Des procès fabriqués par la dictature. Elle veut infliger 30 ans de prison à Oscar René Vargas

Par Octavio Enriquez

La tornade contre Guisella Elizabeth Ortega Cerón, 34 ans, professeure et militante de l’opposition nicaraguayenne, a commencé lorsque la police l’a surprise le 24 novembre dernier avec son bébé de deux ans. Elle a été placée en détention arbitraire et un scénario répété avec d’autres prisonniers politiques s’est ensuivi: séparation de la famille, une accusation peu imaginative, un procureur diligent et un juge prêt à accepter des affabulations judiciaires, même le week-end.

Les crimes reprochés à Ortega Cerón, attaquée par la dictature depuis 2018 [date de la rébellion populaire massivement réprimée], sont la «provocation», des «propos diffamatoires» et la «conspiration d’atteinte à l’intégrité nationale» ainsi que la diffusion de «fausses nouvelles», selon le dossier enregistré sous le numéro 025521-orm4-2022-PN.

Selon un rapport publié le 24 octobre par Confidencial, la dictature avait jusqu’à cette date condamné 45 Nicaraguayens pour «conspiration» et «fausses nouvelles» – avec des peines allant de sept à treize ans de prison. Parmi les victimes figurent les sept pré-candidats à la présidence qui ont été emprisonnés à l’approche des élections de 2021, lorsque Daniel Ortega et Rosario Murillo ont été réélus sans garanties démocratiques.

Si la documentation ayant trait au cas de l’enseignante Guisella Elizabeth Ortega Cerón montre quelque chose, c’est bien la rapidité avec laquelle les autorités du système judiciaire se coordonnent lorsqu’elles placent des prisonniers d’opinion sur le banc des accusés. «La vérité est que les 235 prisonniers politiques du Nicaragua sont innocents. Ils n’ont commis aucun crime», a commenté un avocat indépendant, qui a demandé à rester anonyme.

Les accusations contre l’enseignante ont été portées par le procureur Sandro Efraín Peña Urbina, qui a présenté les accusations dans un document de sept pages à 8h23 le matin du samedi 26 novembre, deux jours après l’arrestation. Il a également inculpé la nièce de la professeur, Heidi Walkiria Ortega, et Francisco Hernaldo Vásquez Delgado.

Un juge répressif est chargé du «procès»

Ce même samedi, à 9h18, le juge Rolando Salvador Sanarrusia Munguía, qui a l’habitude de persécuter d’autres prisonniers politiques, a tenu l’audience préliminaire. Lorsque l’horloge a sonné 9h35, soit 17 minutes après le début de l’audience, il avait déjà condamné les accusés à la prison, après avoir admis l’accusation lors d’une séance du tribunal du sixième district pénal de Managua.

Rolando Salvador Sanarrusia est l’un des 23 agents judiciaires de la dictature, sanctionnés par les Etats-Unis le 15 juillet. Ils ont été accusés de porter atteinte aux institutions démocratiques et d’exercer une procédure juridique discrétionnaire pour porter de fausses accusations contre des opposants nicaraguayens.

Les défenseurs étaient représentés par un avocat commis d’office. Il s’agit d’avocats mis à disposition par l’Etat pour les accusés qui n’ont pas de conseil juridique. Depuis des mois, ces avocats d’office sont également mis en cause parce qu’ils finissent par agir dans l’intérêt des procureurs et des juges du régime.

Lors de la première audience, cependant, le défenseur public a expliqué que les faits n’étaient pas assez clairs, et que n’existait pas une «individualisation» des cas qui permettrait de savoir comment l’enseignante, sa nièce Heidi Walkiria Ortega et Francisco Hernaldo Vásquez Delgado ont participé au complot invoqué par le procureur.

«Dans l’avant-dernier paragraphe, il fait référence au fait que l’accusée a organisé des plans contre le gouvernement, mais il ne détaille pas les plans, comment ils allaient être exécutés; or tout cela doit être détaillé au cas où les charges sont admises», a expliqué le défenseur public. Cependant, après avoir entendu les parties, le juge a poursuivi la procédure et a condamné l’accusé à la prison, fixant l’audience initiale au mardi 6 décembre à 9h00.

Cependant, selon les médias, la professeure Guisella Elizabeth Ortega Cerón, connue sous le nom de «Taylor», a été poursuivie prétendument parce que la police l’a impliquée dans l’impression d’autocollants aux couleurs du drapeau nicaraguayen, considérés comme subversifs par le régime depuis 2018, année où l’Etat a brutalement réprimé les opposants.

Sa nièce est la propriétaire de «Multiservicios Ortega» et le troisième accusé, Hernández, est propriétaire de «Copynic». Or cette entreprise louait des imprimantes et des photocopieuses à la première pour qu’elle puisse effectuer son travail, selon le site indépendant Artículo 66.

La CENIDH dénonce des procès «machoteros»: Oscar René Vargas en est la principale victime

Pour le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (CENIDH), ce type de procès express fabriqués par l’Etat est souvent qualifié de «machoteros», en référence au mot «machote» qui, dans le langage juridique, désigne des documents que les avocats de l’Etat ont déjà rédigés, seuls sont changés les noms des accusés et les dates des événements dans une tentative infructueuse de rendre la fabrication de l’accusation plus plausible.

«Regardez toutes les accusations présentées par le bureau du procureur. Quelles que soient les circonstances et les personnes, il s’agit toujours des mêmes crimes: conspiration ou atteinte à l’intégrité nationale. […] Les modalités d’accusation donnent l’impression que tout le Nicaragua est complice de la même action [comme dans un cybercrime où tout le monde serait impliqué]. Les autorités répriment et travaillent avec un projet d’acte d’accusation préétabli pour criminaliser les personnes», a expliqué Vilma Núñez, présidente du CENIDH.

Vilma Núñez a ajouté que le seul des prisonniers politiques à être accusé d’un crime différent était le sociologue Oscar René Vargas, qui, en plus d’être accusé de diffusion de fausses nouvelles et de conspiration, il est également accusé de rébellion. Dans aucun des cas, selon la juriste, ils n’ont de base pour cela, et ce qu’ils essaient de faire est «d’augmenter sa peine et de le criminaliser plus que les autres».

«Si aux autres les condamnations vont de 7 à 13 ans d’incarcération, pour Oscar René Vargas, ils vont vouloir le condamner à 30 ans de prison. Ou je ne sais pas à combien d’années; c’est leur intention», a affirmé la défenseure des droits de l’homme, qui considère que tous ces faits démontrent l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire afin de réprimer.

Oscar René Vargas a été arrêté alors qu’il se trouvait chez sa sœur à Bolonia [quartier de Managua], à qui il était venu rendre visite car elle est en mauvaise santé. Malgré les crimes qui lui sont imputés, le sociologue est en réalité puni pour ses critiques à l’égard du régime Ortega-Murillo. Il s’agit d’une criminalisation de son travail de sociologue et d’économiste, il diffuse depuis des années ses analyses sur son blog et dans les médias indépendants.

Ce sociologue, qui a travaillé comme conseiller de la Direction nationale du FSLN dans les années 1980, est économiste et historien et, jusqu’à son arrestation, il avait dénoncé la grave crise économique, sociale et politique que traverse le pays et la responsabilité du régime d’Ortega dans cette crise et dans l’émigration forcée de milliers de Nicaraguayens. (Article publié dans le quotidien en ligne Confidencial, le 6 décembre 2022; traduction rédaction A l’Encontre)

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Voir ci-dessous l’appel pour la défense de l’intégrité physique, de tous ses droits et pour la libération d’Oscar René Vargas

Appel. «Le professeur Oscar-René Vargas doit être libéré. Son intégrité physique assurée, au même titre que tous ses droits»

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