Pour chaque adulte, il y a trois enfants dans la pauvreté

Le président «Pepe Mujica»

CEPAL

Les politiques sociales pour combattre la pauvreté ont été l’un des chevaux de bataille du gouvernement du Frente Amplio (Front ample, qui a élu à la présidence Pepe Mujica en novembre 2009, un ex-Tupamnaros). Néanmoins l’Uruguay est un des pays d’Amérique latine où l’importance de la pauvreté infantile est la plus pressante.

Un rapport de la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), divulgué il y a peu, signale que pour chaque adulte pauvre, il y a trois enfants qui vivent dans des conditions d’extrême précarité.

Le rapport de la CEPAL, intitulé «Panorama social en Amérique Latine pour 2009» souligne: «En Amérique Latine la pauvreté frappe plus durement les enfants et les femmes que chez le reste de la population. Elle est 1,7 fois plus élevée chez les enfants de moins de 15 ans que chez les adultes, et 1.15 fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes».

Le rapport présenté par la secrétaire exécutive de la CEPAL, Alicia Barcena précise: «Dans tous les pays de la région à l’exception du Salvador, l’écart entre la pauvreté des enfants et celle des adultes s’est aggravé au cours des six dernières années, surtout en Argentine, au Brésil, au Panama, en Uruguay et au Venezuela, malgré des variations importantes d’un pays à l’autre»

Dans ce contexte, l’Uruguay a été présenté comme l’un des pays où le phénomène de la pauvreté chez les mineurs de moins de 15 ans est le plus gravement implanté.

Le texte poursuit: «En Uruguay, par exemple, la pauvreté est 3.1 fois plus importante chez les enfants que chez les adultes, alors qu’au Chili le taux est de 1.8 et au Nicaragua de 1.3». En 2002, ce rapport était de 2.5.

Le directeur national des Politiques Sociales du Ministère du Développement social (MIDES), Christian Mirza, a déclaré au quotidien espagnol El Pais: «En Uruguay la pauvreté n’a pas augmenté, mais a suivi la tendance à la baisse du taux de pauvreté et d’extrême pauvreté (…) surtout en ce qui concerne les premiers groupes d’âge».

Le fonctionnaire a rappelé que déjà en août 2009 on avait rapporté une «évolution positive» dans la tranche des moins de six ans, où la pauvreté a passé de 55% à 39%. Mirza a assuré qu’y compris dans la tranche d’âges de 6 à 12 ans, le pointage indique un taux de près de 38%, soit très proche du groupe de zéro à cinq ans. Et il a souligné que cela signifiait que l’Uruguay avait un impact en matière de réduction de la pauvreté infantile.

Selon Mirza «Ce qu’enregistre Panorama 2009 est certainement une évolution que nous avons enregistrée il y a beaucoup plus longtemps, et qui concerne un abaissement, beaucoup mieux connu, de la pauvreté dans la population adulte, et en particulier parmi les adultes âgés, où le taux de pauvreté des plus de 65 ans n’atteint même pas le 10%».

«On peut comprendre encore mieux cette différence en tenant compte du fait que nous couvrons une bonne partie des adultes âgés qui se trouvent en situation d’extrême pauvreté avec l’assistance vieillesse. Ce qui se passe c’est qu’en termes absolus, le nombre d’enfants en situation de pauvreté était significativement plus élevé que celui des adultes âgés.», a-t-il expliqué. Et il a ajouté qu’en termes généraux, selon le rapport de la CEPAL, «l’Uruguay est assez bien positionné dans la région et dans le continent.»

Les femmes constituent un autre des segments sociaux les plus vulnérables et précarisés

Dans ce domaine, l’Uruguay ne constitue pas non plus une exception. Le document de la CEPAL précise : «L’exposition à la pauvreté des femmes est plus élevée que celle des hommes dans tous les pays de la région, et elle et notoirement plus élevée au Panama (1.37 fois), au Costa Rica (1.30 fois), en République Dominicaine (1.25 fois, au Chili (1,24 fois) et en Uruguay (1,21 fois). Dans 13 des 18 pays, ce rapport s’est creusé entre 2002 et 2008».

En outre, plusieurs pays ont connu une «aggravation» de cette différence, en particulier le Chili et l’Uruguay. «Il faut rappeler que ces écarts ne reflètent pas toute l’envergure du problème, puisque la méthodologie utilisée pour mesurer la pauvreté ne prend pas en compte la répartition de ressources dans les ménages, alors que c’est précisément un des milieux où les disparités de genre sont les plus importantes».

Dans le cas de l’Uruguay, le taux de femmes pauvres par rapport aux hommes (dans la tranche d’âge de 20 à 59 ans) a passé de 1.05 fois en 2002 à 1.21 fois en 2008.

Consulté sur ce point, Mirza a répondu que la réduction de la pauvreté en Uruguay a eu «un impact très important sur les foyers monoparentaux ayant une femme comme cheffe de famille, et donc également sur la population féminine (en général). Mais que, bien sûr, les points de départ de l’Uruguay étaient réellement très élevés.».

Le directeur de MIDES a argumenté qu’une des difficultés qu’affrontent les femmes pour atteindre de meilleures conditions de vie est leur désavantage par rapport aux hommes en ce qui concerne l’insertion dans le marché de l’emploi.

La CEPAL soutient justement que «le travail non rémunéré et les soins aux tierces personnes empêchent l’insertion professionnelle des femmes, ce qui rejaillit sur la pauvreté des enfants».

Selon le rapport, la participation professionnelle des femmes reste «extrêmement stratifiée». Autrement dit, les femmes pauvres ont plus de difficultés que celles des couches plus élevées.

« Outre les pays pauvres, il y a des nations relativement plus développées comme le Costa Rica, le Mexique, le Chili et le Panama qui ont des taux bas et stratifiés de participation professionnelle féminine».

L’un des principaux obstacles à l’insertion professionnelle des femmes est la charge de travail domestique non rémunéré.

En Uruguay les femmes consacrent quotidiennement en moyenne presque cinq heures par jour au travail non rémunéré, contre un peu plus de 7 heures au Guatemala. En ce qui concerne les hommes, à l’exception du Guatemala, ils n’y consacrent jamais plus de deux heures en moyenne.

Selon la CEPAL :«La charge de travail non rémunéré augmente proportionnellement à la nécessité de s’occuper de jeunes enfants ou de personnes âgées dépendantes, et cette charge est en rapport direct avec le niveau de revenu du foyer. Plus la charge de travail non rémunérée est importante, moins les femmes pauvres ont la possibilité d’accéder au marché du travail».

L’étude lance également cet avertissement: «La population latino-américaine est en train de vieillir, et on estime que vers l’année 2035, le taux de population de moins de 14 ans sera similaire à celui des plus de 60 ans, ce qui représente un renversement de la structure démographique qui existait il y a 40 ans, lorsque la population latino-américaine était majoritairement jeune. Vers le milieu de ce siècle le nombre d’adultes âgés dépendants pour des raisons de santé et qui nécessiteront des soins, aura doublé».

Le niveau de pauvreté infantile en Uruguay est «alarmant»

Le directeur du Développement Social de la CEPAL, Marin Hopenhay, a qualifié de «alarmant» le niveau de la pauvreté infantile en Uruguay.

Il a mis l’accent sur l’éducation en tant que mécanisme pour briser le cercle de la pauvreté et a déclaré que les politiques publiques dans ce domaine doivent viser à ce que «les inégalités d’origine ne deviennent pas des inégalités de trajectoire».

Pour illustrer une réalité préoccupante, l’expert a donné les chiffres suivants sur la scolarité en Amérique latine: «Parmi les jeunes âgés de 20 à 24 ans appartenant au 20% le plus pauvre de la population, un sur cinq a une scolarité secondaire complète; parmi les jeunes de la même tranche d’âge du 20% le plus riche, quatre sur cinq ont complété leur scolarité secondaire».

Dans ce rapport de la CEPAL on signale que «l’écart de pauvreté par âge et par genre exige des mesures politiques à long terme pour développer l’insertion professionnelle des femmes, pour répartir la charge du travail domestique non rémunérée et pour étendre la couverture scolaire des mineurs».

Devant la réalité que subissent les pays d’Amérique latine en termes de pauvreté – on estime que 184 millions de personnes vivent dans cette condition – la CEPAL a formulé quelques propositions visant à corriger cette problématique.

C’est ainsi qu’elle suggère une extension des immatriculations et de la couverture scolaire des enfants de moins de cinq ans; l’extension des journées scolaires; la création de services collectifs de garde des personnes âgées; des investissements plus importants dans la santé et dans la prévention;

La punition de la discrimination des femmes sur le marché du travail et la redistribution de la charge de travail domestique non rémunéré.

Christian Mirza, quant à lui, admet qu’en Uruguay on devrait veiller à une «continuité» des politiques sociales qui sont appliquées et a appelé à ce qu’on les approfondisse, il a également appelé à étendre le «Pan de Equidad» (le pain de l’équité) promu par le gouvernement. (Traduction A l’Encontre)

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