Venezuela-Dossier (I). L’a-constituante est installée par le Président

L’a-constituante installée en famille: la présidente Delcy Rodriguez
(3e depuis la droite, ex-membre de la Ligue socialiste, chargée
après 2006 de la coordination de la vice-présidence de Maduro,
puis du contrôle de la Communication de l’Etat); puis la Première Dame Cilia Flores et Diosdao Cabello. Entre soi.

Le résultat du scrutin a pris place – et a occupé la place de l’Assemblée législative issue des élections de 2015 – dans les salons du Parlement, reçu et installé par le président Nicolas Maduro. Soyons plus exact. Les élus du scrutin à l’ANC (Assemblée nationale constituante) disposent d’un siège. Peu importe la remise en cause des résultats – plus exactement du nombre de participants ayant effectivement déposé un bulletin, une fois, dans les urnes. Pour le gouvernement de Maduro, il s’agit de faire de l’a-constituante (a privatif donc) un acteur politique clé qui prend de suite des initiatives et s’impose comme organisant le champ politique. L’enquête peut toujours se dérouler sur le «taux d’abstention», « de participation». Un obstacle immédiat a été franchi en quatre jours: l’Assemblée législative n’existe plus. Mais quel sera le prochain: la procureure Luiza Ortega Diaz, chaviste et ayant une histoire militante [1]. Pourtant, elle n’a pas hésité à mettre en cause la procédure Maduro-Cabello de convocation de l’ANC, sur la base de la Constitution de 1999.

Certes les sanctions de Trump, qui les distribuent ces temps-ci comme le pape François ses bénédictions, font leurs effets au sein d’une partie de la gauche qui ne voit que le combat anti-impérialiste et dont le campisme met entre parenthèses et gomme les politiques anti-sociales et anti-démocratiques de Maduro. Or, elles vident de son contenu le terme d’indépendance, donc de souveraineté qui n’a de sens que populaire. Posons une question: valider les actes des sommets maduristes corrompus est-il cohérent avec une bataille à conduire, au Brésil, contre une orientation anti-démocratique à la Temer et ses contre-réformes mises en place dans un contexte d’état d’exception néolibéral? Poser la question c’est y répondre. Toute cette reculade au nom d’une lutte contre une possible intervention militaire américaine (hypothèse pauvre) ou d’un coup d’Etat militaire (une fraction contre une autre, ce n’est pas très crédible)? Tout cela sans connexion avec les nécessaires combats sociaux, démocratiques et politiques à conduire au Venezuela.

En outre, pour ne pas risquer l’enfer politique, faut-il souligner que le pape est pour une opération de médiation comprenant les effets continentaux d’une hypothétique aventure militaire dans un continent qu’il connaît.

L’implosion de l’illusion politique chaviste – à ne pas confondre avec l’adhésion sociale, populaire effective à une politique de redistribution sociale – risque bien de susciter une régression politique dans la gauche du continent et ailleurs. Nous y reviendrons très vite.

Pour l’heure, afin de faciliter la compréhension des péripéties et des circonstances, nous publions un article sur l’histoire récente de l’autre gauche que celle de la période maduriste, en revenant sur des aspects de formation du chavisme politique, dès 1998. Et nous y ajoutons une lettre de Marea socialista adressée, entre autres, «aux chavistes critiques». (C.A. Udry)

____

[1] Des nouvelles d’agence indiquent que les bureaux de la procureure, Luisa Ortega Diaz, sont encerclés par des forces de sécurité (15h15 Paris Time, 5 août).

Les bâtiments où se trouvent les bureaux de la procureure sont placés sous la surveillance serrée des forces de l’armée et de la police. Une allusion avait été faite au moment de l’installation de l’ANC: la vice-procureure, récemment nommée, Katherine Harrington, a été décorée. Autrement dit, le message était passé: voilà la procureure de la situation! La dissolution de l’Assemblée législative supprime le statut d’immunité des élu·e.s. Donc les arrestations vont augmenter. Selon un tweet, Luisa Ortega Diaz a annoncé sa volonté de résistance. D’aucuns vont oser prétendre que cela traduit une avancée du processus tel qu’inscrit dans la Constitution de 1999 et des dernières volontés de Chavez. On n’en reste pas étonné. Simplement écrasé. (cau)

*****

L’autre gauche vénézuélienne

Par Humberto Márquez

Pendant des années, la lutte politique au Venezuela a été présentée comme un affrontement entre un gouvernement dirigé, antérieurement, pas Hugo Chávez, puis Nicolas Maduro, puis une Assemblée dominée par l’opposition de droite. Or, il y avait toujours eu d’autres forces de gauche au Venezuela. Et maintenant, des chiffres apparaissent sur le recul du soutien populaire ainsi que sur des groupes de la gauche radicale qui étaient partisans de Chavez, mais rejettent aujourd’hui Maduro. Ces secteurs, dans lesquels s’expriment beaucoup de critiques face au gouvernement ainsi que face à l’opposition de la MUD [Table de l’unité démocratique, marquée par des différences socio-politiques internes nombreuses mais (re)compactée un peu, sur la courte durée, grâce au type de «gestion de l’ordre» par la direction Maduro et par les «pressions» et sanctions internationales qui l’obligent à présenter un front commun pour négocier une transition politique], cherchent à se démarquer au milieu de la polarisation qui balaie le pays.

• Une nouvelle gauche essaie de se mettre en place, à une autre échelle, au Venezuela, loin de la gouvernance officielle avec le président Nicolás Maduro et alors que l’opposition a pris le contrôle des rues pendant quatre mois de manifestations. Elles ont laissé cent morts et plus de 2000 blessés. Elle est en concordance cependant avec les exigences de l’opposition de rejeter l’Assemblée nationale constituante (ANC) convoquée par le président de 30 juillet 2017 et la stricte défense de la Constitution de 1999, qu’elle considère comme un héritage fondamental du regretté Hugo Chávez.

«Ce sont des groupes qui se constituent, qui disposent d’un potentiel pour canaliser le mécontentement du peuple chaviste et de secteurs exprimant un penchant à gauche dehors de la (MUD), mais ne disposent, pour l’heure dans le précipité des choix et événement, pas d’une orientation et d’une direction politique claire, ne peuvent se profiler comme disposant d’une représentation d’un grand secteur socio-politique du pays» confiait à Brecha, un des animateurs politologue, Nicmer Evans.

• Chavez était commandant d’un corps des parachutistes quand il a mené une rébellion militaire qui échoué en 1992, a été soutenu par des formations de gauche afin qu’ils gagnent l’élection présidentielle, en décembre 1998, et avec leur appui a mis une place un gouvernement de centre gauche rappelle Nicmer Evans. Depuis 2005, il a commencé à se proclamer socialiste. En 2007, il a transformé son Mouvement pour la Ve République (MVR) en Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV). En 2014, Maduro prend officiellement les rênes du pays et du PSUV, il a pour «numéro deux» un capitaine à la retraite Diosdado Cabello.

Chavez et le PSUV avaient remporté des lettres de noblesse de la gauche, même si elles ne procédaient pas de luttes de masse classiques, mais en utilisant l’Etat vénézuélien avec la rente pétrolière (des minerais), particulièrement juteuse entre 2003 et 2012, pour répondre aux besoins des secteurs les plus pauvres, en particulier en augmentant leur capacité de consommation et de rendre visibles leurs besoins et aspirations, ce que reconnaissent des leaders reconnus de la pensée progressiste au Venezuela, comme le politique Teodoro Petkoff [qui après une période guérilla sous Douglas Bravo, lança le MAS (Mouvement pour le socialisme) en 1971; et le quitta lorsque ce dernier a soutenu en 1998 Chavez], critique tenace de Chavez, ou, sur un autre plan, l’universitaire Edgardo Lander, une voix respectée dans le Forum social mondial.

Chavez lui a donné un nom: «le socialisme du XXIe siècle». Heinz Dieterich, un sociologue allemand qui vit au Mexique, et qui a déjà rompu avec Maduro, qui a donné une assise théorique la proposition.

Chavez, qui transfère son sceptre, directement, à Maduro, peu avant sa mort en 2013, a ouvert la vague de victoires et les gouvernements de gauche et de centre gauche de la première décennie de ce siècle ont été installés [plus au moins de manière stable] au Brésil [2003], en Argentine (2003), en Uruguay (dès 2005), en Bolivie (2006), en Équateur (2006-2007), Nicaragua (?), Paraguay (2008-2012), El Salvador et même les petits pays des Caraïbes anglophones. La solitude du «socialisme cubain» a pris fin dans l’hémisphère avec Cuba et le Venezuela a tissé une alliance étroite politique et économique guidée par ce que Chavez a appelé une «relation parent enfant» entre le chef Fidel Castro et son émule vénézuélien. Ils illustraient la thèse du Forum de San Paolo [lancé en 1990 par le PT du Brésil, 24 assemblées ont été organisées dans diverses capitales, dont les dernières à San Salvador et à Managua en juillet 2017]. Ces Forums réunissent des partis de gauche, furent l’occasion de développer des projets d’intégration latino-américaine et de lever le drapeau de l’anti-impérialisme. Pour la gauche internationale le Venezuela est resté comme une place forte.

Freddy Gutierrez, constitutionnaliste, critique Maduro
en janvier 2015

Selon Nicmer Evans, qui durant quatre ans a codirigé le groupe chaviste critique, Marea Socialista, la reconnaissance de la gauche internationale a quitté le gouvernement de Maduro est parce que «dans leurs relations internationales ces mouvements sont plus liés aux traditions et aux discours qu’aux réalités concrètes (…). Ils continuent à voir dans Maduro l’héritier effectif Chavez, mais les organisations de gauche et des forums de la gauche commencent déjà à réexaminer leur évaluation du Venezuela, par exemple sur la question des droits de la personne humaine.»

Selon l’avocat Freddy Gutiérrez, qui était un avocat et ami politique de Chavez, «Maduro prend ses distances avec Chavez et ceux qui croient en un peuple mobilisé. Il n’a aucun succès matière sociale, économique ou politique» a-t-il affirmé à Brecha. «Son gouvernement de ploutocrates et de trafiquants et marqués par le népotisme. Un grand nombre de hauts fonctionnaires du gouvernement ont quitté la fonction publique par cupidité, afin d’obtenir de l’argent, des voitures, des yachts et des biens immobiliers dans le pays et à l’étranger. La «nouvelle» court d’un ministre dont la famille a accumulé plus de 42 millions de dollars, obtenus lors de négociations avec la grande société de construction brésilienne Odebrecht [voir la relation continentale corruption-Odebrecht exposée dans l’article publié le 3 mars 2017 sur ce site], somme déposée dans les banques suisses. Et ce n’est qu’un exemple.»

Pour Gutiérrez «il est inacceptable que l’on puisse qualifier de socialiste un gouvernement qui fait la promotion de lois et de pratiques extractives [qui implique la promotion, donc la mise à disposition de grandes surfaces, pour l’extraction de divers minerais métallique, des pierres, de ressources forestières, d’alluvions, etc.] portant atteintes aux communautés autochtones, aux eaux des mers, des lacs et des rivières, à la faune, et finalement à l’Amazonie et à la planète. Le gouvernement a décidé de mutiler 112 mille kilomètres carrés, plus que la Bulgarie ou à Cuba, dans un projet qu’il a appelé l’Arco Minero del Orinico.» [«Arco» dont l’establishment bolivaro-maduriste espère retirer une nouvelle rente pour lui et une clientèle liée au PSUV et aux structures étatiques; accords négociés de manière secrète dans lesquels la Chine aurait des billes; c’est d’ailleurs ces intérêts très concrets qui expliquent la politique de fuite en avant de Maduro vers l’ANC et la «riposte» d’incarcérer des dirigeants de l’opposition, alors assignés à résidence. C’est un type de nouvelle bourgeoisie qui ne veut pas perdre ses avantages. Les analogies historiques, malgré, les différences de contexte, existent. Réd. A l’Encontre]

Gutierrez fait partie de la plate-forme pour la défense de la Constitution, qui réunit des collaborateurs de Chavez ainsi que des ministres, des universitaires et des militaires d’origine. Elle a rompu avec Maduro. Durant un an et demi la plate-forme a critiqué la politique économique du gouvernement, en particulier: la politique de change mise place – un dollar selon le régime de change officiel peut coûter 10 bolivars, ou 2,700 bolivars, conformément aux dispositions de l’Exécutif ; au marché noir le dollar passe à 8’000 –; les concessions minières à des sociétés transnationales au sud de l’Orénoque; le blocage, en 2016, d’un référendum révocatoire du mandat présidentiel, prévu par la Constitution de 1999; et récemment, l’appel présidentiel pour une assemblée constituante (ANC). Dans ses déclarations, la plateforme insiste sur le fait que Maduro «a trahi l’héritage de Chavez.»

• Pour déchiffrer la carte de la gauche au Venezuela, il faut remonter à ses origines dans les années trente du siècle dernier, avec deux cours d’eau, comme dans beaucoup d’autres pays : communiste et social-démocrate. Le Parti communiste (PCV) et Democratica Accion (AD) se sont battus contre les gouvernements militaires, et entre eux pour obtenir l’appui des masses ouvrières, paysannes et des d’étudiants. Dans les années soixante une scission de l’AD, donne naissance au Movimiento de Izquierda Revolucionaria (MIR), qui embrasse la lutte armée conjointement au PCV; et cela contre les gouvernements des sociaux-chrétiens, des majoritaires de l’AD et du Comité d’organisation politique électoral indépendant (COPEI). Dans les années soixante-dix, ils sont revenus à la lutte légale et de masse, avec des forces fortement réduites, avec le Mouvement vers le socialisme (MAS), une scission du PCV qui trouva sa route vers la social-démocratie.

De petits foyers issus du Pcv (groupe Rupture) et du Mir (Bandera Roja et Liga socialista) ont maintenu pendant quelques années une activité armée et l’orientation insurrectionnelle. Un autre groupe, Causa Radical, a milité dans des syndicats des industries de base. Dans Ruptura se trouvait Adán Chávez, le frère d’Hugo et actuellement un cadre du PSUV, qui a encouragé le jeune officier Hugo Chavez à construire lentement une «loge» clandestine dans les rangs de l’armée. Dans ces groupes aussi, le jeune Nicolás Maduro milita. Dans le «Venezuela Arabie», rassasié de pétrodollars, le bipartisme AD-Copei a régné et les groupes gauchistes se sont effondrés. Seul le MAS, qui fusionnera avec les restes de Mir, a réussi à gratter quelques sièges au Parlement.

• En 1989 le boom a pris fin. Il y eut le «Caracazo» (27 février 1989), une explosion sociale contre la recette du Fonds monétaire international. Cette explosion de colère a fait des centaines de morts [suite à sa répression]. Pour la première fois il y avait élection directe des gouverneurs et des maires de la région. Certains postes ont été obtenus par le Mas et Causa Radical. La conflictualité sociale a augmenté et s’est produite, en 1992, le soulèvement conduit par Chavez contre le président Carlos Andrés Pérez (AD) [qui jouissait, certes des revenus de sa corruption, pas encore éclairée légalement, mais aussi de son poste de vice-président la Deuxième Internationale et de la présidence de l’Association latino-américaine des droits de l’homme]. Dès sa remise en liberté depuis 1994, Chavez s’engage en politique et dès 1997 a commencé à viser le pouvoir gouvernemental par les élections.

En direction de son Mvr (Mouvement pour la V République) sont venus un certain nombre d’anciens membres de la Ligue socialiste et de Ruptura., conjointement à des officiers mis à la retraite après le soulèvement de 1992. Pour l’élection de 1998, se joindront le PCV, le MAS (affaibli suite à des scissions), fracturé, et un secteur de Causa Radical, baptisé Patria Para Todos (PPT).

• Au cours des premières années du gouvernement Chavez, s’est éloigné le MAS (affaibli). Et, par la suite, se sont produites quelques scissions, le PPT se divisant en secteurs pro ou contre l’ex-commandant. Bandera Roja ne l’avait jamais soutenu. Les anciens groupes et acronymes ont disparu, à l’exception du petit PCV. Avec l’échéance de l’affrontement électoral, AD et Copei se rétrécirent, et apparurent de nouvelles formations au centre et centre droit qui depuis des années apparaissaient comme des nains face au géant chaviste et à sa machine électorale: le PSUV.

De telle sorte que la gauche traditionnelle se répartit entre les anciens militants de l’insurrection réunis dans le PSUV, les petits partis satellites et des «collectifs» servent parfois de «forces de choc» contre les opposants du côté du pouvoir. A l’opposé, des groupes anciens et nouveaux, avec des noms anciens ou nouveaux, disposent de forces dans certaines provinces, où avec des membres se joignirent aux nouveaux partis. Si on leur attribue à tous la caractérisation de gauches traditionnelles, il n’est pas possible de tracer une ligne de démarcation claire entre le gouvernement et l’opposition. Les «gauchistes» se trouvaient sur les deux trottoirs bordant la route.

• La nouveauté présente est représentée par les chavistes qui ont rompu avec le gouvernement. La majorité s’annonce de gauche et accuse Maduro pour l’effondrement de l’économie et de la désagrégation du capital politique laissée par son prédécesseur en tant que président et chef du processus bolivarien. Un groupe qui peu à peu haussé le ton de sa critique était Marea Socialista, composée de quelques militants organisés autour du site Aporrea [ouvert à diverses sensibilités et courants]. Il ne dispose plus d’une implantation sociale importante, mais ils constituent une référence parce que ce site servi pour plus d’une décennie pour les discussions dans le «monde chaviste».

Cliver Alcala, militaire à la retraite, très proche de Chavez,
s’oppose à Nicolas Maduro

Le deuxième groupe dissident a émergé à partir des anciens ministres de Chavez – avec leurs lauriers et titres universitaires mis au service du bolivarisme – qui interrogent aussi bien dans leur secteur que de manière plus globale les résultats de Maduro et de ses collaborateurs. Les noms les plus reconnus sont Navarro Héctor (Education), Jorge Giordani (planification), Víctor Álvarez, Oly Millán et Gustavo Márquez (Economie et du Commerce) et Ana Elisa Osorio (Environnement), avec des intellectuels de renom, comme Gutierrez, Lander et anthropologue Esteban Emilio Mosonyi.

Un troisième courant dissident est représenté par des généraux de l’armée, à la retraite, qui occupaient des postes élevés, étaient camarades de Chavez et critiquent Maduro. Son influence sur les militaires d’active, est limitée en apparence, mais reste une inconnue. Trois se détachent avec le rang des principaux généraux (trois étoiles): Clíver Alcalá, ancien commandant de la frontière sud-est avec le Brésil et de la Guyane, Alexis López, ancien secrétaire du Conseil de Défense de la Nation, et Miguel Rodriguez Torres, ancien chef de la police politique de Chavez, un ancien ministre de l’Intérieur sous Maduro et qui a créé un petit parti: Desafio des Todos. Bien qu’ils se disent chavistes, il ne se qualifie ni de socialistes et ni de militants de gauche.

Luisa Ortega Diaz

Enfin, la figure de la procureure générale de la République, Luisa Ortega Diaz, qui de son bureau a contesté le gouvernement [y compris sur le résultat du scrutin du 30 juin] concernant la «rupture de l’ordre constitutionnel» par la Cour suprême, ouvertement opposée à l’Assemblée nationale constituante convoquée par Maduro et respectueuse de la légalité de l’Assemblée nationale, le parlement, où l’opposition est majoritaire. Ortega (58), mariée au député Germán Ferrer, un membre de la guérilla des années soixante, était une sympathisante dans sa jeunesse du groupe de Ruptura. Elle a reçu des marques de sympathie et d’adhésion à l’intérieur et à l’extérieur de chavisme, et elle est considérée comme une référence de «chavisme démocratique».

Il s’agit, dans cette brève énumération, de signaler le potentiel apte à cristalliser dans un mouvement qui se revendique de l’héritage de Chavez, tout en se distanciant de Maduro, c’est-à-dire à indiquer un avenir possible pour un «post-madurisme chavisme, si est exploitée avec tact et savoir-faire cette veine. [d’autant plus dans la conjoncture post 30 juillet].

• A la veille [article écrit le 28 juillet] de l’élection de l’Assemblée nationale constituante convoquée par Maduro, des groupes et des personnalités se sont réunis en courant de type «chavisme critique». IL a présenté un document commun appelant «le peuple à exercer leur droit de ne pas participer à» la consultation officielle.

Le document rejette la répression des manifestations populaires, pour demander la libération des personnes emprisonnées pour y avoir participé, il y avait 4000 détenus, dont 440 restés derrière les barreaux depuis le passé avril et a réclamé

«le plein exercice de la pluralité» . De plus, ils réclament «la création d’un pays englobant avec des mécanismes de paix et de dialogue, propres aux dispositions de la Constitution» de 1999 que les gens ont sanctionné alors par référendum.

L’éventail des signataires va de Marea Socialista jusqu’au Défi pour tous, qui s’engage à «une reprise du fonctionnement démocratique constitutionnel du pays», des conditions de vie du peuple et «pour sauver le meilleur de notre révolution» en ne répétant pas «les graves erreurs et écarts par rapport à ceux qui prétendent répondre à leur responsabilité politique».

Ils ont condamné «les accords économiques néfastes pour la nation et sa souveraineté ainsi que les accords gouvernement de Nicolás Maduro avec les sociétés transnationales (…) et la cession du patrimoine commun national à des fonds vautours».

Evans et Gutierrez ont transmis à Brecha leur critique de l’accueil réservé aux 150 entreprises étrangères intéressées à exploiter la vaste région minière au sud de l’Orénoque, sous un régime placé en dehors des lois valable pour le reste du pays, soit dans les classiques «zones économiques spéciales» dont l’administration a été confiée à des noyaux des forces armées. Ils critiquent également le paiement régulier, métronomique, de la dette extérieure et sans contrôle, ni audit externe de la dette extérieure, paiement qui assèche les réserves internationales, alors que le pays souffre d’un manque de devises pour importer des intrants, de la nourriture et des médicaments.

Le document rejette à la fois la «constituante autoritaire de Maduro», comme du «gouvernement d’unité nationale» proposé par la MUD qui contient les «ingrédients pour un scénario d’escalade de l’intervention étrangère et la guerre civile» s’il est placé sous gestion «des directions irresponsables du PSUV et de la MUD». Enfin, le chavisme critique se déclare prêt à «travailler pour la rencontre, le dialogue, le regroupement ainsi que la réorientation politique de la base chaviste, critique, démocratique et mécontente, bouleversée par la direction et les politiques du gouvernement, qui à notre avis se situent en dehors de l’héritage de Chavez, nous a donné la Constitution avec lui, à la démocratie participative, les valeurs éthiques et tous les principes inspirateurs de la révolution bolivarienne». «Nous nous opposerons et combattrons tout projet marqué par une orientation conservatrice et par l’ajustement néolibéral», a-t-il dit.

Jusqu’à présent, le chavisme critique s’est exprimé par des déclarations et de petits rassemblements dans un cadre «fermé». On ne sait pas si en sortant sur le terrain politique de la lutte dans la rue, les batailles électorales ou syndicales, ils pourront récupérer une bonne partie des supporters qui, en masse, à la meilleure époque, renforçaient, sous divers angles, Hugo Chávez.

• L’Assemblée nationale constituante convoquée par le président Nicolás Maduro le dimanche 30 juillet devrait être élue. Le gouvernement a décidé que se composent de 545 membres, avec 364 qui seront élus par un vote régional: un pour chacune des 335 municipalités, deux dans le cas des municipalités de capitale des Etats et sept pour la capitale nationale: Caracas. Les 173 autres sont élus par des secteurs sociaux: 79 travailleurs, les retraités 28, 24 les conseils communaux, 24 étudiants, huit agriculteurs et pêcheurs, cinq personnes handicapées et cinq hommes d’affaires. Les huit autres seront choisis dans les assemblées des communautés autochtones situées principalement dans les zones forestières et frontalières.

Pour les élections territoriales sera utilisé le registre du Conseil national électoral; pour choisir des représentants du secteur sociaux seront utilisés des listes établies par les ministères qui administrent les domaines respectifs. L’enregistrement des candidats, la campagne et les mécanismes dictant les choix individuels ainsi que les listes ont été établies à grande vitesse, en mai 2017, lorsque le président a convoqué ce scrutin.

L’opposition politique, principalement la coalition réunie dans la MUD, le Parlement (qui est dans l’opposition) et de diverses organisations sociales (plusieurs fédérations syndicales, les associations professionnelles, les chambres de commerce, des groupes religieux et les universitaires, les organisations non gouvernementales) ont décidé de ne pas participer au scrutin. Ils ont appelé à un boycott et ont nourri les manifestations de rue parc ce slogan les derniers mois.

A l’opposé, le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), les groupes politiques alliés et les mouvements sociaux (représentants des quartiers populaires, des travailleurs, des étudiant·e·s et des comités d’approvisionnement) appellent à soutenir la participation de la direction.

Par conséquent, il semble évident que le «constituant» sera du côté du gouvernement. [la seule interrogation alors: le taux de participation]. La tâche que la Constitution actuelle (de 1999) attribue à une assemblée constituante est de rédiger une nouvelle constitution, mais elle peut opposer à l’un des pouvoirs en place. Or, l’appel de mai n’a pas fixé de délai pour le travail de l’ANC et cette dernière sera installée dans le bâtiment gouvernemental où siège l’Assemblée élue en 2015 et disposant d’une majorité se situant dans l’opposition.

La proposition centrale Maduro est que, d’une part, le constituant «va établir la paix dans le pays» et va incorporer à la Constitution de 1999 un chapitre consacré à la jeunesse et, de l’autre, qu’il s’agit donner un statut constitutionnel aux «missions» [consacrées à l’éducation, à l’approvisionnement, au logement, à la santé, pour ces dernières grâce à un appui cubain, en échange, partiel, des livraisons pétrolières], comme les a baptisées le défunt leader Hugo Chávez. Elles se sont développées entre 2003 et 2013.

Maduro et deux candidats désignés pour présider l’Assemblée constituante, la Première dame Cilia Flores et le vice-président du PSUV, Diosdado Cabello, ont déclaré que cette assemblée devra rédiger non seulement une nouvelle constitution mais, en progressant, des «actes constitutifs», qui réorganiseront la politique et institutionnelle du pays.

La participation à atteindre sur un total de 19,8 millions d’inscrits sur la liste électorale est considérée comme essentielle à la réussite et à la légitimité de la nouvelle assemblée. La pluie de protestations dans le pays et par la communauté internationale, cette semaine avant le 30 J, la rumeur se doit de circuler comme quoi le scrutin serait suspendu cette semaine. (Article publié dans Brecha; le 30 juillet 2017, hebdomadaire de gauche situé à Montevideo, Uruguay; article écrit le 28 juillet)

*****

Lettre ouverte: «Il est temps de forger un nouveau mouvement émancipateur!» 

Par Equipo Operativo Nacional de Marea Socialista, Caracas, 31 juillet 2017

Cette lettre ouverte s’adresse «au chavisme critique et à la gauche autonome». Nous écrivons cette lettre ouverte au moment où se déroule une énorme fraude contre le peuple vénézuélien. Les élections à l’assemblée constituante de Maduro représentent l’effondrement du pays tel que nous le connaissions au cours du siècle dernier, la banqueroute d’un Etat rentier à bout de souffle et la ruine de la République. De même, elles mettent en danger l’intégrité de la nation et menacent de la dissoudre.

Elles ouvrent, de cette façon, la voie à une période cruelle de rapine impériale et du capital financier et mafieux, quels que soient les «étendards nationaux». Alors, la violence et la répression croissantes deviendront la loi; les difficultés et les souffrances des plus humbles, des opprimé·e·s et des exclu·es atteindront des sommets inconnus dans l’histoire moderne du Venezuela.

Deux directions politiques irresponsables et criminelles ont creusé les tranchées à partir desquelles elles se lancent à l’attaque pour le pillage, le contrôle et pour tenir une position à partir de laquelle négocier avec le grand capital nos ressources naturelles ainsi que des conditions de vie de notre peuple. Cela, alors même que cela implique créer une sarabande sanglante.

La fausse polarisation qu’ont cherchée des directions – et qu’elles ont, d’une certaine manière, trouvé – a pour objectif d’entraîner d’amples secteurs de la population dans la défense d’intérêts illégitimes poursuivie par chacune d’elle. Elles sont disposées à cette fin, ainsi que cela a été démontré aujourd’hui, au prix de la vie de milliers de personnes, de l’intégrité de centaines de milliers de personnes et de la misère de millions.

Il est important de comprendre, en premier lieu, que la lueur ténue des espérances, pour le retour à une normalité relative, qui aurait pu exister jusqu’au jour antérieur aux fausses élections constituantes, s’est complètement éteinte. Le madurisme et les sommets du PSUV ont franchi le seuil qui séparait leur vocation autoritaire sous un masque de «démocratie» et de «pacifisme», pour arriver sur le terrain d’une tentative de contre-révolution ouverte, au moyen de méthodes de guerre civile sélective, déjà utilisée. Ensuite, l’incapacité, la superbe et l’élitisme manifeste des sommets de la MUD et leur pari effronté pour un foquismo [action de guerilla urbaine sélective] violent ainsi que pour l’ingérence gringa, soit des Etats-Unis et de l’administration Trump le laisse sans possibilité de gagner une bataille démocratique, voie sur laquelle sincèrement – mais de manière erronée – certains ont voulu le suivre, risquant leurs vies (voire au prix de victimes), croyant aboutir ainsi à un changement progressif.

Au-delà de la guerre des chiffres et des images qui, aujourd’hui et dans les jours à venir, servira à la légitimation [pour Maduro, à l’interne] d’élections prétendument constituantes, le fait est que ce 30 juillet 2017 sera rappelé comme le jour où nous sommes entrés de plain-pied dans une période obscure, en des temps troublés, toujours plus violents et difficiles qui nécessitent des réactions individuelles et collectives fortes.

Les prochains mois, voire semaines, détermineront le paysage politique, social, culturel et économique, de même que l’intégrité territoriale du pays pour les prochaines années ou décennies. Face à cela, personne ne peut rester indifférent ou s’imaginer échapper aux conséquences que cette nouvelle période apportera à la nation et au peuple.

Il s’agit également d’une période de ruptures, de faillite des vieilles hégémonies, d’effondrement de croyances illusoires ainsi que de la fin des fausses loyautés; il s’agit, surtout, d’une période de gestation et d’enfantement de nouvelles espérances.

On trouve aujourd’hui, d’un côté, ceux qui face aux menaces utilisées par l’impérialisme nord-américain et le sommet de la MUD pour exercer un chantage sur sommet du gouvernement/du PSUV et sur pays – ou sous la pression, la contrainte et la maltraitance de l’appareil de contrôle de l’Etat – subordonnent ou affichent une solidarité automatique, honteuse et acritique avec le madurisme. De l’autre, il y a ceux qui rejettent l’autoritarisme, la répression éhontée, la vente [du pays], la misère à laquelle nous a conduits le PSUV/gouvernement et qui, par erreur, ont cru, en raison de l’absence d’alternatives, que le sommet de la MUD serait utile pour récupérer la Constitution de 1999, la démocratie et pour mettre un terme à la violence.

Il y a toutefois un troisième secteur, qui a pris de l’ampleur au cours des derniers mois, qui a forgé son identité et commence à apparaître comme un nouveau référent politique, en dehors des deux camps précédents. Il s’est, de fait, transformé en phénomène politique, appelé par la presse locale et internationale le premier «chavisme critique» et qu’ils tentent désormais d’étiqueter sous le nom de «chavisme non maduriste». Ce secteur comprend des militants et des groupes de gauche ou démocratiques qui, ne trouvant pas leur origine dans le chavisme ou pour s’en être séparé il y a longtemps, ont été invisibilisés par les médias.

Nous nous dirigeons à une partie substantielle de ce secteur, y compris à sa fraction de gauche critique et autonome qui maintient les rêves émancipateurs qui ont labouré la première décennie du XXIsiècle dans notre pays et en Amérique Latine. Et qui est à même d’affronter, sans crainte, le bilan nécessaire du processus bolivarien ainsi que de Chávez.

Nous nous adressons à ceux qui ont commencé à s’organiser contre la bureaucratisation brutale au point que le sommet du PSUV et ses «alliés» du GPP [Gran Polo Patriótico Simón Bolívar, coalition réunissant divers partis et organisations satellites du chavisme] ont placé un signe d’égalité entre parti et Etat. A ceux qui franchirent le pas de l’affrontement contre le décret del Arco Minero del Orinoco] et qui ont décidé de lutter contre la remise [au capital étranger] telle que prévue par les Zonas Económicas Especiales ainsi que l’élargissement de la frontière extractiviste, l’approfondissement du pays comme exportateur de biens primaires. A ceux qui rejettent la progression de l’autoritarisme, l’asservissement des droits humains, économiques et sociaux et qui cherchent à rétablir la Constitution de 1999 qui, aujourd’hui, dans le pays, est la seule façon de défendre une démocratie à l’agonie.

A ceux qui refusent que l’on continue de rembourser la dette extérieure illégitime au détriment de l’accès à la nourriture et de la santé du peuple. A ceux qui sont fatigués par l’impunité des directions politiques et par le détournement [des richesses] de la nation. A ceux qui rejettent l’ingérence étrangère, car ils maintiennent vivant les rêves bolivariens de lutte pour une nouvelle indépendance. A ceux qui se placent sur le terrain d’une nouvelle gauche, critique de son propre héritage, qui signale et cherche des propositions à même de dépasser la gravité de la crise de civilisation dans laquelle nous a plongés le système du capital. A ceux qui luttent contre l’oppression de genre, la ségrégation raciale, l’oppression culturelle et matérielle des peuples indigènes. A ceux qui s’opposent à la destruction de la nature et de la vie et qui proposent et cherchent des alternatives soutenables au modèle extractiviste et prédateur. A ceux qui luttent contre l’exploitation du travail; aux syndicats et aux conseils de travailleurs honnêtes qui s’affrontent au patronat, qu’il soit privé ou d’Etat. Aux jeunes et aux étudiants qui, avec courage, défendent leur avenir dans les rues, dans les universités publiques et privées, y compris dans celles du gouvernement, malgré la répression et les intimidations.

Nous sommes nombreux, mais nous avons été longtemps séparés. Ils ont tenté, bien des fois, avec succès, à nous inculquer de la méfiance pour nous maintenir divisés. Nous avons été à tour de rôle réprimés, poursuivis et accusés d’être des traîtres et des agents de la CIA ou de faire le jeu de la droite – nous continuons à l’être. Mais tout à une limite et chacun de nous l’a trouvée. Nous devons vaincre la méfiance, débattre des nuances produites issues de nos origines idéologiques diverses et construire, reconnaissant et respectant la diversité vitale que nous exprimons, un espace commun de réflexion, d’élaboration et d’action.

Au cours des derniers mois, nous avons partagé des espaces et des plateformes de lutte autour de points communs. Des espaces qui ont été utiles, en outre, pour que nous nous connaissions mieux et que nous apprenions à discuter, avec des trébuchements, un certain nombre de points de vue différents, cela dans la recherche des synthèses qui contribueront à cette lutte. Des espaces qu’il est nécessaire de conserver et d’élargir car la lutte qui les a fait naître et lui donne son sens est aujourd’hui plus nécessaire que jamais.

Cependant, nous appelons aujourd’hui à la mise sur pied d’une autre initiative. Une initiative dont la portée est plus englobante et stratégique, qui contribue à dépasser l’absence d’orientation et de leadership d’ensemble, état dans lequel est resté notre peuple en raison de la défaite du sein même d’un projet qu’il rêvait libérateur ainsi qu’en raison de la défection ou de la trahison de ceux qu’il considérait comme ses dirigeants.

Il s’agit, à partir d’une révision critique et autocritique des erreurs du processus bolivarien, de reconstruire, depuis les fondations, un projet national et d’intégration continentale [dont la version récente était appelée : Nuestro americano]. Il s’agit de construire un mouvement de gauche, démocratique, pluriel, englobant les courants de pensée et d’action émancipateurs. En ce qui concerne les identités particulières et avec la volonté d’avancer à partir de l’articulation dans la lutte vers la construction d’une nouvelle synthèse d’élaboration et d’action politique.

Ce que nous proposons est une tâche ardue et complexe. Mais l’heure présente est ardue et complexe. C’est un moment de définition et qui nécessite d’assumer les défis, de conquérir l’autonome et de nous affranchir de toutes les tutelles. C’est l’heure de mettre la main à la tâche, de forger un nouveau mouvement émancipateur. (Texte publié le 1er août 2017 sur le site aporrea.org; traduction A l’Encontre)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*