Les travailleurs descendent dans la rue pour protester contre les conditions de travail auxquelles ils sont soumis en raison de la crise. Il y a également des manifestations tous les jours en raison des carences dans la fourniture de l’eau et de l’électricité.
Le conflit le plus important est celui de la grève avec présence sur le lieu de travail [grève active] des infirmières. Il dure depuis plus d’un mois sous le regard hautain passif du gouvernement Maduro, avant d’être rejoint par les autres professions de la santé: médecins, physiothérapeutes, pharmaciens, radiologues, etc.
Au cours de la dernière semaine, d’autres protestations s’ajoutent à la grève du secteur des soins: professeurs d’université, travailleurs de la Corpoelec [Corporación Eléctrica Nacional], de Cantv [Compañía Anónima Nacional Teléfonos de Venezuela] et de Movilnet [filiale de Cantv pour le secteur de la téléphonie mobile], les travailleurs de l’IVIC [Instituto Venezolano de Investigaciones Científicas], ainsi que les producteurs de canne à sucre.
L’exigence de tous les travailleurs est la même: une hausse des salaires au niveau du panier alimentaire de base [indice du coût de la vie, des produits de base]. Un mandat constitutionnel qui n’a largement pas été respecté.
Monsieur le président, nous vous invitons à survivre avec le salaire que nous recevons!
Les revendications exigeant une hausse de salaires afin que les travailleurs puissent nourrir leurs familles surgissent au milieu de protestations où l’avant-garde est constituée par la base, nouvelle. Elle exprime un rejet élevé des «directions syndicales qui trahissent les travailleurs» pour reprendre les termes des fédérations et des syndicats affiliés à la CBST [Centrale bolivarienne socialiste des travailleurs], qui estiment que ces dernières sont «des briseurs de grève et vendus au gouvernement».
«Des salaires dignes, maintenant!» ou «Des salaires justes tout de suite!» sont les slogans les plus répandus des protestations qui s’ajoutent désormais aux manifestations provoquées par les pénuries et les dysfonctionnements dans la fourniture d’eau, de gaz, les coupures d’électricité, le manque de véhicules dans les transports publics ou encore les pénuries alimentaires et médicales.
Aux revendications salariales s’ajoutent des revendications liées aux conditions difficiles dans lesquelles les travailleurs se retrouvent sur leurs lieux de travail, en particulier dans le secteur de la santé, en raison du manque d’investissements dans les infrastructures et dans l’équipement des hôpitaux.
Le chemin de croix quotidien d’un travail épuise la population laborieuse. Se déplacer est un calvaire en raison de la détérioration du système de transport. Les retards dans le métro de Caracas sont permanents, la circulation de l’air y est déficiente et les wagons surchargés. Ceux et celles qui se déplacent par voie terrestre sont soumis à une augmentation constante du prix du trajet, à la détérioration et à la disparition du parc automobile, ce qui les contraint à voyager via ce que l’on appelle les perreras [le terme désigne, entre autres, les personnes ou véhicules qui, dans les communes, sont chargées de collecte des chiens vagabonds ou abandonnés].
Le gouvernement fait la sourde oreille
Jeudi dernier [19 juillet], le président Nicolás Maduro s’est référé au système de soins vénézuélien, sans mentionner la lutte acharnée des infirmières ni les protestations des professions de la santé. Il a demandé à la vice-présidence et au ministère de la santé d’organiser une consultation nationale pour transformer le système.
«Je souhaite réaliser rapidement une journée entière de consultation nationale qui s’achève par un grand congrès de la santé vénézuélien afin d’adopter un plan de transformation du système de soins […] ainsi que de faire définitivement face au thème des hôpitaux du pays au moyen d’un plan de modernisation», a-t-il déclaré.
Lors d’une cérémonie de remise de diplômes de plus de 6000 médecins communautaires, le chef de l’Etat a indiqué qu’il s’agit là de l’un des plans prioritaires pour le pays.
«Une révolution dans la révolution des systèmes de soins est nécessaire, ils ont été créés uniquement et exclusivement pour le peuple; il faut aussi augmenter l’investissement dans les conditions de travail, dans les conditions de vie, dans les équipements de travail», a-t-il ajouté.
Il a, en outre, demandé une «réunion spéciale», au plus tard lundi prochain [23 juillet], avec un groupe de médecins communautaires afin de discuter «le plan intégral des postes de travail, les salaires, les logements et le soutien à tous les niveaux».
«Nous voulons manger comme un colonel, nous voulons gagner autant qu’un général!»
Entre-temps, les infirmières, au cours des protestations pacifiques qu’elles organisent devant les portes des centres, ont élaboré des slogans qui démontrent le mécontentement face à la récente augmentation salariale des militaires. «Nous voulons manger comme un colonel, nous voulons gagner autant qu’un militaire!»
Les infirmières vénézuéliennes peuvent gagner un maximum de 600’000 bolivares toutes les deux semaines [5 dollars au change effectif], alors que l’augmentation accordée au secteur militaire oscille entre 118 millions et 240 millions de bolivares par mois. Nombreux sont ceux qui pensent cette hausse des salaires dans le secteur militaire expriment une priorité du gouvernement pour la répression au détriment de l’éducation et de la santé.
D’autres manifestations continuent
D’autres manifestations sont en cours, surtout à l’intérieur du pays en raison de la pénurie alimentaire, du manque de véhicules dans les transports publics, des dysfonctionnements dans la fourniture du gaz de ville, de l’eau ou encore de l’électricité. Jeudi 19 juillet, les personnes âgées ont manifesté pour la deuxième fois en raison du refus des banques de leur payer les retraites en liquide, lequel est rare et très demandé par les commerçants spéculateurs qui vendent leurs marchandises la «moins chère» uniquement s’ils reçoivent de l’argent «physique» [troc ou dollar].
Ainsi, dans le Venezuela du gouvernement de Maduro, les travailleurs et travailleuses sont soumis à des conditions précaires. Il ne s’agit pas tant de percevoir des salaires qui permettent d’acheter ne serait-ce qu’un kilo de viande. Il s’agit d’une pression qui contraint les travailleurs à faire des journées de travail double, voire triple, pour nourrir leurs enfants.
A la pénurie alimentaire s’ajoutent les longues queues pour acheter la nourriture, le manque des transports, les coupes d’eau et d’électricité. Cette précarisation généralisée des conditions de vie des travailleurs les amène à protester et, comme on pouvait l’entendre avec tristesse lors de la manifestation des travailleurs de l’IVIC, «Nous voulons travailler, nous ne voulons pas émigrer!» (Article publié le 20 juillet 2018 sur le site vénézuélien aporrea.org; traduction A L’Encontre)
Soyez le premier à commenter