Etats-Unis. A propos de l’accord de compromis de l’ILA et la fin de la grève

Par Kim Moody

Kim Moody propose quelques réflexions initiales sur le règlement de la grève de l’Association internationale des dockers (ILA) sur la côte Est et sur le rôle de l’administration Biden. Voir les articles publiés sur ce site en date du 2 et du 4 octobre.

L’administration Biden est en effet intervenue très tôt dans les négociations entre l’ILA (The International Longshoremen’s Association) et l’USMX (The United States Maritime Alliance, une alliance des compagnies de transport maritime par conteneurs, des opérateurs portuaires et d’autres employeurs du secteur des débardeurs) – par l’intermédiaire de la secrétaire au Travail Julie Su [en fonction depuis le 11 mars 2023] et du secrétaire aux Transports Pete Buttigieg [en fonction depuis le 3 février 2021]. Elle a finalement obtenu du syndicat qu’il mette fin à sa grève de trois jours en échange d’une augmentation de salaire de 62% sur six ans. C’est moins que les 77% demandés par le syndicat, mais plus que les 50% proposés par les employeurs de l’USMX.

L’administration Biden a fait pression sur les deux parties pour qu’elles parviennent à cet accord de principe et évitent une prolongation de la grève. La question centrale de l’automatisation doit être négociée d’ici au 15 janvier 2025, date à laquelle le contrat prolongé expirera et où une grève deviendra légale. Le Wall Street Journal du 8 octobre rapporte [dans un article intitulé «The Battle Over Robots at U.S. Ports Is On»] toutefois qu’un «responsable de l’industrie du transport maritime» a déclaré que l’accord salarial avait été «conclu à la condition que les dockers acceptent des gains de productivité (efficacité) incluant davantage de technologie».

Si ces propos sont exacts, l’ensemble de l’accord vise à favoriser non seulement les démocrates lors des élections, mais aussi les employeurs en matière d’automatisation. Il n’y a pas de menace de grève avant le 15 janvier et seul le président de l’ILA, Harold Daggett, qui gagne 900 000 dollars par an, peut déclencher une grève. Les membres de l’ILA n’ont pas de droit de vote officiel en cas de grève, bien que certaines sections locales aient procédé à des sondages auprès de leurs membres cette année.

Les libéraux (démocrates dits de gauche) ont salué cet effort de Joe Biden en faveur des syndicats, ainsi qu’une diversion par rapport à une grève pré-électorale embarrassante et très perturbatrice qui pourrait favoriser Donald Trump. Ils soulignent que l’Association des industriels et la Chambre de commerce des Etats-Unis ont demandé à Biden d’invoquer la loi Taft-Hartley [datant de juin 1947] pour empêcher une grève, ce à quoi il a héroïquement résisté! En revanche, l’USMX, elle, n’a pas formulé une telle exigence, qui n’était absolument pas nécessaire.

Le fait est que l’administration a convaincu le syndicat de ne pas recourir à la grève avant les élections et après que les importations eurent chuté de façon spectaculaire pour atteindre leur niveau annuel le plus bas en janvier et février 2024 (voir graphique ci-dessous), après les vacances de fin d’année, comme toutes les parties concernées le savaient Le syndicat aura donc beaucoup moins d’influence même lorsque la date d’une grève potentielle arrivera finalement avec l’expiration du contrat le 15 janvier.

Les importations maritimes des Etats-Unis atteignent le troisième taux mensuel le plus élevé en juillet 2024

Les importations américaines par conteneurs atteignent un pic plus tôt que d’habitude en 2024 en raison des attaques en cours en mer Rouge, d’une grève potentielle dans les ports maritimes de la côte Est et du golfe du Mexique et de la constitution de stocks de cellules solaires, de batteries de véhicules électriques et d’autres marchandises exposées à des hausses tarifaires à venir (introduites en septembre).

Source: Siddharth Cavale & Lisa Baertlein, «US retailers rush holiday imports, fearing strikes and disruption», Reuters, 10 août 2024.

Il convient de rappeler que, avant cette dernière action visant à briser la grève, l’administration Biden est également intervenue directement dans les négociations pour empêcher les grèves de l’ILWU (International Longshore and Warehouse Union), de l’IBT (International Brotherhood of Teamsters) chez la grande firme de logistique UPS (même s’il n’était pas nécessaire de le faire) ainsi que celle envisagée par les syndicats des chemins de fer [1]. (Article publié par Tempest le 19 octobre 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

Kim Moody, de 1979 à 2001, a animé la revue Labor Notes, basée à Detroit. Il réside actuellement en Angleterre comme chercheur auprès de University of Herdfordshire. Il est l’auteur, entre autres, de Breaking the Impasse: Electoral Politics, Mass Action, and the New Socialist Movement in the United States, Haymarket Books, 2022.

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[1] En 2022, un conflit s’est développé entre les compagnies de chemins de fer du fret et les syndicats du secteur. En effet, la base avait rejeté les propositions établies en septembre 2022 d’accord contractuel entre les employeurs et les directions syndicales. Le Congrès et le président Joe Biden sont intervenus pour faire passer l’accord provisoire en loi le 2 décembre, évitant ainsi une grève. (Réd.)

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