Par Manuel Sutherland
«Si je voulais aller au Venezuela, je ne le ferais pas en secret (…) Je n’enverrais pas un petit groupe. Non, non. Ce serait une armée (…) et cela s’appellerait une invasion.» Donald Trump
Le mois de mai 2020 a vu le Venezuela plonger dans une crise aux dimensions énormes. Avec le salaire minimum le plus bas de la planète (environ cinq dollars par mois), l’extrême pauvreté ne fait qu’augmenter. Dans ce contexte dramatique, des nouvelles alarmantes sont apparues, comme le massacre de 47 détenus dans la prison de Guanare (qui s’est ajouté à l’incendie d’une prison de Valence où 66 personnes ont trouvé la mort) et une longue confrontation armée entre des gangs criminels munis d’armes militaires, dans la zone nord du vaste quartier populaire de Petare. L’essence, autrefois presque gratuite, a disparu et des milliers de personnes font la queue jusqu’à cinq jours pour faire le plein (l’essence est maintenant acheminée clandestinement de Colombie au Venezuela). Enfin, une panne d’électricité nationale qui a touché 17 États pendant plusieurs heures a entraîné un grave rationnement de l’électricité dans de nombreuses régions du pays.
Dans ces circonstances, une étrange nouvelle est apparue entre les 3 et 4 mai: la police et l’armée avaient capturé deux petites embarcations avec des civils (dont deux Américains) et des militaires déserteurs, portant des armes de guerre, pour combattre le gouvernement de Nicolás Maduro. Cette information surprenante a rempli d’étonnement l’opposition démocratique, qui se bat pour la paix et une résolution négociée de la crise politique. La neutralisation rapide des deux navires a donné au gouvernement une sorte de petite «baie des cochons» [référence au débarquement – qui échoua – d’exilés cubains, organisé par la CIA, en avril 1961], qui, exploitée par l’appareil médiatique des «gauches bolivariennes», a été vendue comme un exploit historique mené par d’humbles pêcheurs, appartenant à la milice, qui ont repoussé l’invasion et capturé les mercenaires.
L’aile de l’opposition, qui insiste sur la légitimité de la présidence de Juan Guaidó, «reconnue par plus de 50 pays», a été frappée par le désarroi. Au début, ils ont dit que c’était un «simulacre», un montage effectué de la narco-dictature. Peu après, ils ont déclaré que la narco-tyrannie avait massacré de courageux combattants de la liberté. Plus tard, ils ont déclaré que l’opération était une mascarade, mais qu’ils allaient défendre les droits de l’homme des personnes qui s’étaient trompées. Ils ont finalement déclaré que la prétendue «invasion» avait été conçue et exécutée par Diosdado Cabello, le président de l’Assemblée nationale constituante, pour inculper l’opposition.
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Que s’est-il réellement passé? Quelles sont les conséquences de cette nouvelle aventure paramilitaire?
Depuis le 23 janvier 2019, jour où le député et président de l’Assemblée nationale Juan Guaidó a prêté serment en tant que président de la République (par intérim) lors d’un rassemblement populaire sur la place Jean-Paul II, s’est développé le discours belliciste de l’aile la plus extrémiste de l’opposition, qui est constamment poussé par Donald Trump et par des insinuations selon lesquelles «toutes les options sont sur la table». La voie électorale et la lutte démocratique contre le régime de chaviste ont alors été considérées comme relevant de la collaboration et étant le fait de poules mouillées. Il fallait passer à l’action directe immédiate, les gens n’en pouvant plus.
En février 2019, les sondages indiquaient que Guaidó était accepté par 80% de la population. Les gouvernements alliés aux États-Unis sont immédiatement sortis pour l’applaudir et le jeune homme de l’État de Vargas a fait la couverture des journaux et des magazines du monde entier. Le 23 février devait être une sorte de point de rupture: l’aide humanitaire internationale stationnée au Brésil, et surtout en Colombie, devait entrer «quoi qu’il arrive». Quatre camions entreraient avec du matériel médical de base et des boîtes de nourriture en provenance de Cúcuta. Le plan était que le peuple se jetterait sur les camions et que l’armée se joindrait à l’insurrection populaire. Des militaires de rang inférieur avaient été contactés pour les attirer dans la rébellion. Ce chantage aboutit à un échec total: pas une seule boîte n’a pu être introduite en utilisant une frontière où la contrebande d’essence et de nourriture est immense.
Alors que l’on croyait que la tentative manquée d’assassiner Maduro avec un drone chargé d’explosifs le 4 août 2018 sur l’avenue Bolivar était la dernière tentative subversive, on s’est réveillé le 30 avril 2019 avec une tentative de coup d’État menée par Guaidó, qui a annoncé que le leader de Voluntad Popular, Leopoldo López, avait été libéré. Le jeune «président» a affirmé avoir pris – ou être à l’intérieur – la base aérienne de La Carlota, située au cœur de Caracas. Entouré d’un petit groupe de civils et de militaires de rang inférieur, Guaidó a parlé d’une insurrection militaire, d’un soulèvement. Quelques heures plus tard, et sans un seul coup de feu, la sédition a été réprimée. Plusieurs militaires se sont rendus, affirmant avoir été trompés, et d’autres ont fui vers des ambassades étrangères, le même après-midi. Personne n’a assumé la responsabilité de ce gênant «coup d’État» qui a fini par être largement ridiculisé sur les réseaux sociaux. En 2018, nous avions déjà assisté au massacre du groupe armé dirigé par Oscar Perez, un ancien commandant de police célèbre pour avoir tiré sur la Cour suprême de justice et volé des armes de gros calibre dans le Fort de Paramacay. La sous-estimation de la puissance militaire et policière du gouvernement bolivarien est vraiment stupéfiante.
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Lors des précédentes interventions militaires américaines en Amérique latine, notamment dans la baie des Cochons, les responsables de Washington ont également nié catégoriquement leur implication dans un premier temps. De même, dans le cas de l’opération illégale visant à financer la guerre terroriste «Contras» au Nicaragua dans les années 1980, Washington a nié son implication jusqu’à ce que le contractant de la CIA, Eugene Hasenfus, soit abattu alors qu’il transportait des armes dans un avion. Le scénario sera toujours celui d’un démenti strict, bien qu’il semble impossible de penser que les États-Unis, au-delà de leur implication, n’étaient pas au courant du contrat qui «légalisait» l’invasion et avait été signé à Miami (il y avait littéralement un contrat commercial). Il faut rappeler que Washington a accusé Maduro de narco-terrorisme et a mis un prix sur sa capture: 15 millions de dollars.
Le contrat était un secret bien gardé jusqu’à ce que le général à la retraite Clíver Alcalá Cordones en parle ouvertement fin mars 2020. Cela s’est produit après que ce militaire proche de Chávez, et l’un des plus haut gradés de la dissidence, ait été arrêté par la police colombienne avec une grande quantité d’armes, et après que la Drug Enforcement Administration (DEA) a offert 10 millions de dollars pour sa capture, car elle le reliait aux cartels de la drogue au Venezuela. Sa réaction a été de télécharger une vidéo sur les réseaux sociaux où il a admis avoir armé et entraîné un commandement rebelle vénézuélien en Colombie afin de renverser le régime. Dans son récit, Alcalá Cordones a parlé d’un contrat signé par Guaidó et un propriétaire américain d’une société de sécurité qui avait formé des troupes rebelles vénézuéliennes en Colombie. Quelques jours plus tard, Diosdado Cabello dit qu’ils étaient au courant de toutes ces opérations subversives et qu’ils connaissaient l’entrepreneur américain, qui n’est autre que Jordan Goudreau.
Goudreau avait été engagé en février 2019 pour assurer la sécurité du concert de Cúcuta (ville colombienne département Norte de Santander) financé par le millionnaire britannique Richard Branson. La société Silvercorp a participé en tant que fournisseur de sécurité à des réunions politiques à Trump. Une relation aussi intime lui a permis d’être recommandé par la Maison Blanche pour assurer la sécurité du concert et conseiller Guaidó dans son combat pour renverser Maduro. Goudreau est très à l’aise avec les réseaux sociaux et a obtenu une célébrité médiatique avec la suggestion bizarre de «mettre des flics antiterroristes dans les écoles déguisés en enseignants». L’entrepreneur des médias a également eu la bonne grâce de menacer de mort la journaliste vénézuélienne Érika Ortega, en affirmant que les mercenaires sont payés pour tuer, alors qu’ils pouvaient le faire gratuitement sur un tweet qui a conduit à la fermeture de son compte.
Lors d’une opération en Jamaïque fin 2019, ce vétéran des forces spéciales américaines avait déjà intégré deux autres anciens bérets verts et coéquipiers, Airan Berry et Luke Denman, les deux Américains actuellement en prison pour l’incursion militaire ratée au Venezuela. À cette occasion, Goudreau les a convaincus de la facilité et de la rentabilité de l’opération contre Maduro. On sait que le contrat apparemment signé par Guaidó lui-même était montré aux gens présents dans le camp situé en Jamaïque, camp dirigé par Goudreau, comme une offre d’emploi tentante. Lorsqu’on lui a demandé quel était son plan, Jordan Goudreau a répondu qu’ils avaient l’intention de lancer une incursion armée au Venezuela pour capturer et/ou éliminer des cibles de grande valeur. On sait qu’un ancien combattant en cours de recrutement était très sceptique quant à l’offre de Goudreau, car Silvercorp n’avait pas une seule mitrailleuse à l’époque, ce qui est normal car cette société (constituée en 2018) assure la sécurité lors d’événements publics et non des opérations militaires. Il est tout à fait plausible que la CIA ait découvert l’opération prévue par Goudreau en Jamaïque et ait averti à de nombreuses reprises la Silvercorp de ne pas la réaliser parce qu’il s’agissait d’un suicide.
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Dans un document récemment publié par le Washington Post, il est révélé que des membres de l’opposition vénézuélienne ont négocié en octobre 2019 un accord avec une société de sécurité de Floride pour renverser Maduro. Le document comprend la signature de Guaidó, engageant Goudreau dans une opération militaire pour capturer ou éliminer Maduro et plusieurs membres de son gouvernement. C’était le contrat auquel Alcalá Cordones avait fait allusion avant de se rendre à la DEA et que Guaidó avait nié. Le général déserteur a déclaré dans une interview avant de se rendre que le contrat avait été rompu malgré le fait que les opérations étaient bien engagées.
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Lorsque Goudreau est arrivé le 7 septembre 2019 au bureau de Juan José Rendon, haut-représentant de Guaidó à Miami, le comité stratégique avait déjà rencontré une poignée de sociétés paramilitaires qui offraient les services d’éliminer ou de capturer Maduro et son entourage. Certains voulaient jusqu’à 5 milliards de dollars pour ce «job». Goudreau, en revanche, a proposé un plan avec quelques petites avances et un paiement total beaucoup moins cher – 212,9 millions de dollars – considérant qu’ils allaient envahir un pays de 30 millions d’habitants, disposant d’une force armée d’environ 150’000 combattants et d’une superficie de 916’000 kilomètres carrés. Le contrat prévoyait le paiement de 75% du contrat après le renversement de Maduro et la prise de contrôle totale du pays. Le reste de l’argent de cette opération faite à crédit proviendrait de versements issus des futures exportations de pétrole sous un gouvernement Guaidó.
Le curieux contrat compte huit pages principales et 42 annexes supplémentaires, selon plusieurs sources liées à l’affaire, bien que dans un entretien avec Patricia Poleo Goudreau, elle affirme que le document compte plus de 70 pages. Le contrat pour une invasion à la carte avait un témoin formel: l’avocat Manuel J. Retureta, un pénaliste renommé, spécialisé dans la défense des célèbres trafiquants de drogue latino-américains. Ce pénaliste qui a signé en tant que témoin n’a pas encore dit un seul mot à un quelconque média.
Juan José Rendón a ouvertement admis avoir signé le contrat, mais a déclaré que Guaidó ne l’avait jamais fait. Rendón a avoué que le document, signé en octobre 2019, «était une exploration pour voir la possibilité de capturer et de livrer à la justice des membres du régime qui sont sous le coup de mandats d’arrêt émis par les tribunaux des État-Unis». Mais ces mandats d’arrêt ont été émis cinq mois après la signature du contrat, c’est-à-dire en mars 2020.
Le contrat promet une première avance de 1,5 million de dollars à Silvercorp. Le texte prévoit ensuite une avance de 50 millions de dollars pour des services tels que la planification stratégique, l’acquisition d’équipements et les «conseils pour l’exécution des projets». Il est intéressant de noter que le contrat stipule que Silvercorp ne se bat pas, mais se contente de conseiller. L’idée initiale était que l’incursion, ajoutée aux actions de propagande armée, démoraliserait la police et les forces armées. Dès lors, comme un château de cartes, le gouvernement tomberait rapidement. Les mercenaires pourraient kidnapper les personnes réclamées par la DEA et exiger leurs récompenses respectives. Voyant cela, les gens descendraient dans la rue et expulseraient le dictateur Maduro. Guaidó serait enfin un vrai président et l’histoire serait terminée.
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Comme prévu, les choses ne se sont pas bien passées. Le dimanche 3 mai, quelques heures après le premier raid, la journaliste Patricia Poleo a publié l’accord. En outre, dans le rapport, publié sur le compte @FactoresdePoder sur Twitter, Jordan Goudreau explique que M. Guaidó mentait lorsqu’il a déclaré que l’opération à Macuto était «une farce du régime» et que sa société avait conçu les opérations. Jordan Goudreau a parlé de la signature de Guaidó et a montré une vidéo où l’on peut entendre le moment où toutes les personnes présentes signent le contrat (à Miami) et où le «président par intérim» dit qu’il enverra sa signature scannée, par courriel, depuis Caracas.
Comme l’a indiqué M. Goudreau, le coût de cette mission serait de 212,9 millions de dollars. Cette partie du plan durerait 495 jours, parce qu’ils continueraient en tant que «force de sécurité du gouvernement» pendant qu’ils stabiliseraient la situation. Il y est convenu de payer le contractant mensuellement, après l’achèvement du projet, entre un minimum de 10’860’000 dollars et un maximum de 16’456’000 dollars. Si le plan est couronné de succès, l’entreprise recevra une prime de 10 millions de dollars. Le contrat contient des clauses très frappantes:
- Le Comité stratégique aura l’autorité d’approuver toute attaque et d’ordonner l’ouverture du feu contre des cibles militaires et non militaires, «les infrastructures et les objectifs économiques vénézuéliens», «les routes et les moyens de communication»;
- L’annexe B, numéro quatorze, point a, établit que les mines antipersonnel peuvent être utilisées sur tout le territoire en fonction de ce qui est à la disposition de l’entreprise;
- L’annexe L stipule que Silvercorp n’est pas responsable devant la loi pour tout acte de violence ou de destruction pendant l’exécution du contrat. Si Silvercorp est poursuivie en justice aux États-Unis, le gouvernement de Guaidó devra payer tous les frais de défense et en assumera la responsabilité financière;
- L’annexe N indique que la chaîne de commandement de l’opération se compose comme suit: le commandant en chef, Juan Guaidó; le superviseur du projet, Sergio Vergara; le chef de la stratégie, Juan José Rendón; le commandant sur place, à déterminer (bien qu’au moment du débarquement proprement dit, c’est le capitaine Antonio Sequea qui était responsable; en tant qu’ancien officier de la Garde nationale bolivarienne (GNB), Sequea apparaît dans des vidéos et des photos mettant en scène Guaidó lors de la tentative de coup d’État du 30 avril);
- L’annexe B, paragraphe 1, point c, stipule: «Le personnel du prestataire de services n’a qu’une fonction consultative. Ce ne sont pas des combattants»;
- L’annexe D, paragraphe 4, confirme ce qui précède, en particulier: «Le personnel du prestataire de services n’est composé que de conseillers, il ne s’agit pas de combattants. Cependant, ils sont autorisés à se défendre eux-mêmes».
Il est clair que le contrat viole toutes les dispositions légales connues, à commencer par la charte des Nations unies. Le Venezuela est signataire de la Convention internationale des Nations unies contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires. La résolution 57/196 de l’Assemblée générale des Nations unies stipule qu’elle condamne «tous les États qui permettent ou tolèrent le recrutement (…) de mercenaires dans le but de renverser les gouvernements des États membres des Nations unies».
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L’apparition de Goudreau à la télévision devait donner un visage au raid. Pour combattre la rumeur de l’opposition concernant une opération bidon. L’intention de l’ancien militaire états-unien était de dénoncer Guaidó et ses acolytes pour rupture de contrat. Selon M. Goudreau, il n’a jamais reçu l’argent stipulé dans le contrat, pas même l’avance de 1,5 million. C’est pourquoi il s’est senti trompé et a dénoncé tous les signataires en disant qu’il n’avait jamais vu de sa vie un tel niveau de trahison et d’indifférence face à cette situation. Lorsque le journaliste lui a posé la question évidente: pourquoi avez-vous effectué l’opération même sans être payé, sa réponse était peu plausible: «Nous l’avons fait parce que nous sommes attachés à la liberté du Venezuela.»
Les faits sont les suivants: entre les 3 et 4 mai, deux barques, avec environ 22 personnes, sont entrées dans la baie de Macuto et Chuao. Il y avait des ex-militaires avec des armes, des uniformes et du matériel, et ils portaient tous leurs papiers d’identité. Ils sont entrés par la côte centrale en plein jour, à quelques kilomètres du plus grand port du pays et d’une base navale, dans une zone densément peuplée. Ils sont entrés en pleine situation de confinement, avec des militaires et des policiers déployés dans les rues, avec une pénurie totale d’essence, avec des routes désertes et remplies de postes de contrôle. Il ne semble pas y avoir de moment plus absurde que celui-ci pour une invasion.
Comme prévu, avant d’atteindre leur point de débarquement, ils ont été facilement repérés par les forces de sécurité vénézuéliennes. Selon le gouvernement, le bateau s’est approché de la côte et ses membres ont ouvert le feu. La version officielle parle d’une bataille qui a duré environ 45 minutes. Le bateau a chaviré, faisant huit morts et seulement deux arrestations. Un jour plus tard, le 4 mai, 13 autres attaquants ont été capturés à Chuao (État d’Aragua) lors d’une reddition sans confrontation. Parmi les personnes arrêtées se trouvent les États-uniens Luke Denman et Airan Berry, employés de Silvercorp. À ce jour, il y a environ 40 prisonniers et plusieurs mandats d’arrêt supplémentaires. Peu à peu, les forces de sécurité ont arrêté les guérilleros présumés associés au raid, qui venaient chercher de la nourriture ou qui erraient dans la région.
Quelques heures plus tard, la chaîne de télévision publique du Venezuela, VTV, a diffusé une vidéo dans laquelle l’un des deux États-uniens détenus «avouait» que le plan était de capturer Maduro et de l’amener aux États-Unis. Lorsqu’on lui demande qui donne les ordres à Goudreau, Denman répond: Donald Trump. De manière incroyable, il déclare: «J’ai été engagé pour me rendre à Caracas, sécuriser un aéroport et suivre le plan, ma mission était de prendre un aéroport jusqu’à ce qu’ils puissent transférer Maduro en toute sécurité dans un avion à destination des États-Unis. Maduro a ensuite souligné l’arrestation d’Adolfo Baduel, fils de l’ancien ministre de la défense de Chavez, Raul Baduel, qui est également en prison. Quelques jours plus tard, le Ministère public a lancé des mandats d’arrêt contre Rendón, Sergio Vergara et Goudreau pour leur implication dans la conception, le financement et l’exécution des plans du coup d’État. Curieusement, le procureur général n’a pas mentionné Guaidó. Ce dernier a mis en colère la base chaviste qui réclame son emprisonnement.
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La communauté internationale a gardé un silence de plomb sur les opérations paramilitaires de Macuto et Chuao. Les partis et les gouvernements européens qui ont soutenu si ouvertement le «gouvernement intérimaire» (de Guaidó) ne se sont pas prononcés. Ceux qui se considèrent comme des démocrates et qui ont utilisé d’importantes ressources du trésor public pour financer les protagonistes de ces événements ne les ont pas condamnés. Il semble y avoir très peu de clarté sur la situation réelle au Venezuela et très peu d’engagement à respecter le droit international. Dans ce scénario de silence lugubre, la lettre de trois sénateurs démocrates américains est importante car elle est l’une des rares déclarations qui a attiré l’attention sur l’opposition extrémiste et la politique belliciste de la Maison Blanche. Ces sénateurs rappellent que dans la loi VERDAD (Venezuela Emergency Relief, Democracy Assistance and Development Act), promulguée par Trump en décembre 2019, Washington déclare qu’il vise à «faire avancer une solution négociée et pacifique à la crise politique, économique et humanitaire du Venezuela (…) Les attaques armées, même si elles sont menées par des acteurs indépendants, vont à l’encontre de cette politique (…) de telles incursions nuisent aux perspectives d’une transition pacifique et démocratique au Venezuela en suggérant qu’une intervention armée est une option viable pour résoudre la crise.»
Pour toutes ces raisons, le rôle des agents de paix internationaux, des négociateurs expérimentés et de la communauté internationale en général est essentiel. Il serait extrêmement important pour eux d’agir afin d’éviter l’escalade continue d’un conflit qui pourrait culminer en un scénario de guerre civile catastrophique. La reprise des pourparlers d’Oslo est au centre de cet effort. Toutefois, il est essentiel que l’opposition démocratique prenne ses distances avec les dirigeants bellicistes qui ont exprimé leur aversion pour le dialogue et l’ont continuellement saboté. En ce sens, elle a été fonctionnelle à la stratégie du gouvernement d’utiliser ces cas de manière opportuniste. L’opposition sensée devrait réfléchir à la possibilité de construire un large front qui rassemble les forces démocratiques et constitutionnelles. Un front qui condamne les actions paramilitaires et terroristes, et se concentre sur la lutte pacifique pour la reconstruction d’une République noyée dans une mer de problèmes qui ne cessent de croître.
Si aucun progrès n’est réalisé dans un processus de négociation impliquant des micro-accords humanitaires menant à un accord politico-humanitaire à grande échelle, le gouvernement pourrait résister, en faisant appel à des distributions de nourriture, bien que réduites par rapport au passé, en maintenant certaines subventions et en augmentant la force répressive de l’État. Le problème est que sans une amélioration de la situation économique à moyen terme, l’économie pourrait se détériorer encore plus et une pauvreté généralisée structurerait la vie sociale dans les années à venir. (Article publié dans la revue Nueva Sociedad, mai 2020; traduction rédaction A l’Encontre)
Manuel Sutherland est économiste et directeur du Centro de Investigación y Formación Obrera (CIFO), Caracas
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