Comment l’union des travailleurs et des militants environnementaux peut vaincre Donald Trump

Le réseau pour le développement durable

Donald Trump et ses alliés républicains au Congrès ont pris le contrôle du gouvernement des Etats-Unis. Les conséquences risquent d’être dévastatrices aussi bien pour les travailleurs, les travailleuses que pour le climat; sans oublier les immigrés, les Africains-Américains, les femmes, les enfants, les personnes âgées, les handicapés, les personnes LGBTQ et beaucoup d’autres.

Le régime Trump est potentiellement vulnérable dans la mesure où il ne représente que les intérêts du 1% du 1% au sommet. Mais il a une stratégie potentiellement gagnante qui consiste à garder divisés et donc impuissants ceux qui pourraient se mobiliser dans l’intérêt des 99.9%. Trump joue les Noirs contre les Blancs, les Latinos contre les Anglo, les femmes contre les hommes, les gays contre les hétérosexuels, et exploite beaucoup d’autres divisions. Et son «atout» (trump card en anglais) pourrait bien être sa capacité à diviser les représentants des salarié·e·s et ceux qui défendent le climat.

La domination de Trump crée un nouveau contexte en ce qui concerne les tensions de longue date existant entre les organisations de travailleurs et le mouvement des défenseurs du climat, entre les préoccupations des travailleurs concernant leurs emplois et le besoin de tous de protéger le climat. Trump et ses alliés républicains au Congrès ont l’intention d’exploiter au maximum ces tensions. Mais leur menace contre les travailleurs, contre le climat et contre la société dans son ensemble fait qu’une coopération entre le mouvement des travailleurs et le mouvement pour la protection du climat devient impérative. Forger une force capable de contrer efficacement le trumpisme exige des changements qui vont susciter des tensions à l’intérieur de chacun des mouvements et entre ces derniers, mais cela est peut-être nécessaire pour que l’un et l’autre aient un avenir. L’alternative conduirait à une décimation des deux mouvements et de tout ce pourquoi ils luttent.

Le développement d’une nouvelle coopération entre le mouvement des travailleurs
et celui des défenseurs du climat

Deux exemples suggèrent que la coopération entre travailleurs et écologistes peut être possible face à «l’ère de Trump». Un des exemples a été la confrontation directe entre la nouvelle administration Trump, d’une part, et une alliance des syndicats et des écologistes, d’autre part. Lorsque l’équipe de transition de Trump a envoyé un questionnaire au département de l’Energie en demandant les noms de gens ayant participé à des meetings ou des conférences sur le changement climatique, J. David Cox, le président de la Fédération américaine des employés gouvernementaux (American Federation of Government Employees) a mis en garde contre «un retour des chasses aux sorcières politiques des années 1950». Il a exigé que le «président élu Trump donne l’ordre à son équipe de transition de cesser immédiatement ce comportement profondément anti-démocratique» (1). Des organisations écologistes et scientifiques se sont associées à ce rejet. Ken Kimmel, président de l’Union of Concerned Scientists a déclaré: «Le fait que l’équipe de transition de Trump cherche à connaître les noms des employés du département de l’Energie impliqués dans un travail sur le changement climatique est inacceptable. Cela rappelle le maccarthysme et doit cesser immédiatement.» Il a ajouté que les employés du département de l’Energie devaient «contester toute demande susceptible de mettre en danger l’indépendance des experts de l’Agence.» (2). Le département de l’Energie a rejeté les sollicitations de l’équipe de transition de Trump et a déclaré qu’il ne révélerait pas de noms. Quelques jours plus tard, l’équipe de transition de Trump s’est rétractée et a affirmé que le questionnaire n’avait pas été «autorisé».

L’autre exemple montre également qu’une coopération entre le climat, l’emploi et la justice est possible pendant «l’ère Trump». Peu après l’élection de Trump, le corps législatif de l’Illinois a passé le Future Energy Jobs Package, un paquet de mesures qui prévoit l’investissement d’au moins 500 millions de dollars dans des programmes en faveur du développement de la nouvelle énergie solaire, de l’énergie solaire à l’échelle locale (communautaire) et de l’efficacité énergétique, en ciblant les communautés à bas revenus et en combinaison avec des stages professionnels dans l’industrie solaire. Le projet de loi est le résultat d’un compromis issu d’un large éventail de forces. Il introduit un renflouement des centrales nucléaires, mais ont été rejetées les tentatives pour inclure le sauvetage d’une compagnie charbonnière ainsi qu’une énorme augmentation des tarifs électriques pour les consommateurs. Le projet de loi créera d’ici 2025 dans l’Illinois 3’000 mégawatts générés par le nouveau solaire et 1’300 mégawatts générés par éoliennes. Les emplois locaux seront garantis parce que les équipements devront utiliser de l’énergie solaire et éolienne produite dans l’Etat plutôt que d’acheter de l’énergie renouvelable hors de l’Etat. (3)

Le mouvement des travailleurs et celui des défenseurs du climat: divisés nous perdrons

Les guerres, les dépressions, les catastrophes non naturelles entraînées par les changements climatiques, l’enthousiasme ou le rejet populaires, les idiosyncrasies personnelles de Trump et d’autres «inconnues inconnues» font qu’il est impossible de prévoir l’évolution du règne de Trump. Il est cependant possible de prévoir qu’il sera dévastateur aussi bien pour les travailleurs que pour le climat.

Après un demi-siècle de déclin, les syndicats états-uniens ont encore 15 millions de membres cotisants, mais cela représente à peine une ombre de la force qu’ils avaient autrefois. Actuellement seulement 11% des travailleurs salariés sont syndiqués, alors qu’ils étaient 20% en 1983. Moins de 7% des salariés du secteur privé sont syndiqués. Par contre 35% des travailleurs du secteur public sont syndiqués, mais ils subissent déjà une attaque dévastatrice qui s’intensifiera sous Trump. (4) L’incapacité des syndicats à se maintenir dans beaucoup de leurs propres bastions contre la marée Trump en 2016 met en relief ce déclin. Des sondages à la sortie des urnes (pas forcément fiables) accordaient à Clinton un avantage de 8 points de pourcentage dans les ménages de syndiqués à l’échelle nationale, alors que, en 2012, les chiffres comparables pour Obama étaient de 18 points. (5)

L’administration Trump et ses alliés républicains au Congrès tout comme des gouvernements des Etats ont des projets face aux organisations des travailleurs. Il est probable que les décisions favorables aux travailleurs prises par l’administration Obama et par la National Labor Relations Board (NLRB) seront immédiatement annulées. La législation au niveau des Etats – et peut-être même à l’échelle nationale – suivra l’exemple de l’Indiana, du Michigan et du Wisconsin qui ont pratiquement aboli les droits de négociation collective pour les travailleurs du gouvernement. Ces Etats ont instauré les dites lois pour le «droit de travailler» qui ont pour but, dans les secteurs où existe un contrat collectif, d’empêcher les syndicats de faire participer, sous une forme ou une autre, des non-syndiqués aux dépenses découlant de la représentation syndicale. Lorsque Trump nommera un juge conservateur à la Cour suprême [Neil Gorsusch, conservateur, a été proposé par l’administration Trump, mais un plan de réorganisation plus ample est envisagé], les syndicats n’auront probablement que peu – voire aucune – protection. La doctrine légale de droite pourrait facilement nous ramener à l’époque où les syndicats étaient des conspirations criminelles et où les juges pouvaient obliger des grévistes à retourner au travail simplement en signant une injonction.

Trump parle d’emplois, mais en réalité ses projets vont éliminer des milliers d’emplois dans les bastions syndicaux. Il a proposé un gel des embauches et une accélération des réductions de postes dans le secteur des employés fédéraux. Les projets républicains au Congrès introduisent des réductions du financement pour Medicare (prise en charge des soins pour les personnes de plus de 65 ans) et d’autres secteurs de la santé, des suppressions du financement des transports publics ainsi que des privatisations et des réductions d’effectifs dans l’éducation et d’autres services publics. Or, toutes ces mesures qui vont entraîner d’importantes pertes d’emplois. Les retraites, le secteur de la santé et même la sécurité sociale de millions de retraités syndiqués sont également menacés.

Au-delà de ses propres actions, le régime Trump va également déchaîner d’autres forces qui vont dans le sens de détruire les mouvements de travailleurs. Tout comme la politique de Ronald Reagan dans l’affaire des contrôleurs du trafic aérien – [le 3 août 1981, le syndicat Professional Air Traffic Controllers Organization – PATCO – déclare la grève; Reagan déclare la grève illégale; le 5 août Reagan exclura plus de 11’000 contrôleurs sur le 13’000 des services fédéraux qui n’avaient pas obéi à son injonction] – les initiatives contre les travailleurs de Trump donneront le signal que la saison de chasse est ouverte contre les syndicats. Les firmes qui ont encore des syndicats [un système de vote pour obtenir le droit de créer un syndicat existe depuis des années] vont pour l’essentiel cesser de négocier avec eux, sans avoir à craindre des réactions de la part d’un Bureau national des relations de travail (National Labor Relations Board, NLRB) trumpien. Des politiciens locaux, les forces de police et les groupes d’autodéfense contrôlés par les patrons – sans interférence de la part du pouvoir judiciaire trumpien – vont utiliser davantage de violence contre les organisations des travailleurs et travailleuses ainsi que contre les grévistes. La mise en place de listes noires [listes salarié·e·s que les firmes n’engageront plus] et les équipes d’hommes de main sont proches.

Trump et les forces qui l’entourent ont l’intention d’éliminer les organisations de travailleurs de la vie états-unienne et de la politique. Leur programme contre les syndicats est motivé aussi bien par la cupidité que par l’idéologie. Ils ont l’intention d’effectuer des coupes dans les salaires et profiter des privatisations. Ils veulent aussi éliminer les travailleurs organisés qui représentent la base de soutien la plus importante pour le Parti démocrate et pour les actions politiques progressistes.

Des dilemmes et des pilules empoisonnées

L’avènement du régime Trump pose un dilemme aux organisations de travailleurs. D’une part, son programme de construction d’infrastructures et les projets dans le secteur militaire «promettent» de créer des emplois pour certains travailleurs syndiqués. De même, son projet de mettre un terme aux accords commerciaux et de taxer les importations de produits concorde avec l’opposition de longue date des syndicats à une mondialisation favorable aux entreprises. Mais, d’autre part, Trump et ses alliés républicains au Congrès proposent des politiques en matière d’impôts, de budgets et d’allocations sociales qui vont directement appauvrir la plupart des travailleurs. Les membres nommés dans son entourage sont des ennemis prouvés des organisations et des droits des travailleurs. La législation, la politique exécutive et les nominations à la Cour suprême vont probablement conduire à ce qu’un syndiqué a appelé un «bouleversement s’apparentant à une extinction» pour les organisations de travailleurs. L’attaque risque d’être rapide et féroce. Les alliés républicains de Trump dans le parlement du Kentucky ont déjà commencé le processus visant à faire passer le projet de loi House Bill 1, qui permettrait aux travailleurs ne payant pas de cotisations syndicales de travailler sous contrat syndical et le projet de loi House Bill 3 qui abrogerait la loi actuelle sur les salaires (6).

Certains membres des organisations de travailleurs sont déjà en train de dire que les syndicats devraient travailler avec Trump sur les questions des échanges commerciaux et des infrastructures. Dans des conditions «normales», il serait en effet possible pour des syndicats de soutenir les éléments des projets de Trump qu’ils considéreraient comme positifs tout en s’opposant aux projets négatifs. Mais actuellement les circonstances ne sont pas «normales». Dire que les syndicats peuvent travailler avec Trump revient à normaliser son régime, ce qui serait suicidaire pour les syndicats alors que Trump et ses alliés lancent justement des attaques contre l’existence même des syndicats et contre le droit des travailleurs à s’organiser. Cela reviendrait à ne pas tenir compte du fait que même les «bons projets» de Trump deviendront vraisemblablement des pilules empoisonnées. Par exemple, ses projets pour l’infrastructure sont décrits comme faisant appel des capitaux privés et à des «travaux à bas coûts». Cela risque d’entraîner pour les travailleurs du bâtiment l’annulation des règles salariales en vigueur et des dispositions syndicales de protection. Et l’idée de «coopérer» avec Trump ne tient pas compte des attaques dévastatrices que subissent les alliés des syndicats: si les syndicats veulent le soutien de ces alliés, ils devront à leur tour les soutenir. Vaincre Trump exige qu’on ne se borne pas à le voir comme un politicien maquignon habituel mais qu’on le considère comme une menace pour les travailleurs, pour l’ensemble de la société et pour une planète vivable.

En ce qui concerne l’environnement, les perspectives sous Trump et ses alliés sont tout aussi sombres. Il a prétendu que le réchauffement climatique n’était qu’un canular inventé des Chinois pour voler des emplois états-uniens [«pour empêcher l’industrie américaine d’être compétitive»]. Il a menacé de ne pas tenir compte de l’accord de Paris sur le climat (COP 21), voire de s’en retirer. Il a promis de développer au maximum l’extraction de combustibles fossiles. De nouvelles lois, décrets et décisions administratives vont certainement permettre un énorme développement des mines, des puits, des pipelines, des centrales électriques thermiques et d’autres infrastructures utilisées pour extraire des combustibles fossiles. Les règles environnementales seront abolies, on permettra pratiquement n’importe quoi. Les droits d’extraction de combustibles fossiles sur des terres publiques seront «vendus» à des prix bradés. Avec Rex Tillerson (ex-président directeur général d’ExxonMobil entre 2006 et 2016] en tant que secrétaire d’Etat, les objectifs de Trump seront même plus ambitieux. Il pourrait par exemple œuvrer avec Poutine au développement d’un cartel global étatsunien-russe pour capter et contrôler le commerce mondial de l’énergie. Quels que soient les détails de ces projets, le programme de Trump va accélérer le réchauffement climatique bien au-delà de sa trajectoire, déjà catastrophique.

Pour le mouvement de protection de l’environnement, l’avènement de Trump signifie que le genre de lobbying et de «inside game» dans lequel il excellait ne pourra plus être efficace, au moins à l’échelle fédérale. Comme l’a démontré la récente législation sur l’énergie de l’Illinois, quelques progrès sont encore possibles dans quelques Etats ou au niveau local, mais seulement en coopération avec les syndicats, les défenseurs du climat et d’autres alliés.

Il y aura, malheureusement, de très nombreuses possibilités d’accroître la conscience de la population sur les effets dévastateurs du changement climatique et d’insister sur la façon dont la politique de Trump va aggraver la situation. Il y aura aussi de nombreuses possibilités d’affrontements directs très médiatisés en ce qui concerne les nouveaux projets d’énergies fossiles. Elles permettront de focaliser l’attention publique sur la manière dont Trump et ses alliés sont prêts à délibérément détruire l’avenir de la planète. Mais il existe aussi le risque potentiel d’entrer ainsi en conflit avec des secteurs du mouvement des travailleurs qui voient ces projets comme des occasions de créer de «bons emplois». Le mouvement pour la protection du climat doit s’attendre à ce que des actions environnementales suscitent calomnies, criminalisation, brutalité et violence de la part de groupes d’autodéfense. Comme nous l’avons déjà constaté à Standing Rock [le 24 janvier, Donald Trump a signé un décret pour renverser la décision prise à la fin de l’administration Obama, voir à ce sujet l’article publié sur ce site le 10 décembre 2016], il y aura peut-être également des affrontements avec le pouvoir judiciaire et militaire, sauf que désormais les mises en œuvre seront autorisées par un gouvernement fédéral dans lequel se trouvent de nombreux dirigeants du secteur des énergies fossiles. Si le mouvement de protection du climat veut avoir un avenir, il devra trouver un moyen de faire appel aux électeurs déçus de Trump, non seulement pour gagner leur soutien verbal mais aussi pour les convaincre.

Lignes directrices pour une mise en question par les travailleurs et les mouvements environnementaux du programme de Trump

Le programme de Trump n’est pas seulement une longue liste de mauvaises idées: il constitue une menace d’ensemble contre les être humains et contre la planète. Quels pourraient être les éléments essentiels d’une réaction coordonnée des travailleurs et des écologistes?

• Développer et faire campagne pour un programme alternatif sur l’emploi et pour une transition juste à la sûreté climatique. Le mouvement des travailleurs et celui pour la protection du climat doivent avoir leur propre stratégie, une stratégie qui soit favorable aussi bien aux travailleurs qu’au climat. Cette stratégie doit inclure une transition juste à une énergie 100% sûre pour le climat et pour des emplois pour tous. Mais cela implique aussi de dépasser cette stratégie en allant vers la perspective d’une nouvelle économie fondée sur des valeurs et non sur la cupidité. On doit diffuser un tel programme aussi bien dans un large mouvement anti-Trump que sur l’arène politique.

• Développer une alliance entre, d’une part, les syndicats et, d’autre part, tous les alliés qui seraient d’accord de combattre l’ensemble du programme de Trump. Les efforts comme l’engagement lancés par Greenpeace pour coordonner les résistances constituent déjà un exemple d’un tel développement. Il regroupe People’s Climate Movement (Mouvement du peuple pour le climat), Our Revolution (Notre révolution) Labor Convergence on Climate (Réseau des travailleurs pour le développement durable). Une coordination aussi large doit également inclure les syndicats qui ne font pas partie de l’AFL-CIO tels que le SEIU (Union des employés des services), les Teamsters (Syndicat des transporteurs) et la National Education Association. Certains syndicats choisiront peut-être de ne pas rejoindre ces coordinations parce qu’ils sont réticents à prendre clairement position contre le programme de Trump; il serait absurde et catastrophique que cela empêche le reste du mouvement des travailleurs et de ses alliés de s’engager dans une lutte qui est justement en faveur du droit à l’existence des syndicats.

• Démasquer les conséquences du programme de Trump. Presque tous les aspects du programme de Trump sont mauvais aussi bien pour les travailleurs que pour le climat. Il nuit aux êtres humains et à la planète pour favoriser l’enrichissement et le pouvoir des riches et des puissants. Ses discours sur les emplois, sur le commerce et sur le climat sont tous bidon. Cela doit être expliqué et dénoncé comme étant non seulement une attaque contre des groupes particuliers comme les salarié·e·s, les immigré·e·s et les femmes mais comme une attaque contre la société elle-même. Les mouvements des travailleurs et de protection du climat devraient travailler main dans la main chaque fois qu’il leur est possible d’exposer les dommages que va infliger le programme de Trump aussi bien aux travailleurs qu’aux différentes collectivités (7).

• Eroder la base de Trump. Les campagnes devraient cibler ceux qui ont été séduits par les fausses promesses de Trump. Les campagnes des démocrates et de Bernie Sanders contre les attaques des républicains contre le secteur de la santé sont un exemple. De même, la campagne Fight for $15 pour un salaire minimum pour tous pourrait avoir un impact considérable parmi les communautés de Blancs pauvres où Trump a fait le plus d’adeptes.

Bloquer l’application du programme de Trump sur le plan politique. Cela peut être fait en partie en construisant de larges coalitions contre chaque élément de son programme, y compris sa politique en ce qui concerne les travailleurs et le climat. Pour le moment on ne sait pas si les politiciens démocrates vont lutter contre le programme de Trump ou s’ils feront simplement profil bas. Nous devons leur faire savoir qu’ils auront du soutien et des fonds s’ils luttent – et qu’ils perdront s’ils ne luttent pas. Deux tiers des démocrates souhaitent que leurs représentants opposent une résistance à Trump (8). Dans la mesure où le programme de Trump sera dénoncé et largement rejeté, les politiciens républicains dans les «swing districts» (districts pivots) vont commencer [étant donné les élections de mi-mandat en novembre 2018] à s’opposer à des parties de son programme pour se différencier de lui (9).

• Bloquer l’application du programme de Trump sur le terrain. La mise en échec de la tentative de l’équipe de transition de Trump d’initier une chasse aux sorcières dans le département de l’Energie constitue un bon exemple de ce qu’il est possible de faire. Il faudra bloquer des pipelines et d’autres infrastructures nuisibles. De telles actions doivent inclure des projets alternatifs d’emplois pour les travailleurs et pour les communautés touchés. Certains syndicats s’opposeront certainement à de telles actions, mais d’autres devraient être encouragés à les soutenir ou au moins à rester neutres, dans l’intérêt de l’avenir même des travailleurs et de la coalition solidaire anti-Trump.

• Saisir toutes les occasions pour développer le programme en faveur des travailleurs et de la protection du climat. Il y a des Etats, des villes et des régions qui représentent des terrains favorables à des actions positives en faveur des travailleurs et du climat. Le Illinois Future Energy Jobs Package en donne un bon exemple. Là où de telles actions réussissent, ces victoires devraient être largement diffusées ailleurs en tant qu’exemples de ce qui peut être fait.

• Construire un mouvement en faveur des travailleurs et de l’environnement. Les recherches montrent que les syndiqués sont plus sensibilisés sur les questions environnementales et climatiques – et plus susceptibles de s’activer sur ces thèmes – que les non-syndiqués et que le public en général (10). Néanmoins il existe un réel ressentiment chez beaucoup de travailleurs et de membres des syndicats à l’égard des écologistes, qu’ils perçoivent comme ne se souciant pas de l’impact que peut avoir pour les travailleurs et pour l’emploi la fermeture d’une centrale de combustibles fossiles ou le blocage d’un projet d’infrastructure. Pour élaborer une coopération plus large, les groupes écologistes doivent participer à des coalitions qui luttent pour les droits des travailleurs, comme la campagne pour un salaire minimum de 15 dollars par heure et le droit des employés publics à des négociations collectives. Dans l’ère de l’offensive de Trump il y aura beaucoup de possibilités pour le mouvement écologique de s’adresser aux travailleurs et de nouer avec eux de nouvelles relations. Le fait de rejoindre leurs piquets de grève est un bon début.

• Mettre la destruction du climat par Trump et ses attaques contre les travailleurs et les syndicats au centre et en première ligne de la question de son rejet complet. Il existe d’innombrables raisons de vouloir contrecarrer et éventuellement d’éliminer la puissance de Trump, y compris ses menaces déjà mentionnées plus haut à l’égard des immigrés, des Afro-Américains, des musulmans, de femmes, des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées, des personnes LGBTQ et beaucoup d’autres. Mais ses menaces à l’égard des travailleurs et du climat vont au-delà des groupes particuliers et englobent les intérêts de tous les êtres humains qui doivent vivre et habiter sur la terre. Ces thèmes englobent les intérêts communs de tous les secteurs dont Trump menace les intérêts particuliers. En tant que tels, ils peuvent constituer des liens qui aideront à relier l’ensemble des oppositions à Trump et au trumpisme.

• Reconnaître les tensions, mais œuvrer vers la coopération. Il y aura inévitablement des tensions à l’intérieur des syndicats et entre ces derniers, tout comme il y aura des tensions entre les mouvements des travailleurs et ceux pour le climat. Dans certains cas, ces tensions peuvent devenir de véritables conflits, comme cela s’est produit dans la lutte pour bloquer le pipeline de Keystone XL et celui de Dakota Access. Il y a aussi eu une opposition dans le secteur de la construction contre la décision de l’AFL-CIO de travailler avec le proclamé défenseur du climat Tom Steyer [un manager de hedge funds – parmi lesquels Farallon Capital – actifs dans des secteurs comme l’éducation, etc.]. De tels conflits pourraient même s’intensifier lorsque les syndicats alliés à l’industrie des combustibles fossiles trouveront des alliés dans les plus hautes sphères du pouvoir de ce régime qui est déterminé à éliminer le reste du mouvement des travailleurs. Mais au cœur des intérêts des travailleurs et des syndicats il y a la nécessité de vaincre Trump afin de prévenir les effets dévastateurs du changement climatique pour eux et pour leur postérité. Les droits civiques, les droits des immigrés, les soins de santé pour tous et d’autres questions cruciales ont également créé des tensions dans le mouvement des travailleurs. Mais en fin de compte la justice et les intérêts communs l’ont emporté. La même chose peut se produire dans les tensions entre les travailleurs et les défenseurs du climat.

Les actions conjointes travailleurs-défenseurs du climat en tant qu’autodéfense sociale

Depuis le jour où Donald Trump a été élu président des Etats-Unis, des milliers de personnes ont commencé à résister contre son programme. Des manifestations contre Trump ont eu lieu dans des villes états-uniennes; des chefs de police, des maires et des gouverneurs ont déclaré qu’ils n’appliqueraient pas son attaque contre les immigrants; des milliers de personnes se sont inscrites pour accompagner les immigrés menacés, les minorités religieuses, les personnes LGBTQ et les femmes. Des techniciens se sont engagés à ne pas construire des bases de données susceptibles de faciliter la discrimination et la déportation.

Le programme de Trump est un assaut contre la planète et contre ses habitants. La lutte contre Trump et le trumpisme doit donc être une défense de la société – ce que des mouvements de résistance à la tyrannie ailleurs dans le monde ont appelé «autodéfense sociale» (11). L’autodéfense sociale consiste à protéger tout ce qui rend possible notre vie ensemble sur terre. Elle englobe la protection des droits humains de toutes les personnes; la protection des conditions de notre terre et de son climat qui rendent possible notre vie; le principe constitutionnel selon lequel tout gouvernement est responsable devant la loi; et la coopération mondialisée pour fournir un avenir sûr pour les êtres humains et pour la planète.

La défense conjointe des travailleurs et du climat est au cœur de l’autodéfense sociale contre Trump et le trumpisme. En unifiant nos forces, en démontrant nos capacités collectives et en expliquant ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin, on peut aussi aider à créer le type de mouvement qui peut non seulement vaincre Trump et le trumpisme, mais aussi apporter la transition juste dont nous avons besoin pour établir une société favorable aux travailleurs et au climat. (Article publié sur le site Labor Network for Sustainability; traduction A l’Encontre)

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Labor Network for Sustainability (LNS) a été créé en 2009. Ce regroupement a une approche qui intègre dans «le développement durable» les dimensions écologiques, sociales et économiques. Le LNS a des relations avec «la gauche démocrate» et Bernie Sanders. Le texte publié – et reproduit sur le site canadien de gauche Socialistproject.ca – offre conjointement une appréciation sur l’ampleur de l’offensive réactionnaire propre au trumpisme et sur les modalités de contre-attaque qu’un tel courant envisage. Cela constitue un élément des réactions en cours face à l’affirmation du trumpisme et des actions unitaires possibles, qui n’effacent pas la propagande, les interventions, les actions d’une force socialiste révolutionnaire aux Etats-Unis. (Réd. A l’Encontre)

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  1. Joe Davidson, “Energy Dept. rejects Trump’s request to name climate-change workers, who remain worried,” Washington Post, December 13, 2016.
  2. Ken Kimmell, “UCS Condemns Trump Transition Team Effort to Target DOE Employees Focused on Climate,” Union of Concerned Scientists, December 9, 2016.
  3. Kenzo Esquivel, Diane Fager and Rev. Tony Pierce, “Clean Energy Victory in IL Shows We can Still Win In The Age of Trump,” OurFuture.org, December 2, 2016.
  4. Union Members Summary,” Bureau of Labor Statistics, January 28, 2016.
  5. Dave Jamieson, “It Looks Like Donald Trump Did Really Well With Union Households. That’s A Bad Sign For Unions,” Huffington Post, November 14, 2016.
  6. Daniel Desrochers, “Bevin, GOP lawmakers push anti-union bills as angry workers chant in hallways,” Lexington Herald-Leader, January 4, 2017.
  7. Nancy Altman and Ira Lupu, “Never Normalize: Why Trump’s Presidency Is Illegitimate and How to Respond,” Huffington Post, December 30, 2016.
  8. David Weigel, “Poll: 65 per cent of Democrdats want party to ‘stand up’ to Trump,” Washington Post, November 21, 2016.
  9. Steven Shepard, “Trump’s unpopularity threatens to hobble his presidency,” Politico, December 24, 2016.
  10. Todd Vachon and Jeremy Brecher, “Union Members Don’t Oppose Environmental Protections. They Are Actually More Likely to Support Them,” In These Times, May 23, 2016.
  11. Jeremy Brecher, “Social Self-Defense: Protecting People and Planet against Trump and Trumpism.”

 

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