Etats-Unis. Trump prépare l’ajournement du Congrès pour imposer ses hommes à l’administration

Par Chris Walker

Rencontrant la presse, mercredi 15 avril à la Maison Blanche, le président Donald Trump a accusé les démocrates de refuser la plupart des nominations qu’il propose. Si des centaines de postes sont effectivement vacants, c’est qu’il n’a nommé personne pour les occuper.

Et ce sont des commissions contrôlées par les républicains qui ont rejeté certains de ceux qu’il a tenté de nommer. Et ce sont les démocrates qu’accable Trump lors de sa conférence de presse.

Indifférent à l’impéritie de ses assertions, le président a menacé de recourir à une disposition constitutionnelle peu connue (et jamais utilisée) qui lui permettrait d’imposer l’ajournement du Congrès pour profiter de cette vacance. Ce qui lui permettrait de désigner ses candidats en évitant les commissions parlementaires.

Pour justifier d’envisager agir ainsi dans l’urgence, Trump s’est servi de la pandémie de coronavirus. «S’ils ne s’activent pas à faire embaucher ces personnes dont nous aurions besoin en tout temps, mais dont le besoin est gravement accru en raison de la pandémie, nous allons devoir faire quelque chose», a-t-il menacé.

Le président a reconnu qu’il serait mis sur la sellette et contesté s’il recourt à cette disposition. «Nous devrons probablement affronter les tribunaux», a déclaré Trump, «et nous bien verrons qui gagne.»

L’article II, alinéa 3, de la Constitution américaine autorise en effet le président à procéder à l’ajournement d’une ou des deux chambres du Congrès. Mais cette disposition stipule que la Chambre des représentants et le Sénat doivent être en désaccord «sur la date de leur ajournement» [1]. Or, à ce jour il n’existe aucun différend de cet ordre, et la Constitution ne comporte aucun élément autorisant un président à y procéder pour d’autres raisons et encore moins pour imposer la nomination de cadres de l’administration.

Après que Trump a annoncé son projet, plusieurs experts ont étudié la question et se sont exprimés sur les réseaux sociaux ou ont accordé des interviews.

«L’article II de la Constitution donne au président le pouvoir d’ajourner le Congrès si – et seulement si – la Chambre et le Sénat ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une date de clôture de la session en cours», a tweeté Stephen Vladeck, professeur à la faculté de droit de l’Université du Texas «Mais ils se sont bien mis d’accord, sur la date du 3 janvier 2021.»

Laurence Tribe, professeur à la Harvard Law School, la faculté de droit de Harvard [2], a fait valoir que cette prise de pouvoir par Trump pourrait causer un tort considérable au peuple américain. «Ces menaces vides que profère Trump – contrôler les gouverneurs; ordonner l’ajournement le Sénat – sont loin d’être innocentes», a écrit Tribe. «Elles détournent et distraient l’attention et lui permettent de tester le terrain pour chercher à se tirer d’affaire. En attendant, des Américains souffrent et meurent.»

Au Congrès également des députés sont intervenus sur la question. Le représentant Jamie Raskin, un démocrate du Maryland, a expliqué au Washington Post que le plan de Trump pour «dissoudre une assemblée» sort tout droit «d’un manuel de dictateur». «C’est un procédé de république bananière», a ajouté Raskin [3].

De l’autre côté du spectre politique, le représentant conservateur Justin Amash (Indépendant, ayant quitté le Parti républicain en 2019-Michigan), a lui aussi dénoncé l’illégalité du projet de Trump. «Sans l’appui d’aucune des deux chambres, ce scénario indécent est inconstitutionnel. Le président ne dispose d’aucun pouvoir lui permettant d’ajourner le Congrès», a tweeté Amash.

Pour certains commentateurs les récentes déclarations de Trump sont de plus en plus alarmantes, son comportement est plus celui d’un roi que celui d’un responsable démocratiquement élu. La semaine dernière, en effet, Trump a proclamé qu’il dispose de l’autorité «totale» pour décider la fin du confinement et le redémarrage des entreprises impactées par la pandémie aux Etats-Unis – une allégation qu’ont réfutée les experts. (Article publié sur le site de Truthout, 16 avril 2020; traduction rédaction A l’Encontre)

Chris Walker tient la rubrique «Tendances actuelles» à Truthout. Il est un journaliste freelance traitant l’actualité et la politique.

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[1] «Il pourra, dans des circonstances extraordinaires, convoquer l’une ou l’autre des Chambres ou les deux à la fois, et en cas de désaccord entre elles sur la date de leur ajournement, il pourra les ajourner à tel moment qu’il jugera convenable.»

[2] La Faculté de droit de Harvard est régulièrement classée dans les dix meilleures facultés de droit au monde. En 2019, le World University Ranking la place en tête devant les universités de Cambridge et Oxford. L’U.S. News rankings of the top law schools de 2019 la classe en troisième position.

[3] Et l’impérialisme étasunien est orfèvre en la matière qui a durant des décennies formaté des Etats latino-américains aux intérêts de ses grandes entreprises, et notamment bananières comme l’United Fruit.

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