Le président voulait que sa résidence retrouve de l’éclat, c’était avant Houston et l’ouragan Harvey. Mais d’après notre critique en design, un tapis ennuyeux, un papier peint grège et deux aigles gigantesques ne vont pas contribuer à ce que la Maison Blanche retrouve sa grandeur. Finalement vivent les décors floraux sympas de Nancy Reagan.
Donald Trump aurait décrit la Maison Blanche qu’il a héritée de l’administration Obama comme étant «un véritable dépotoir». Pour un homme ayant l’habitude de vivre dans un appartement terrasse de «rêve» avec des colonnes dorées, des chandeliers suspendus et des angelots qui pendent du plafond, le décor du numéro 1600 de Pennsylvania Avenue pouvait paraître un peu terne. Il a donc saisi l’occasion de ses vacances d’été pour convoquer les décorateurs pour une rénovation de 3,4 millions de dollars, dont les résultats ont été dévoilés cette semaine.
Ceux qui s’attendaient à une vision opulente analogue à l’extravagance de son nid d’aigle à la Trump Tower ou au faste de son hôtel de Mar-a-Lago seront déçus. Pour une fois, il semble que le constructeur milliardaire ait fait preuve d’une relative retenue en ce qui concerne le design domestique.
Le papier peint à rayures jaunes du bureau ovale d’Obama a été arraché et remplacé par un truc damassé gris crème choisi par le président Trump lui-même, comme l’ont souligné avec enthousiasme ses aides. Et ils ont ajouté: «Le papier peint d’Obama était très abîmé. Il y avait beaucoup de taches», comme pour suggérer que les précédents occupants n’étaient que des rustres irresponsables qui aspergeaient les murs de divers liquides
Trump voulait «ramener de l’éclat et de la gloire» à ce lieu. D’après la philosophie de la Trumpitecture, l’éclat et la gloire se manifestent sous la forme de rideaux dorés (installés en janvier) et un tissu d’ameublement aux nuances dorées, qui orne actuellement le bureau du président.
Ailleurs, 6000 mètres de nouveaux tapis ont été déroulés le long de la résidence tentaculaire, présentant «un médaillon floral inspiré par l’architecture de la Maison Blanche et la Rose Garden». Le vieux tapis brun tout simple d’Obama n’était visiblement pas assez chatoyant ni assez glorieux, mais la nouvelle version, plus chargée, rappelle plutôt celle d’une chaîne d’hôtels de moyenne gamme. Il semble que l’hôtelier Trump soit à l’aise avec ce look: une surface ornée, mais en fin de compte fade, sans relief, mais utile pour cacher les taches.
Les assistants obséquieux de Trump n’ont pas manqué de se répandre en éloges online. «La Roosevelt Room nouvellement décorée de la Maison Blanche a l’air fantastique», roucoulait Cliff Sims, l’assistant spécial du président. Il ne sort probablement pas beaucoup. Les photos jointes qu’il a tweetées ont l’air de sortir droit de la brochure d’un centre de conférence d’entreprise: des lumières renfoncées émettent une lumière éblouissante depuis un plafond suspendu, alors que les murs sont baignés de cette nuance grège omniprésente.
L’extérieur de la Maison Blanche a également été rafraîchi, décapé et blanchi comme l’intérieur. Les escaliers en pierre vétustes du portique sud ont été remplacés par des marches flambant neuves, qui ont l’air de sortir des nombreux Mcmanoirs chinois prenant modèle sur la Maison Blanche. La belle glycine qui tombait en cascade a été sauvagement rabattue – visiblement avec sa phobie des germes, Trump trouvait insupportable l’idée que la nature puisse faire irruption dans son étincelant manoir blanc.
Depuis que Thomas Jefferson a remplacé les toilettes extérieures par des toilettes modernes avec des chasses d’eau et ajouté des rangées de colonnades classiques à la modeste demeure, les familles présidentielles entrantes ont pris l’habitude de laisser leur marque sur la résidence officielle. Jackie Kennedy est devenue célèbre en lançant le rôle de première dame en tant que femme d’intérieur pour la nation. Elle a engagé les services de la décoratrice mondaine Sister Parish pour remplir la maison de panneaux de papier peint antiques et de tissus d’ameublement festonnés, créant une série de scènes théâtrales qui culminaient dans son vestiaire en soie bleue, avec une chaise longue capitonnée et une couverture en peau de léopard.
Nancy Reagan a engagé le décorateur intérieur Ted Graber pour apporter à la Maison Blanche une dose de glamour hollywoodien des années 1980. Elle a rempli le vestiaire de tissus floraux, noyé son bureau dans une symphonie pistache et recouvert les murs de la chambre à coucher de papier à chinoiseries peintes à la main.
Richard Nixon a fait construire une salle de bowling en sous-sol. Gérald Ford a ajouté une piscine extérieure, alors que Barack Obama a installé des paniers de basketball sur la cour de tennis de George Bush senior. Au moins jusqu’à maintenant, les Trump ont fait preuve de retenue – peut-être parce qu’ils ne passent de toute manière pas beaucoup de temps à la Maison Blanche.
Il y a tout de même un indice révélateur, ce sont les aigles. Beaucoup d’aigles, partout. Perchés sur des piédestaux, leurs serres agrippées à des rochers dorés, un duo alarmant d’aigles d’un mètre de haut accueille les visiteurs de la Roosevelt Room, becs grands ouverts, ailes déployées, prêts à l’attaque. Un aigle doré regarde aussi depuis le haut du plafond du Bureau ovale, agrippant un chandelier dans ses serres, comme s’il allait le propulser contre tout chef d’Etat non coopératif.
Obama avait rempli la Maison Blanche d’art moderne et contemporain, avec des peintures de Josef Albers et Robert Rauschenberg et installé des sculptures d’artistes natifs et africains américains. Pour Trump, l’aigle fait sans doute partie de sa campagne pour plus d’éclat et de gloire et souligne son désir que la demeure ait un air plus «patriotique». Pourtant, ce penchant pour les aigles est un choix étrange compte tenu de l’incident embarrassant qu’a vécu le président avec cet oiseau de proie: une vidéo le montre posant avec un aigle, qui l’attaque ensuite, et cette vidéo a été regardée plus de 3 millions de fois.
Mais il suffit de se rapporter aux mots d’un des pères fondateurs du pays, Benjamin Franklin, pour se rendre compte que l’aigle est finalement un symbole tout à fait approprié pour le président Trump. En 1784, Benjamin Franklin écrivait à sa fille: «J’aurais préféré que l’aigle ne soit pas choisi en tant que représentant de notre pays. C’est un oiseau dont le caractère moral est médiocre, il ne gagne pas sa vie honnêtement. Il est “trop paresseux” pour pêcher lui-même», alors il attend perché sur une branche et vole les proies d’autres oiseaux, «comme ces gens qui vivent en trichant et en volant, il est en général pauvre et souvent très pouilleux, sans compter qu’il est lâche.» (Article publié dans le quotidien The Guardian en date du 24 août 2017; traduction par rédaction A l’Encontre)
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