Environnement. L’exploitation minière en eaux profondes menace bien plus que les fonds marins

Un précédent article de Climate&Capitalism, «Blue Accelaration: Capitalism’s growing assault on the oceans» [voir la traduction française sur ce site: «L’accélération bleue, un nouvel élan capitaliste pour une industrialisation des océans»], affirmait que le monde entre dans «une nouvelle phase dans la relation de l’humanité avec la biosphère, où l’océan n’est pas seulement crucial mais est en train de subir un changement fondamental». Cet article cite des recherches qui décrivent et illustrent la volonté croissante du capital d’industrialiser les océans et les fonds marins – un processus que certains scientifiques ont appelé l’«Accélération bleue».

Un article publié cette semaine dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (Actes de l’Académie nationale des sciences) ajoute une urgence supplémentaire, en montrant que l’exploitation minière en eaux profondes présente des risques importants pour les vastes écosystèmes des eaux intermédiaires qui se trouvent bien au-dessus des sites des fonds marins où l’exploitation minière est prévue. Le résumé suivant est basé sur des documents fournis par l’Université de Hawaï.

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L’intérêt pour l’exploitation minière en eaux profondes du cuivre, du cobalt, du zinc, du manganèse et d’autres métaux précieux a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie et de nouvelles activités minières devraient commencer sous peu. L’exploitation minière en eaux profondes présente des risques importants, non seulement pour la zone immédiatement voisine des opérations minières, mais aussi pour l’eau située à des centaines ou des milliers de pieds [un pied = 0,3048] au-dessus du fond marin, ce qui menace de vastes écosystèmes d’eaux intermédiaires.

Actuellement, 30 licences d’exploration couvrent environ 580’000 miles carrés [1 mille carré = 2,5899 kilomètres carrés] du fond marin en haute mer et certains pays envisagent également une exploitation dans leurs propres eaux. Jusqu’à présent, la plupart des recherches visant à évaluer les impacts de l’exploitation minière ainsi que les enquêtes de référence sur l’environnement se sont concentrées sur les fonds marins.

Cependant, de grandes quantités de boue et de produits chimiques dissous sont libérées pendant l’exploitation minière et les gros équipements produisent un bruit extraordinaire, qui se propage en hauteur et en largeur. Malheureusement, il n’y a eu presque aucune étude des effets potentiels de l’exploitation minière au-delà de l’habitat immédiatement adjacent aux activités d’extraction.

«C’est un appel à toutes les parties prenantes et à tous les gestionnaires», a déclaré le professeur d’océanographie Jeffrey Drazen, auteur principal de l’article. «L’exploitation minière est sur le point d’aller de l’avant, mais nous manquons de preuves scientifiques pour comprendre et gérer les impacts sur les écosystèmes pélagiques profonds, qui constituent la majeure partie de la biosphère. Des recherches supplémentaires sont nécessaires très rapidement.»

Les eaux intermédiaires profondes de l’océan mondial représentent plus de 90% de la biosphère, contiennent 100 fois plus de poissons que les prises mondiales annuelles, relient les écosystèmes de surface et les fonds marins et jouent un rôle clé dans la régulation du climat et les cycles des nutriments. Ces services écosystémiques, ainsi qu’une biodiversité incalculable, pourraient être négativement affectés par l’exploitation minière. Le document donne un premier aperçu des menaces potentielles qui pèsent sur ce système.

«Hawaï est situé au milieu de certains des endroits les plus probables pour l’exploitation minière en eaux profondes», a déclaré Jeffrey Drazen. «L’étude actuelle montre que l’exploitation minière et ses impacts environnementaux ne se limitent peut-être pas aux fonds marins à des milliers de pieds sous la surface, mais pourraient également menacer les eaux situées au-dessus des fonds marins. Les dommages causés aux écosystèmes des eaux intermédiaires pourraient affecter les pêcheries, libérer des métaux dans les chaînes alimentaires qui pourraient alors entrer dans notre approvisionnement en fruits de mer, modifier la séquestration du carbone dans les profondeurs de l’océan et réduire la biodiversité qui est essentielle au bon fonctionnement de nos océans environnants.» (Article publié sur le site Climate&Capitalism, le 10 juillet 2020; traduction rédaction A l’Encontre)

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