Par José Antonio Vera
Cette fois, c’est l’Université nationale d’Asuncion (UNA), la principale institution de l’enseignement public paraguayen, qui est la cible d’une nouvelle étape dans l’escalade de la répression qu’applique le gouvernement d’Horacio Cartes [il assume le mandat présidentiel
depuis août 2013 pour une durée de cinq ans; multimillionnaire il a «acquis» le Parti Colorado] contre les mouvements de protestation sociale, les populations et organisations paysannes, et même les travailleurs des médias [1].
Aux premières heures du matin, quelque trois cents policiers sont entrés dans le campus de l’UNA, en violation flagrante du statut d’autonomie des universités. Ces policiers obéissaient à l’ordre d’un procureur afin de permettre la sortie du recteur, des doyens, de plusieurs enseignants ainsi que de deux délégués étudiants pro-gouvernementaux retenus depuis environ 15 heures par des milliers d’étudiants de diverses facultés. Ces derniers réclamaient l’application de l’accord, convenu il y a plusieurs mois, portant sur le statut de l’institution et que les autorités continuent à ignorer.
Quatre dirigeants étudiants, qui n’ont pas utilisé la force face au rectorat, furent désignés comme les responsables de cette rébellion de jeunes par le Ministère public et convoqués devant le procureur, avec la possibilité d’être mis aux arrêts dans le Département de la Police spécialisée, là où purgent des personnes accusées de trafic de drogue et de terrorisme. Les accusés eux-mêmes disent que leurs noms ont été donnés à la police par le rectorat.
Cette nouvelle occupation du campus – entouré par 50 véhicules de toutes les forces de police et les Forces d’opérations de choc (Fope) – répète le scénario vécu il y a tout juste un an lorsque les étudiants ont mené une campagne pour la réforme du système d’éducation et contre la corruption qui règne à tous les niveaux au sein de huit universités publiques et de 50 privées. A ce moment-là, comme actuellement, la force revendicative des étudiants a contraint au retrait des «hommes en uniforme», auxquels se mélangeaient de nombreux agents en civil.
Le mouvement de l’année dernière a abouti à l’éviction du recteur Froilan Peralta et à sa condamnation à une peine de prison. Celle-ci a été remplacée par 15 jours d’arrêts domiciliaires, en raison de la forte influence du Parti Colorado sur tous les secteurs et échelons de l’Etat, en particulier l’éducation, les membres de la Cour suprême qui occupent la fonction de doyen dans diverses facultés et d’autres positions de professeurs mandarins partisans ou de fonctionnaires avec des salaires élevés; de nombreux sans formation professionnelle et d’autres avec des titres achetés.
Ce nouveau défi pour Horacio Cartes arrive au milieu de nombreuses protestations dans divers domaines à l’échelle nationale, de la paysannerie aux enseignants et au personnel hospitalier, marquées par un fort mécontentement face à la police. Ce malaise touche même un certain nombre d’employeurs qui se sentent marginalisés par le gouvernement lors des appels d’offres pour des travaux publics au profit des investisseurs étrangers et des sociétés transnationales.
Le pouvoir exécutif dans son ensemble y répond par un discours agressif. Il utilise des formules telles que «les rats que nous allons fumiger», en faisant allusion aux attaques qui se sont produites dans le nord-est du pays. En ce qui concerne les auteurs de ces attentats, le gouvernement et la presse contrôlée parlent de «gauchistes à liquider» comme durant les jours d’Alfredo Stroessner [dictateur de 1954 à 1989, décédé à Brasilia en 2012], «qui devrait être présent parmi nous», comme l’a proclamé un sénateur en plein Congrès. (Article publié le 16 septembre 2016 dans l’hebdomadaire uruguayen Brecha, écrit depuis Asuncion; traduction A l’Encontre)
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[1] Voir l’article sur ce site par José Antonio Vera publié le 22 juillet 2016.
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