Par Ismael Lopez
Les députés orteguistes et leurs alliés ont approuvé l’auto-amnistie de la dictature de Daniel Ortega et Rosario Murillo, en session extraordinaire ce samedi 9 juin. Ils l’ont fait avec les 70 voix de la machine parlementaire officielle, au milieu des discours de leurs députés qui tentent de se justifier devant les membres du Front sandiniste au pouvoir parce que, selon l’allégation officielle, ils amnistient les «terroristes», «pour le bien de la paix.»
La loi, adoptée le vendredi 9 juin par le groupe parlementaire orteguiste, accorde «une large amnistie à toutes les personnes qui ont participé à des événements sur l’ensemble du territoire national du 18 avril 2018 à ce jour» et s’étend aussi bien aux personnes qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête, qu’à celles qui font l’objet d’une procédure pénale pour déterminer leur responsabilité et sont en train d’exécuter leurs peines.
Les familles des victimes du massacre opéré par les orteguistes, les prisonniers politiques libérés de prison et les proches des prisonniers d’opinion encore en prison, ainsi que les organisations nationales et internationales de défense des droits humains soutiennent qu’Ortega entend protéger les auteurs de son massacre d’accusations légales, entre autres la Police nationale et les paramilitaires ou des groupes illégaux de civils qui, avec la force des armes, ont levé les barrages routiers et des barricades, qui avaient été installés pour éviter des attaques paramilitaires dans des quartiers et les villes ainsi que pour mettre sous pression le gouvernement.
«Le débat»
Le premier à prendre la parole pour la fraction parlementaire du FSLN fut son chef, Edwin Castro. «Il s’agit d’un acte de souveraineté qui vise la paix et la réconciliation», a déclaré le porte-parole politique de la dictature.
Il s’agit d’un «pardon avec justice et non une opportunité pour une répétition», a dit Castro, faisant allusion à l’article 3 de la loi d’amnistie qui interdit aux «prisonniers politiques» qui seront libérés suite à l’amnistie de manifester de nouveau.
Le discours de Castro n’a pas manqué la mise en scène dictée par le bureau d’Ortega à El Carmen [la résidence protégée du pouvoir]: «Cela nous fait mal d’avoir à amnistier les assassins de policiers… les tortionnaires de l’école San José à Jinotepe», a-t-il souligné.
Le 6 juin, dans un acte partisan pour rendre hommage au militant sandiniste Bismarck Martínez – tué dans des circonstances peu claires pendant les manifestations – le dictateur Ortega a tenté de remonter le moral de sa base militante, en se plaignant des attitudes de la Conférence épiscopale et des organisations des droits humains et en essayant de faire croire que les sandinistes qui le soutiennent étaient victimes de persécutions pendant les manifestations de 2018.
La dictature cherche à justifier son auto-amnistie en libérant des prisonniers politiques. Un engagement qu’il avait déjà pris à la fin du mois de mars à la table des négociations avec l’Alliance civique pour la justice et la démocratie, avec l’Organisation des Etats américains et le Vatican comme témoins. Toutefois, cet engagement fait partie des 26 accords que le régime a signés, mais qu’il n’a pas respectés.
L’avocat et défenseur de dizaines de prisonniers d’opinion de la dictature, Julio Montenegro, affirme qu’ils devraient être libérés suite «à une déclaration d’invalidité de toutes les procédures et des acquittements définitifs», mais pas suite à une «amnistie ou à une grâce accordée».
«Cette loi d’amnistie pourrait donner lieu à des actes d’injustice notoires», a déclaré l’avocat Julio Montenegro dans un entretien accordé à Carlos Fernando Chamorro lors de l’émission Esta Semana, diffusée ce dimanche, à partir de 20 heures, sur la chaîne Confidentcial YouTube et Facebook Live.
Julio Montenegro et divers pénalistes et spécialistes des droits de l’homme ont indiqué que les crimes contre l’humanité commis par la police et les forces paramilitaires sous les ordres de la dictature d’Ortega et de Murillo ne sont pas considérés comme devant être inclus dans cette loi.
L’auto-amnistie est également perçue par les proches des personnes tuées comme une tentative de la dictature de laisser impunis les crimes commis depuis le début des manifestations en avril 2018. Selon les organisations de défense des droits humains, au moins 325 personnes ont été tuées entre avril et septembre 2018, lorsque Ortega a imposé de facto un état de siège pour interdire la mobilisation des citoyens et des citoyennes. En outre, plus de 700 Nicaraguayens ont été emprisonnés et plus de 60’000 ont été contraints à l’exil en raison de persécutions politiques.
Dans l’hémicycle de l’Assemblée, ce samedi 10 juin, José Figueroa, membre du Congrès, a également eu l’occasion de résumer les discours que la Première Dame Rosario Murillo fait tous les jours à midi: «Nous avons vaincu une tentative de coup d’Etat et ceux qui ont protesté voulaient nous achever, nous les sandinistes.» (Confidencial, 9 juin 2019; traduction A l’Encontre)
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