l’argent qu’il a prêté à l’industriel semble présenter la propriété “(méta)physique” de se multiplier avec le temps. »

Le capital fictif donne naissance à des droits de tirage virtuels, ce que Tombazos appelle une « valeur toxique » dont le volume « n’est pas donné à l’avance. C’est l’objet d’un conflit social. » Il s’agit là d’une dimension essentielle pour l’analyse de la période post-crise : l’un des objectifs des politiques menées est en effet, dans une large mesure, d’empêcher « la dépréciation de ce “capital toxique” », bref de défendre le capital fictif.

Cinquième discordance : la zone euro et la Grèce

Stavros Tombazos (qui est chypriote) a fait partie de la « Commission pour la vérité sur la dette grecque ». Il n’est donc pas étonnant que la crise du système-euro soit en grande partie examinée à travers le prisme grec. Tombazos récuse la responsabilité d’une dette publique excessive dans le déclenchement de la catastrophe grecque. Le mécanisme pervers a en réalité été le suivant : l’homogénéisation des taux d’intérêt nominaux a conduit à une baisse massive des taux d’intérêt réels dans les pays périphériques, en raison de leurs taux d’inflation plus élevés. Cette baisse a déclenché une bulle immobilière, qui s’est gonflée jusqu’au moment où les capitaux étrangers ont brusquement cessé de venir financer les déficits commerciaux. C’est le sauvetage des banques privées qui a ensuite conduit à l’explosion de la dette publique.

On ne peut que souscrire à cette analyse, mais elle est sans doute incomplète car elle ne prend pas en compte l’une des principales tares du système-euro. Il était prévisible que le rattrapage de la part des pays périphériques (qui s’est effectivement produit dans un premier temps comme le signale Tombazos) entraînerait un creusement de leurs déficits commerciaux. Dans la version optimiste, les entrées de capitaux devaient s’investir dans les économies périphériques et engendrer des gains de productivité qui permettraient une convergence réelle. Mais, en raison aussi de la baisse des taux d’intérêt réels, les capitaux sont allés s’investir dans des secteurs à faible potentiel en termes de productivité, avant de refluer.

Cette question de la productivité est sans doute le point obscur du livre. C’est seulement dans sa conclusion que Tombazos évoque le ralentissement des gains de productivité : « et, évidemment, le rythme de progression de la productivité du travail est à un bas niveau, sans précédent dans les trois principaux pôles des économies avancées. » Mais ce phénomène n’est pas apparu avec la crise récente. L’un des traits essentiels de la période du capitalisme néo-libéral est en effet un ralentissement tendanciel des gains de productivité. Or, ces derniers sont un élément essentiel de la dynamique du taux de profit. Et si, comme le souligne Tombazos, il n’y a pas eu de tendance à la baisse du taux de profit, c’est que tous les dispositifs mis en place (mondialisation, financiarisation, exploitation accrue, inégalités, endettement, etc.) étaient nécessaires pour garantir le taux de profit en dépit de ces gains de productivité déclinants.

Sixième discordance : capitalisme et sortie de crise

Dans le chapitre de conclusion, Tombazos condense les principales thèses de son livre et les applique à la trajectoire à venir du capitalisme. Il est clair pour lui que la sortie de crise ne peut passer par un approfondissement du néo-libéralisme, encore moins par l’adjonction de mesures d’encadrement du système bancaire. Tombazos constate que le taux de profit s’est rétabli depuis la grande récession, à des niveaux supérieurs à ceux d’avant la crise, mais que l’écart avec le taux d’accumulation s’est encore creusé. Cela veut dire que le schéma de reproduction néo-libéral fonctionne, mais au ralenti : la régulation plus stricte des banques et la stabilisation du taux d’endettement des ménages contribuent au ralentissement de l’accumulation.

Mais, comme il n’existe pas pour le capitalisme de modèle de rechange, « la reproduction néolibérale du capital ne réussit à perdurer qu’avec le soutien de politiques économiques qui créent de nouvelles “bulles” ainsi que des catastrophes sociales. Nous vivons dans l’impasse d’un schéma de reproduction dominé par le capital-argent, dont l’existence n’est possible qu’au prix de sévères récessions périodiques, de régressions sociales et de crises politiques. » 

Post-scriptum

Stavros est un ami, encore plus depuis notre participation commune aux travaux de la Commission pour la vérité sur la dette grecque. Mais nous étions depuis longtemps en connivence intellectuelle. La lecture de son livre de 1994 a influencé ma réflexion, de manière peut-être subliminale, comme c’est souvent le cas au sein d’un collectif de pensée. Nous partageons par exemple la même dette à l’égard d’Ernest Mandel dont on retrouve la trace dans beaucoup de nos travaux, ainsi qu’aux autres dédicataires des livres de Stavros : Daniel Bensaïd, Georges Labica et Jean-Marie Vincent.

 

 

Nos échanges informels à Athènes (où Stavros a tenté – en vain – de m’initier à la logique de Hegel) ont sans doute contribué à rapprocher encore un peu plus nos points de vue. C’est la raison de ce petit addendum qui explique pourquoi cette recension est peu critique et pourrait même être suspecte de complaisance. Il se trouve seulement que je partage la plupart des propositions du livre. Cependant, la dernière section de cet article montre qu’il existe encore des différences d’approche, sans doute parce que Stavros est sans doute au moins autant un philosophe qu’un économiste. Il me semble qu’il est possible d’articuler une lecture du capitalisme contemporain avec l’évolution de la productivité, autrement dit à insister sur son incapacité croissante à dégager des gains de productivité. Il y a là une autre temporalité qu’il faudrait combiner avec les temps du capital mis en lumière par Stavros.

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[1] Stavros Tombazos, Le temps dans l’analyse économique. Les catégories du temps dans Le Capital, édition Société des Saisons. Traduction anglaise : Time in Marx. The Categories of Time in Marx’s Capital, Brill, 2014. On peut se reporter à deux recensions, celle de Daniel Bensaïd, « Le sens des rythmes », Daniel Bensaïd, Lignes n°95, 1994 ; et celle de Maxime Durand, « Les temps du capital », Critique communiste n°142, 1995.

Stavros Tombazos, Global Crisis and Reproduction of Capital, Palgrave Insights into Apocalypse Economics, 2019.

[2] Karl Marx, Le Capital, Livre II, p.93.

[3] Costas Lapavitsas, Profiting without Producing. How Finance Exploits Us All, Verso, 2013.

[4] Tombazos fait ici référence au concept de Generalized other développé par George H. Mead dans Mind, Self, and Society, 1934.

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