Etats-Unis. «Le contribuable moyen a versé 5109 dollars pour le militarisme et ses composantes»

F-35 de Lockheed Martin

Par Lindsay Koshgarian

Chaque année, au moment de la perception des impôts, le National Priorities Project de l’Institute for Policy Studies publie un relevé fiscal pour montrer où va l’argent de l’impôt fédéral sur le revenu.

Chaque année, le militarisme, sous toutes ses formes, est l’une des principales dépenses figurant sur ce relevé. Qu’il s’agisse de la guerre et des armements, des expulsions de migrants et des détentions, des prisons et du maintien de l’ordre, les choix budgétaires faits par le Congrès signifient que chaque contribuable des Etats-Unis participera fiscalement à ces systèmes de violence et d’oppression. En comparaison, presque tous les programmes gouvernementaux constructifs – de la santé publique à la protection de l’environnement, en passant par l’éducation et la gestion des catastrophes – sont terriblement sous-financés.

En 2023, le contribuable moyen aura contribué à hauteur de 5109 dollars au militarisme et à ses composantes, notamment la guerre et l’armée, la sécurité intérieure, les forces de l’ordre fédérales et les programmes destinés aux anciens combattants. La plus grande partie de ce montant est destinée au Pentagone lui-même, avec 2974 dollars. Plus de la moitié de cette somme, soit 1748 dollars, va aux entreprises qui bénéficient du militarisme américain. C’est plus que le loyer mensuel moyen aux Etats-Unis.

Le contribuable moyen donne plus au plus grand entrepreneur du Pentagone, Lockheed Martin (249 dollars), qu’au crédit d’impôt pour enfants (110 dollars). C’est ce programme qui a permis de réduire de près de moitié la pauvreté des enfants lorsqu’il a été brièvement étendu pendant la pandémie de Covid. L’expansion du crédit d’impôt pour enfants aurait un impact bien plus important que l’injection de fonds supplémentaires dans Lockheed Martin. Et pourtant le fabricant d’armes continue de profiter des dépenses gonflées du Pentagone, avec 9 milliards de dollars de dividendes aux actionnaires et de rachats d’actions en 2023.

De même, le contribuable moyen donne plus pour les contrats du Pentagone avec Boeing (87 dollars) que pour la Federal Aviation Administration (23 dollars), l’agence responsable de la sécurité des compagnies aériennes commerciales. C’est dommage, car Boeing a connu ces dernières années une série de défaillances en matière de sécurité sur ses vols commerciaux, allant de l’écrasement d’avions à leur désintégration en plein vol. Des experts de l’aviation et des lanceurs d’alerte ont révélé que Boeing avait à plusieurs reprises privilégié le profit au détriment de la sécurité.

Il y a ensuite SpaceX, l’un des nombreux projets de prestige d’Elon Musk. SpaceX est un acteur relativement nouveau et mineur dans le jeu des contrats du Pentagone, de sorte que le contribuable moyen n’a payé que 12 dollars pour les contrats de la NASA et le Pentagone réunis avec SpaceX. C’est toujours plus que le montant des impôts pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Avec moins de 11 dollars, la «facture fiscale» moyenne pour les énergies renouvelables témoigne de l’échec cuisant des politiques publiques à s’attaquer aux causes profondes du changement climatique.

La liste est longue. Outre les fournisseurs du Pentagone, les contribuables paient un montant de 110 dollars chacun pour l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) et la Customs and Border Protection (CBP), soit les agences responsables des expulsions et des détentions qui criminalisent l’immigration et harcèlent les communautés d’immigré·e·s. Si l’on compare ce chiffre aux 29 dollars alloués à l’aide aux réfugiés, il apparaît clairement que le système d’immigration punitif des Etats-Unis est un choix politique qui découle directement des choix budgétaires.

D’autres choix qui financent le militarisme et le contrôle au lieu de solutions humaines sont tout aussi frappants. Le contribuable moyen a contribué davantage aux prisons fédérales (32,29 dollars) qu’aux programmes de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie (31,69 dollars). Etant donné que la grande majorité des personnes incarcérées ne se trouvent pas dans des prisons fédérales, mais dans des prisons d’Etat et des prisons locales, la disparité est en fait bien plus grande que cela. Néanmoins, la comparaison montre que les décideurs ne voient rien de mal à emprisonner les personnes souffrant de maladies mentales et de troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives, plutôt que de leur assurer un traitement.

Et bien sûr, il y a le coût de la guerre. Depuis le début du siècle, les Etats-Unis ont presque toujours été en guerre ou ont apporté un soutien majeur à la guerre de quelqu’un d’autre. En 2023, le contribuable moyen aura versé 112 dollars aux armées étrangères. Comparez ce chiffre aux 58 dollars que le contribuable moyen consacre aux efforts diplomatiques visant à mettre fin aux guerres et à les prévenir.

L’exemple actuel le plus dévastateur est le soutien des Etats-Unis à l’assaut militaire d’Israël contre Gaza, par le biais d’une aide militaire à Israël qui s’élève à 3,8 milliards de dollars cette année et qui pourrait grimper bien plus haut si le Congrès adopte la législation actuellement en cours de négociation.

L’année dernière, sans aucune aide militaire supplémentaire à Israël, le contribuable moyen aura versé plus de 14 dollars à l’armée israélienne. Cela n’améliore la sécurité de personne. C’est également le même montant que les contribuables ont consacré à la gestion des incendies de forêt, bien que ces derniers aient tué 183 Américains en 2023.

Ces priorités sont erronées. Les conséquences sont une dévastation absolue à Gaza, des souffrances et des traumatismes inutiles à la frontière des Etats-Unis et dans les communautés d’immigrés, et une qualité de vie pour les résidents ordinaires qui n’est pas ce qu’elle devrait être – que cela signifie moins de fonds disponibles pour réduire la pauvreté des enfants, moins de ressources pour la santé mentale ou une perte de priorité fédérale face à la crise climatique à de ses impacts directs.

La solution réside dans un budget qui modifie ces priorités pour se désengager du militarisme et investir dans les besoins humains ici et dans le monde entier – ce qui n’est possible que si les contribuables jouent un rôle plus actif. Dans le cadre de la résistance actuelle au soutien des Etats-Unis à l’assaut d’Israël sur Gaza, certaines personnes envisagent la résistance fiscale, c’est-à-dire la retenue des impôts qui soutiennent la guerre d’Israël. D’autres continuent à participer aux appels au Congrès et aux manifestations de masse pour dire clairement et systématiquement au président Biden et au Congrès où ils veulent que l’argent de leurs impôts aille – et où ils ne veulent pas aller. (Article publié sur le site Truthout le 14 avril 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

Lindsay Koshgarian est directrice de programme du National Priorities Project.

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