Par MENA Solidarity
L’accord conclu [voir l’article publié sur ce site le 22 novembre] entre le Premier ministre soudanais déchu Abdalla Hamdok et les dirigeants du coup d’Etat militaire qui a renversé son gouvernement le 25 octobre a été rejeté avec colère par les principaux réseaux des Comités de résistance, autrement dit les organisations révolutionnaires enracinées dans les quartiers et qui ont mené la résistance au pouvoir militaire. «Cet accord ne signifie rien, nous restons sur notre position: pas de négociations, pas de participation, pas d’accord», souligne, le 22 novembre, une déclaration signée par les Comités de coordination reliant les Comités de résistance de la ville de Khartoum, de Bahri, du Grand Omdurman, du Nil du Sud-Est et d’El-Haj Youssef. «Nous appelons les révolutionnaires et les masses populaires à se rassembler autour de la direction de la révolution dans les rues, direction représentée par les Comités de résistance et des quartiers, jusqu’à ce que les objectifs de la révolution soient atteints par la défaite du coup d’Etat et l’installation d’une autorité de transition populaire et civile.»
L’accord, annoncé dimanche 21 novembre, rétablit Hamdok dans ses fonctions de Premier ministre, mais laisse intact le pouvoir des généraux qui l’ont arrêté et ont envoyé des soldats dans les rues pour tenter d’écraser les mobilisations de protestation. Le général Abdel Fattah al-Burhan restera à la tête du Conseil souverain, qui supervise les travaux du gouvernement de transition et examine la nomination des ministres. Le général Mohamed Hamdan Dagalo (Hemmeti), qui commande la brutale milice des Forces de soutien rapide, a été confirmé comme adjoint du général Al-Burhan.
L’Association des professionnels soudanais, une coalition de syndicats et d’organismes professionnels qui ont joué un rôle majeur dans le soulèvement populaire contre l’ancien dictateur Omar el-Béchir en 2019, a déclaré dans un communiqué le 21 novembre:
«Cet accord de trahison est totalement et complètement rejeté: il ne concerne que ses signataires… L’accord répond aux objectifs déclarés des putschistes en donnant du pouvoir aux restes de l’ancien régime et en perpétuant l’autorité du Service du renseignement et de la sécurité meurtrier d’El-Béchir. C’est une trahison du sang des martyrs.»
Les militant·e·s qui œuvrent à la reconstruction du mouvement syndical soudanais se sont également prononcés contre l’accord. L’Alliance des travailleurs soudanais pour la restauration des syndicats (SWARTU- Sudanese Workers Alliance for the Restoration of Trade Unions) a déclaré sur sa page Facebook: «Celui qui veut une trêve veut maintenant sauver Al-Burhan, et non protéger la révolution.» La répression dans les rues s’est intensifiée ces derniers jours, avec une douzaine de jeunes manifestants tués dans les rues de Bahri le 17 novembre, ce qui porte à plus de 40 le nombre total de morts depuis le coup d’Etat.
Les lieux de travail ont également été pris pour cible par les militaires dans le but d’installer leurs partisans à des postes de pouvoir. Vingt-cinq syndicats indépendants ont publié le 18 novembre une déclaration commune documentant certaines de ces exactions, notamment l’arrestation et la détention du président de l’Université de Gezira, l’arrestation du responsable du syndicat du personnel enseignant de l’Université de Nyala, l’arrestation et la torture d’enseignants à Kosti, dans l’Etat du Nil Blanc, et l’arrestation de travailleurs et de cadres de la compagnie pétrolière Sudapet [qui gère les concessions pétrolières accordées aux transnationales], parmi lesquels le président du comité provisoire du syndicat indépendant des travailleurs du pétrole Petro-Energy.
Les militant·e·s se mobilisent pour une nouvelle série de grandes manifestations le 25 novembre, qui marqueront le premier mois du coup d’Etat et rendront hommage aux manifestants tués par l’armée. (Publié par MENA Solidarity Network, le 23 novembre 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
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