Brésil. 22 mars: les travailleurs sont entrés en lutte contre la réforme des retraites

Par Esquerda online

22 mars 2019. La grande presse annonce qu’une crise politique surgie entre la Chambre des députés, représentée par son président Rodrigo Maia (du parti Democratas-RJ) et le gouvernement Bolsonaro, est en train de créer des difficultés pour l’approbation de la réforme des retraites.

Tout cela se passe à peine quelques jours après l’arrestation de l’ex-président Michel Temer [voir à ce propos article publié sur ce site en date du 31 mars], qui malgré toutes ses tentatives n’est pas parvenu à faire passer cette réforme de la sécurité sociale [depuis son accession à la présidence en août 2016]. Le même jour, le marché financier vit un jour turbulent, avec la plus forte hausse quotidienne du dollar par rapport au reais depuis mai 2017 et une chute des valeurs boursières.

De son côté, la classe ouvrière a mis en place son propre agenda et a démontré sa force et son unité. A l’appel des centrales syndicales, des syndicats locaux et des mouvements sociaux, des centaines de villes à travers tout le pays ont été le théâtre de la mobilisation des travailleuses et des travailleurs contre la réforme des retraites. Diverses catégories de salarié·e·s y ont participé, autant par des activités sur les lieux de travail que des actions unitaires. Ce fut un jour important de mobilisations, un premier pas qui a mobilisé la classe et a augmenté sa confiance dans la lutte.

Un bilan du 22 mars

De nombreuses activités ont eu lieu dans tout le pays pendant le jour de mobilisation. Présentons quelques-unes de celles-ci. A São Paulo, dans la capitale, dès le petit matin, la sortie de bus a été retardée. Quand il a commencé à faire jour, des métallos des usines Ford et MercedesBenz ont tenu des assemblées où ils ont approuvé la participation à une grève générale qui pourrait être convoquée par les centrales syndicales afin d’empêcher l’approbation de la réforme, avant de poursuivre leur journée en allant défiler dans les rues de São Bernardo do Campo, dans l’ABC pauliste [la région industrielle historique de São Paulo].

Toujours dans l’Etat de São Paulo, dans les villes de São José dos Campos, de Jacareí et de Caçapava, des travailleurs de diverses usines, telles que General Motors, Heatcraft, Prolind, Panasonic, Eaton, Latecoere, Armco, MWL, Basf et Heineken ont tenu des assemblées, et dans certaines d’entre elles, une arrivée au travail retardée de la première équipe a été organisée. Dans la capitale, des métallos de diverses usines se sont mobilisés, comme dans l’entreprise Fame, dans la zone Est. Le Syndicat des travailleurs du verre a organisé des assemblées dans l’entreprise Wheaton do Brasil, à São Bernardo do Campo et dans la Cebrace, à Caçapava, avec entrée au travail retardée et distribution de tracts dans la région de Ferraz de Vasconcelos. Les employés de métro se sont mobilisés en travaillant avec des gilets rouges arborant des slogans contre la réforme.

A Curitiba [capitale du Paraná], le syndicat des métallos a organisé des manifestations aux portes de diverses fabriques et des travailleurs de diverses catégories ont dès le matin distribué des tracts dans le quartier de la Boca Maldita [Bouche maudite]. A Fortaleza [capitale du Ceará], des travailleurs de la construction civile ont retardé de deux heures leur entrée au travail et ils ont participé à une action unitaire aux côtés de travailleurs appartenant à d’autres catégories. A Goiânia [capitale de Goiás], les salarié·e·s de la ville se sont joints à l’action nationale contre la réforme des retraites à l’occasion de la journée mondiale de l’eau où ils se sont prononcés en faveur d’une distribution publique, gratuite et de qualité, rejetant ainsi clairement les tentatives des gouvernements de privatiser l’eau et l’énergie.

Des travailleurs de diverses catégories ont participé aux mobilisations mais, au sein de chacune d’entre elles, il y a aussi eu des travailleuses et travailleurs de l’éducation qui ont cessé leurs activités pour quelques heures ou même pour toute la journée. Cela s’est produit dans divers Etats, comme São Paulo, Rio de Janeiro, Rio Grande do Sul, Belém, Ceará ou Bahia ainsi que dans des villes telles que Recife et Olinda. A São Paulo, les enseignants ont tenu une assemblée avec plus de 20’000 personnes et ils sont ensuite allés grossir les rangs de l’action unitaire qui avait lieu sur l’Avenida Paulista [ce d’autant plus qu’à la tête de l’éducation le gouvernement Jair Bolsonaro, le ministre est de plus réactionnaire].

Des travailleuses et travailleurs des universités ont également participé de manière soutenue. A Rio de Janeiro, les syndicats d’enseignants et de personnel technique de l’Université fédérale Fluminense [Etat de Rio] ont organisé des paralysations. Dans l’Etat du Pará, le personnel enseignant et technique de l’Université fédérale du Pará et de l’Université de l’Etat du Pará a également cessé leurs activités, ainsi que les travailleurs de l’Institut fédéral de Pernambuco à Recife. Dans le Piauí, les enseignant·e·s de l’Université d’Etat du Piauí, qui sont en grève, ont organisé des activités de mobilisation dans pratiquement tous les campus de l’université. A Bahia, ce ne sont pas moins de cinq universités d’Etat qui ont suspendu leurs cours.

Les travailleurs de la Raffinerie de Capuava, à Mauá [dans la périphérie industrielle de São Paulo]

Les ouvriers du secteur pétrolier ont également organisé des mobilisations, et ils se sont joints aux actions unitaires dans les capitales et grandes villes, comme Campinas et Campos dos Goytacazes. Dans l’Etat de São Paulo, une arrivée retardée sur les lieux de travail a été organisée. Cela a été le cas à la raffinerie de la Petrobras à Cubatão et au terminal de la Transpetro à Santos, où les ouvriers, et même les « tertiarisés », ont pu compter sur l’appui de travailleurs de la construction civile, de métallos, d’employés du secteur judiciaire et d’employés municipaux de la ville. Egalement à São José dos Campos et à la Raffinerie de Capuava, il y a eu une mobilisation avec entrée au travail retardée.

Dans diverses villes, d’importantes actions unitaires ont été menées sur les principales places et avenues. Sur l’Avenida Paulista, l’action a réuni plus de 40’000 personnes. Les villes de Rio de Janeiro, Natal, Recife et Fortaleza ont chacune réuni près de 10 000 personnes. A Porto Alegre et à Salvador, il y en a eu près de 5 000. A Curitiba, Aracaju et Campina Grande [Etat de Pernambuco] ce furent 2 000 personnes et à Macapá et João Pessoa près de 1 000. Ce qui a frappé l’attention dans toutes ces manifestations, c’est la participation de travailleurs de diverses catégories et l’unité entre les différentes centrales syndicales. Des partis politiques comme le PSOL, le PT, le PCdoB et le PSTU étaient également présents. Plusieurs de ces manifestations ont parcouru les principales rues des villes et ont pu compter sur le soutien et la sympathie de la population.

Quels pas suivants?

La lutte contre la réforme des retraites unifie les centrales syndicales, les syndicats, les mouvements sociaux ainsi que les fronts Povo sem Medo [Peuple sans peur] et Brasil Popular. Une grande partie de la classe ouvrière perçoit que loin de combattre des privilèges, la réforme vise à ce que nous qui payions la facture alors que les banquiers et les chefs d’entreprise continuent à se mettre de l’argent plein les poches. Les travailleurs ne veulent pas de cette réforme, et ce fait doit être pris en compte par les députés et sénateurs, à un moment où le gouvernement commence à offrir des amendements parlementaires pour les « convaincre » de voter en faveur de cette attaque,

La crise politique que nous vivons dans le pays entrave la mise en place de la réforme. Mais pour mettre celle-ci en échec, il sera nécessaire que la classe ouvrière se mobilise de toutes ses forces, en bloquant le pays par une grève générale. Le 22 mars dernier a constitué un pas important vers la construction de cette mobilisation, mais ce sera insuffisant. Il faut absolument que nous fassions maintenant des pas supplémentaires. Une réunion de la Confédération des travailleurs de l’éducation a été fixée pour le 29 mars: de nouvelles dates pour des grèves et des mobilisations doivent être discutées.

Les centrales syndicales présentes lors de l’action organisée sur l’Avenida Paulista ont annoncé une grande action inédite pour le Premier mai dans la capitale. Des forums contre la réforme des retraites ont déjà été mis sur pied ou sont en train de l’être dans diverses villes telles que Rio de Janiero, Santos et Brasilia. Les centrales syndicales doivent se réunir le plus rapidement possible pour définir la suite du calendrier de mobilisation.

C’est maintenant la tâche des centrales et des syndicats d’approfondir le travail de base, en créant les conditions pour que chaque travailleur et chaque travailleuse ayant participé aux mobilisations du 22 mars s’organise pour parler avec ses collègues de travail, ses camarades d’étude et ses voisins, en expliquant que cette réforme signifie la fin de la sécurité sociale et que nous devons absolument tous nous mettre en mouvement. C’est le moment de réunir les forums et les comités à l’échelle des Etats, d’organiser des débats avec l’ensemble des travailleurs et travailleuses et de construire de nouvelles journées de mobilisation pour ainsi marcher vers la grève générale. (Article publié le 24 mars 2019 par les travailleurs de la construction civile de Fortaleza, Etat du Ceará, sur le site Esquerra online; traduction A l’Encontre)

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