Etats-Unis – dossier. La campagne de Zohran Mamdani: solidarité avec le mouvement et remarques critiques sur l’avenir

Par Solidarity (Against the Current)

La victoire spectaculaire de Zohran Mamdani lors des primaires démocrates [juin 2025] pour la mairie de New York et son succès probable aux élections générales du 4 novembre mettent en lumière des aspects critiques de l’agitation politique qui règne dans la ville et, plus largement, aux États-Unis.

La campagne électorale et politique de Mamdani aborde la crise du coût de la vie qui rend New York peu ou pas vivable pour une grande partie de sa population populaire, en particulier en raison des coûts du logement et des transports, de l’absence de services de garde d’enfants dignes et sûrs, et des zones où il est difficile de se procurer des biens alimentaires moins chers. Mamdani propose également une réplique au gangstérisme de l’administration Trump.

Si New York présente évidemment des caractéristiques particulières, la crise du logement n’est pas seulement propre à cette ville. Elle détruit la vie de nombreuses communautés urbaines et rurales aux États-Unis. À cela s’ajoute le terrorisme de l’administration Trump, qui envoie des hommes masqués [les membres de l’ICE-United States Immigration and Customs Enforcement] dans les communautés pour arrêter, emprisonner et expulser les personnes qui cherchent refuge et pour intimider quiconque ose prendre leur défense. [New York a le statut d’une «ville sanctuaire» garantissant formellement au moins l’accès aux soins médicaux, à la scolarisation des enfants sans crainte d’expulsion.]

La position de Mamdani auprès des communautés immigrées a poussé Trump à déclarer qu’il devrait être expulsé. Même s’il s’agit là de fanfaronnades creuses, c’est une incitation implicite à la violence en cette période particulièrement effrayante de la politique états-unienne. Et cela menace certainement les communautés musulmanes de la ville et de l’Etat.

Le génocide à Gaza, perpétré conjointement par l’État israélien et les États-Unis, ainsi que le nettoyage ethnique et l’annexionnisme israélien en Cisjordanie palestinienne sont des questions clés dans la campagne de Mamdani. Son soutien aux droits des Palestiniens l’a amené à se rendre dans des synagogues pour engager un dialogue constructif avec la communauté juive, car il se range aux côtés des Juifs qui soutiennent la libération des Palestiniens. Pourtant, lui et ses partisans sont vicieusement qualifiés par la droite d’«antisémites» et de «partisans du terrorisme». Solidarity soutient Mamdani et ses partisans dans leur opposition à l’islamophobie.

Mamdani lui-même est un «socialiste démocratique» convaincu et les sondages suggèrent que jusqu’à 40% des Américains voient d’un œil favorable le «socialisme», même s’il n’est pas clairement défini. La campagne propose essentiellement des réformes dans la tradition du New Deal [1933-1938], ce qui est un vrai scandale pour les élites au pouvoir à New York et aux États-Unis. Des éléments importants du programme de Mamdani sont conformes à des principes socialistes, mais la campagne ne remet pas en cause le cadre de l’économie capitaliste.

Mamdani a clairement choisi de se présenter au sein du Parti démocrate, plutôt que de suivre une voie indépendante. Solidarity ne partage pas ce point de vue. En fait, nous y voyons une contradiction avec les revendications de la campagne. Et nous constatons que l’establishment du Parti démocrate fait tout son possible pour éluder ces thèmes.

Troisième jour de la grève de la faim 2021 avec Zohran Mamdani et le syndicat NYTWA.

Le succès de Mamdani montre l’importance d’une campagne bien organisée et, dans ce cas précis, d’une organisation socialiste ainsi que d’un solide réseau communautaire qu’il a mis en place en tant que député à l’Assemblée de l’État de New York. Cela inclut, par exemple, sa grève de la faim [en novembre 2021] en faveur des propriétaires de licences de taxi [qui étaient fortement endettés].

La campagne a pu s’appuyer sur des militants communautaires, syndicaux et socialistes pour réussir. Une mobilisation encore plus importante sera nécessaire pour atteindre ses objectifs en matière de justice économique et sociale en cas de victoire.

Les camarades membres de Solidarity à New York ont vu comment la visibilité de la campagne, ses affiches et ses pancartes artisanales, ainsi que ses activités attirant des foules immenses en quelques heures, ont changé le visage de la politique municipale.

DSA (Democratic Socialists of America) de New York a mobilisé des milliers de ses membres pour faire du porte-à-porte et du démarchage de quartier en faveur de Mamdani, qui est lui-même un membre engagé – c’est-à-dire plus que sur le papier – de DSA. Dans le même temps, Mamdani s’est toujours engagé à se présenter comme candidat au sein du Parti démocrate. Il est fort probable qu’il construise sa coalition gouvernementale avec des éléments de l’appareil du parti qui insisteront sans aucun doute pour supprimer la dimension radicale de son programme.

Solidarity ne soutient pas la tactique consistant à mener des campagnes électorales lors des primaires démocrates ou sur la ligne du parti démocrate. Il est toutefois impressionnant de constater que le message, les mécanismes et la logistique de cette campagne ont mobilisé et formé des dizaines de milliers de personnes, permettant d’obtenir le plus grand nombre de voix jamais obtenu à l’occasion des primaires démocrates à New York.

Malgré l’engagement de Mamdani envers le Parti démocrate, il ne s’agissait certainement pas d’une campagne menée par la direction du parti, qui est étroitement liée aux élites financières et immobilières les plus irritées par le message de Mamdani sur l’accès facilité, en termes financiers, au logement, aux transports et à divers services. La gouverneure de l’Etat de New York Kathy Hochul [en fonction depuis 2021] – qui se présente à sa réélection l’année prochaine et qui est plus sensible aux pressions – a tardivement apporté son soutien au candidat de son parti à la mairie, tandis que le malheureux leader de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, et le leader de la minorité démocrate au Congrès, Hakeem Jeffries, restent soit silencieux comme Chuck Schumer ou affirme que Mamdani ne représente pas le futur du Parti démocrate.

Certains membres de l’establishment démocrate de l’État ont apporté leur soutien à Mamdani, y compris le centriste pro-israélien Richie Torres, mais le chef du parti dans l’État, Jay Jacobs, a refusé de le faire.

À moins de cinq semaines des élections, Eric Adams [maire de New York depuis janvier 2022 ; l’administration Trump est intervenue pour faire classer une accusation contre Adams pour corruption à condition d’une meilleure collaboration pour l’expulsion des migrants] s’est retiré de la course. Sans soutenir Andrew Cuomo [gouverneur de l’Etat de New York de 2011 à 2021], Adams a mis en garde les électeurs contre les «forces insidieuses» qui poussent à «des programmes qui divisent». Cuomo a eu l’occasion de débloquer sa tirelire [il a réuni des fonds importants grâce à un super PAC] et à tenter de remonter son retard pour dépasser Mamdani.

Bien que ce scénario soit encore improbable, une victoire de Mamdani se heurterait à la colère vengeresse des élites financières de la ville, à la menace du gang Trump et à la résistance de la gouverneure Kathy Hochul. Certaines des mesures dont New York a besoin doivent être approuvées à l’échelle de l’État, en particulier une surtaxe de 2% sur les revenus supérieurs à 1 million de dollars par an et une augmentation du taux d’imposition des sociétés à 11,5%.

Les défis auxquels sera confronté tout nouveau maire progressiste de New York sont redoutables. Certains d’entre eux sont décrits dans l’article de Howie Hawkins. dans Counterpunch du 8 juilllet 2025:

«Si Mamdani survit à l’élection générale, les mêmes forces entrepreneuriales résisteront et saperont sa mairie. Les grands capitalistes ont le pouvoir privé de détruire l’économie et la stabilité budgétaire de la ville de New York par une grève du capital ou une fuite des capitaux, comme ils le menacent déjà de le faire. Les dirigeants démocrates pro-entreprises, comme Kathy Hochul au poste de gouverneur et les dirigeants de l’assemblée législative de l’État, ont déjà clairement indiqué qu’ils bloqueraient ses propositions d’augmentation des impôts municipaux sur les revenus personnels supérieurs à un million de dollars par an et sur les grandes entreprises, revenus dont il a besoin pour financer ses réformes. Il aura besoin de l’accord de l’État de New York pour ces réformes fiscales. Le gouvernement fédéral rendra également la vie difficile au maire Mamdani. Il suffit de se rappeler le refus du président Gerald Ford d’accorder une aide fédérale à la ville lors de la crise financière de 1975, qui a donné lieu au célèbre titre du tabloïd New York Daily News: “Ford à la ville: allez vous faire voir”. Le président Trump l’a déjà dit: “S’il est élu, je serai président, et il devra faire ce qu’il faut, sinon ils n’auront pas d’argent.” Mamdani pourrait se retrouver à la tête de la ville, mais sans avoir le pouvoir. Cela pourrait aboutir à une situation similaire à celle que connaît le maire progressiste de Chicago, Brandon Johnson, depuis son élection en 2023.» [Trump a menacé de mettre en prison Brandon Johnson car il s’est opposé au déploiement de la Garde nationale à Chicago. De plus, les agents de l’ICE sont très actifs à Chicago.]

Une longue analyse d’Eric Blanc (JACOBIN, 2 septembre 2025), intitulée «Zohran Mamdani peut aider à reconstruire le mouvement syndical new-yorkais», souligne l’urgence et les possibilités sur ce terrain:

«Il est essentiel d’inverser le déclin du mouvement syndical pour atteindre l’objectif global de Mamdani, à savoir une ville de New York abordable. Dans un État qui affiche les inégalités de revenus les plus élevées du pays, des millions de salarié·e·s ont un besoin urgent d’une augmentation de salaire et d’une protection de l’emploi que seul un syndicat peut leur offrir. De plus, il faudra une augmentation considérable du pouvoir populaire pour forcer Albany [la capitale] et la gouverneure Kathy Hochul à financer les principaux projets politiques de Mamdani en matière de garde d’enfants, de transport et de logement. La renaissance des syndicats pourrait à la fois alimenter et se nourrir d’un mouvement ascendant plus large en faveur d’un New York abordable.»

Malgré le démantèlement par Trump du Conseil national des relations du travail [National Labor Relations Board-NLRB, agence indépendante du gouvernement fédéral, chargée de veiller au respect du droit syndical], il existe des outils grâce auxquels «Mamdani pourrait tirer parti de sa plateforme et de ses politiques publiques pour aider New York à redevenir un bastion du pouvoir des travailleurs». Il s’agit notamment des lois municipales (LPA) qui peuvent être utilisées «pour exiger que les employeurs qui reçoivent des fonds de la ville n’interfèrent pas lorsque leurs employés se syndiquent».

Autre exemple: après trois décennies néolibérales désastreuses au cours desquelles le pourcentage de grands travaux de construction réalisés par des syndicats à New York est passé de 80% à 22%, sous Mamdani «la ville pourrait créer au moins 15 000 emplois syndiqués en rénovant cinq cents écoles municipales pour en faire des «écoles vertes» et, à terme, «lancer d’autres projets d’infrastructure réalisés par des syndicats, par exemple en décarbonisant tous les bâtiments publics et en mettant en place des programmes solaires municipaux ou en construisant des protections contre les inondations liées aux tempêtes et l’élévation du niveau de la mer».

Eric Blanc évoque des possibilités similaires dans des secteurs allant des soins et de l’emploi à but non lucratif jusqu’à Amazon, en passant par les petits boulots, l’hôtellerie et la restauration. La question reste ouverte de savoir si les syndicats new-yorkais, contrôlés par la bureaucratie, sont capables d’organiser ces secteurs. Mamdani ne peut bien sûr pas faire renaître le mouvement syndical new-yorkais. Ce que son administration peut faire, c’est lever les obstacles qui empêchent les travailleurs de le relancer eux-mêmes.

Il sera particulièrement important de soutenir et de transformer le mouvement qui a fait avancer la campagne de Mamdani. C’est un contrepoids essentiel aux pressions auxquelles il s’affrontera et aux concessions qu’il sera contraint de faire (et qu’il fait déjà). Ce mouvement doit devenir une force qui organise des manifestations et des rassemblements de masse, mobilise les grèves des salarié·e·s et des étudiant·e·s, et s’étende à d’autres parties de l’État, alors que les travailleurs et travailleuses réclament leur «juste part» de toute augmentation des impôts sur les riches.

Solidarity s’oppose systématiquement à l’illusion selon laquelle le Parti démocrate peut être réformé pour devenir une force progressiste. C’est un parti du capital et de l’impérialisme des Etats-Unis, même s’il affiche un visage libéral. La victoire de Zohran Mamdani ne changera pas cette réalité. Il est beaucoup plus probable que les pressions du gouvernement et les exigences de l’establishment démocrate érodent la force de Mamdani et de son mouvement.

Nous sommes solidaires de ce mouvement et ferons tout notre possible pour l’inciter à suivre une voie indépendante, en opposition aux exigences de la classe dirigeante de New York et des États-Unis et de l’establishment démocrate.

En tant qu’organisation socialiste révolutionnaire, la stratégie de Solidarity pour le changement consiste notamment à préconiser une action politique indépendante en dehors et contre les partis capitalistes démocrate et républicain. Dans le cadre de l’élection du maire de New York, les membres de Solidarity ont des opinions divergentes sur la manière de voter. La majorité soutient le vote pour Mamdani, en solidarité avec le mouvement, contre la réaction islamophobe qui se mobilise contre lui, et en soutien critique à sa campagne pour la mairie.

Il y aura de nombreuses leçons importantes à tirer de cette campagne, et plus encore des luttes à venir. Nous participerons activement à ces luttes et aux discussions qui les accompagneront. (Article de Solidarity publié dans sa revue Against the Current, en octobre 2025; traduction rédaction A l’Encontre)

*****

Le candidat, les milliardaires et les démocrates. Quelle mobilisation pour que les projets de Mamdani deviennent réalité?

Par Mel Bienenfeld

[Les experts prédisent la victoire de Zohran Mamdani depuis le débat des candidats à la mairie de New York du 16 octobre. Mamdani, qui se décrit comme un candidat social-démocrate soutenu par la gauche progressiste, a proposé des réformes économiques (telles que des logements abordables) qui profiteraient aux New-Yorkais. Il avait exprimé son soutien à la Palestine et critiqué les pratiques policières racistes, mais il est revenu sur ces positions. Mel Bienenfeld, de Tempest [Collectif socialiste], décrit comment Mamdani prend également ses distances avec ses ancrages de gauche en rencontrant les milliardaires new-yorkais et en fréquentant les élites de la ville. – Tempest]

Deux semaines avant la primaire municipale de juin à New York, l’ancien maire Michael Bloomberg a annoncé son soutien à Andrew Cuomo pour l’investiture démocrate. Quelques jours plus tard, Bloomberg a fait un don de 5 millions de dollars au super PAC de Cuomo, qu’il a complété par 3 millions de dollars supplémentaires à l’approche de la primaire de juin.

Mais le 11 septembre, après que plusieurs sondages ont indiqué une avance confortable de Zohran Mamdani sur Cuomo (qui se présente désormais en tant qu’indépendant) et ses autres rivaux, Bloomberg et Mamdani se sont rencontrés pendant près d’une heure pour une discussion qualifiée par un conseiller de Bloomberg de «cordiale et … substantielle». Mamdani a demandé des conseils sur la manière de gérer la mairie et de sélectionner des candidats compétents, tout en conservant ses désaccords avec Bloomberg sur certaines questions (notamment le programme de Mamdani en matière d’accessibilité financière et, bien sûr, sa position sur Israël).

Une rencontre «cordiale» entre ces deux hommes est particulièrement ironique. Bloomberg, en tant qu’homme d’affaires milliardaire new-yorkais et maire ayant récemment accompli trois mandats [de janvier 2002 à décembre 2013], peut être considéré comme l’incarnation personnelle de la phase finale de la transition du gouvernement municipal qui est passé d’une ville modelée sur l’Etat providence du New Deal et de la Grande Société (avant la crise financière des années 1970) vers un promoteur du développement économique post-industriel et d’une meilleure qualité de vie pour les classes supérieures et moyennes supérieures professionnelles et technocratiques (ce que Bloomberg lui-même a qualifié de «produit de luxe»).

Quelle que soit la symbolique que l’on puisse lire dans la rencontre avec Bloomberg, ce qui est bien plus important – et plus largement couvert par la presse – c’est la rencontre du 15 juillet avec «plus d’une centaine de PDG de grandes entreprises». Selon les calculs de Mamdani, il a besoin, sinon d’un soutien actif, du moins de l’absence d’hostilité de la part de l’élite commerciale de la ville. De leur côté, les PDG, préoccupés (entre autres) par la promesse de Mamdani d’augmenter les impôts des riches, ont apprécié l’occasion d’avoir une discussion franche avec l’homme qui est susceptible de diriger la municipalité dans quelques mois.

La réunion a été organisée à la demande de Mamdani par Kathy Wylde, PDG du Partnership for New York City, une personnalité influente de New York. Mamdani l’a appelée deux jours après sa victoire aux primaires, souhaitant s’entretenir avec des chefs d’entreprise préoccupés par son programme. «À qui puis-je m’adresser?», lui a-t-il demandé, se souvient-elle. Kathy Wylde a déclaré sur ABC News que le monde des affaires «souhaite que le maire, quel qu’il soit, entretienne des relations et comprenne les enjeux qui permettront à notre ville de rester forte».

Le Partnership for New York City a été fondé en 1979, à la fin de la crise financière de New York, par David Rockefeller, PDG de Chase Manhattan. Au départ, son objectif était de reconstruire une ville dévastée par les crises économiques des années 1970, en utilisant des fonds privés mais en collaboration avec les autorités locales. Il s’agissait de ramener les entreprises dans la ville (après le départ de la plupart des industries manufacturières) et de reconstruire une classe moyenne. Il s’agissait d’une des initiatives des chefs d’entreprise new-yorkais de l’époque visant à promouvoir collectivement des politiques et des programmes destinés à résoudre les problèmes de la ville et à encourager les investissements privés et publics dans ces programmes (conformément aux intérêts des firmes et, pourrait-on ajouter, au consensus politique néolibéral naissant). Ses dirigeants actuels sont principalement des PDG de sociétés immobilières et financières, et leur objectif principal est aujourd’hui de renforcer la position de la ville en tant que centre mondial de développement économique et d’innovation. Kathy Wylde, l’actuelle PDG, siège également au conseil d’administration de groupes de réflexion sur les politiques publiques dans des domaines tels que l’éducation, le tourisme et le développement économique, ainsi que dans des think tanks sur les politiques générales, notamment le Manhattan Institute, qui est plutôt conservateur.

Le lendemain de la réunion, Wylde est apparue dans l’émission «Squawk Box» de CNBC [chaîne économique]. Les animateurs de l’émission ont exprimé le scepticisme vif (et parfois hystérique) du monde des affaires à l’égard du candidat socialiste et de ses propositions, et ont demandé à Wylde son impression. Elle a déclaré que Mamdani était «le candidat le plus convaincant qu’ils [les membres du Partnership] aient vu depuis des générations». Son inexpérience était considérée comme un problème majeur, mais selon elle, il avait «parfaitement cerné» les défis auxquels la ville était confrontée. Bien sûr, elle et les dirigeants d’entreprise étaient en désaccord avec une grande partie des solutions qu’il proposait, mais, même si le candidat «ne transigeait pas sur ses principes», il était «ouvert à un apprentissage». Wylde a suggéré que Mamdani pourrait retirer son projet de gel des loyers et, à la place, empêcher leur augmentation en ne relevant pas les impôts fonciers. La présentatrice de télévision a souligné que ses autres propositions, comme la gratuité des bus, nécessiteraient tout de même une augmentation des impôts par le gouvernement de l’État, ce qui se heurterait à une forte opposition des entreprises. Wylde a répondu que la réunion avait donné lieu à un «débat animé». Elle a déclaré qu’elle doutait que les opinions aient changé concernant Mamdani en général, mais que la tension était retombée «en termes de crainte». Enfin, et c’est très important pour le monde des affaires, Mamdani avait promis d’envisager de maintenir Jessica Tisch au poste de responsable de la police de New York [qu’elle occupe depuis novembre 2024], «avec son père [James Tisch, PDG de Loew’s] assis au premier rang».

Plus récemment (le 9 septembre), Kathy Wylde s’est entretenue avec le podcasteur Juan Manuel Benitez. Elle a répondu à sa question «Pourquoi les chefs d’entreprise paniquent-ils?» en disant: «Je suis intervenue à ce propos. Ils sont un peu moins paniqués maintenant.» Les craintes concernant ses positions sur Israël restent importantes, mais les inquiétudes concernant son engagement en faveur du «développement économique» se sont apaisées. (Wylde a fait référence aux «tweets de jeunesse» de Mamdani qualifiant le capitalisme de maléfique). Elle a également déclaré que si certains hommes d’affaires de premier plan, principalement dans les secteurs de la finance et de l’immobilier, ont financé les adversaires de Mamdani, la plupart «travailleront avec celui qui gagnera» sur le plan local, réservant leur soutien financier aux candidats nationaux. Ils n’appréciaient pas l’ancien maire démocrate progressiste Bill DeBlasio [maire de 2014 à 2021], mais «Zohran est beaucoup plus sympathique» et moins vindicatif. Mamdani est «pragmatique et non idéologique». Wylde a notamment cité la «sécurité» comme une préoccupation majeure des entreprises et a de nouveau souligné l’importance de maintenir la responsable de la police Jessica Tisch à son poste.

Jessica Tisch a été nommée responsable de la police de New York en novembre 2024. L’une de ses principales préoccupations, comme elle l’a indiqué lors d’une réunion en février 2025 de l’Association for a Better New York (ABNY), était d’annuler les réformes de 2019 concernant les lois de l’État de New York sur la divulgation des preuves (qui exigent que les preuves supplémentaires du ministère public soient communiquées aux avocats de la défense). Elle a déclaré que ces réformes avaient créé une «porte tournante» permettant aux personnes accusées de délits mineurs de devenir des récidivistes. Selon Jessica Tisch, si les crimes graves ont globalement connu une forte baisse dans la ville au cours des dernières années, bon nombre de ceux dont les poursuites pour délits mineurs ont été abandonnées avaient purgé des peines de prison pour des crimes antérieurs et avaient ensuite récidivé après avoir échappé à une condamnation pour délit mineur. Quelques mois plus tard, la gouverneure Kathy Hochul a annoncé que, dans le cadre de l’accord budgétaire conclu entre elle et le législatif, les réformes de 2019 avaient été annulées afin de «lutter contre la récidive» et de «réprimer la criminalité».

Mamdani s’est publiquement opposé aux mesures proposées par Kathy Hochul. Sa décision de remplacer ou non Tisch sera probablement révélatrice de son degré d’influence par le discours de «répression de la criminalité» et s’éloignera encore davantage de sa position antérieure en faveur du «défund the police» [réduction drastique des crédits pour la police, un thème qui est apparu avec Black Lives Matter; la police aux Etats-Unis a été fortement équipée par du matériel issu de l’armée].

L’ABNY elle-même ne montre aucune ambivalence sur la question de Tisch et de ses politiques. Chaleureusement accueillie lors du «Power Breakfast» de février, elle est en fait la petite-nièce du cofondateur de l’ABNY, Preston Robert Tisch (avec le promoteur immobilier Lew Rudin). «Bob» Tisch et son frère Laurence (le grand-père de Jessica) étaient propriétaires des cinémas Loew’s. À ce titre, ils s’intéressaient à l’avenir de la ville de New York au début des années 1970, alors que la ville était de plus en plus incapable de payer ses factures et que le défaut de paiement semblait imminent. L’ABNY a été l’une des premières initiatives de ces entreprises (financières, immobilières et de divertissement, entre autres) qui sont restées dans la ville après le départ de la plupart des industries manufacturières, afin d’assumer collectivement la responsabilité de garantir que la ville survivrait à tout défaut de paiement et se redresserait grâce à un environnement commercial amélioré.

Lors de sa création en 1971, l’ABNY a promu des solutions volontaires (telles que l’«Opération Clean Sweep», dans le cadre de laquelle les propriétaires d’immeubles et leurs employés ont été mobilisés pour maintenir la ville propre malgré la pénurie d’éboueurs) et des initiatives «philanthropiques» de la part d’entreprises privées pour intervenir là où le gouvernement municipal était incapable de le faire. Certaines parties de l’excellent récit de la crise financière dans le livre Fear City. New York’s Fiscal Crisis and the Rise of Austerity Politics, Metropolitan Books, 2017, de l’historienne Kim Phillips-Fein de l’université Columbia traitent de cette évolution. Plus tard, lorsque la ville (et le monde) est entrée dans l’ère néolibérale dans les années 1980 et 1990, l’ABNY a encouragé des réformes dans les domaines de l’éducation, des transports, des soins de santé et autres, trouvant des alliés dans les administrations des maires Ed Koch [1978-89], David Dinkins [1990-93], Rudy Giuliani [1994-2001] et Michael Bloomberg [2002-2013]. En septembre 2025, l’ABNY a remis des prix à trois «personnalités civiques». L’un d’eux était un membre senior de la Fondation Ford. Les autres étaient Kathy Wylde et Jessica Tisch.

La «charmante offensive» de Mamdani envers le monde des affaires et son intérêt pour un partenariat avec celui-ci sont-ils simplement basés sur la reconnaissance qu’il n’a pas d’autre choix, ou est-il en réalité moins socialiste que ne le laisse penser son appartenance à DSA?

Plus récemment encore (le 9 octobre), l’ABNY a invité Zohran Mamdani à prendre la parole dans le cadre d’une série de conférences avec les candidats à la mairie. Il a déclaré à l’auditoire (qu’il a qualifié de «certains des leaders les plus avant-gardistes de notre ville») que la crise du logement abordable ne touche pas seulement les travailleurs pauvres, mais aussi les petites entreprises et les entreprises en général. Il a évoqué non seulement les coûts matériels et immobiliers, mais aussi plus particulièrement le coût de la main-d’œuvre qualifiée («Il devient presque impossible d’attirer les meilleurs talents dont nous avons besoin dans cette ville»), attribuant à cela la lenteur de la croissance de l’emploi après la pandémie.

Mamdani a ensuite annoncé une proposition spécifique: lancer un «partenariat public-privé approfondi» avec un programme pour la Coupe du monde de la FIFA de l’année prochaine. (New York et le New Jersey voisin seront l’une des villes hôtes, et la finale s’y déroulera.) Afin de relancer le tourisme en déclin, il a promis de nommer un «tsar de la Coupe du monde». Ce «tsar» superviserait un programme visant à réduire les formalités administratives, les frais et les amendes et à faciliter la circulation des touristes dans la ville.

Après le discours, un modérateur a déclaré à Mamdani que «nous adorons» l’idée du tsar et l’a bombardé de questions attendues. Voici quelques réponses intéressantes:

  • « Je critique des personnes comme Bloomberg lorsque cela est nécessaire, mais je les cite de manière positive pour leurs bonnes réalisations.»
  • «J’aurai de meilleures relations avec la police que DeBlasio. En discutant avec des agents de base, je comprends certaines des causes de la crise de fidélisation, telles que les heures supplémentaires obligatoires et le fait qu’on attend d’eux qu’ils agissent comme des travailleurs sociaux. Si le moral s’améliore, il ne sera pas nécessaire d’embaucher davantage d’agents.»
  • «Je suis disposé à garder la responsable Jessica Tisch en raison des résultats qu’elle a obtenus: elle a éradiqué la corruption et présidé à une baisse de la criminalité.»
  • «Pour moi, le socialisme démocratique signifie que le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que les gens obtiennent ce dont ils ont besoin pour mener une vie digne. Les produits de première nécessité doivent être abordables.»

La «charmante offensive» de Mamdani envers les entreprises et son envie de bosser avec elles, c’est juste parce qu’il sait qu’il n’a pas d’autre choix, ou est-il en fait moins socialiste que son adhésion à la DSA le laisse penser? Est-il plutôt juste un progressiste (très doué) du Parti démocrate?

Alors que la gauche examine les perspectives offertes par une victoire de Mamdani, je pense qu’il est moins important de répondre aux questions ci-dessus que de constater ce qu’il va faire réellement. Nous ne sommes certainement pas à un stade où la lutte de masse a renforcé la détermination des politiciens et encouragé une forte opposition aux intérêts des entreprises. Mamdani, le candidat à la mairie, ne s’est même pas prononcé contre le pouvoir et la richesse des milliardaires dans la même mesure que Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio-Cortez (AOC). Et il n’est certainement pas prêt à s’attirer leur colère comme l’a fait Franklin Delano Roosevelt lors de sa campagne de réélection en 1936 («Je me réjouis de leur haine»).

Les démocrates

L’attitude des politiciens démocrates à l’égard de Mamdani a évolué de manière similaire à celle des chefs d’entreprise, en général, passant d’une panique initiale face à sa victoire aux primaires, du moins chez certains acteurs importants, à un sentiment partagé par beaucoup qu’il est possible de travailler avec lui avec succès malgré les différences.

Le ton exagéré de l’ancien gouverneur [2008-2010] David Paterson («S’il est le remède pour guérir le parti, alors le cyanure est le remède contre le mal de tête ») n’a plus été entendu depuis peu après les primaires. Alors que les efforts pour soutenir un autre candidat en novembre ont échoué et que la réalité d’une probable victoire de Mamdani s’est imposée, les démocrates qui sont amenés à travailler étroitement avec lui – la gouverneure Kathy Hochul et les dirigeants des deux Chambres de la ville – ont adopté une attitude plus coopérative. Hochul a finalement apporté son soutien à Mamdani le 14 septembre, expliquant son choix dans une déclaration plutôt tiède publiée dans le New York Times. Elle a salué l’importance qu’il accorde à l’accessibilité financière, son courage et son optimisme, et a déclaré qu’il avait accepté de «veiller à ce qu’un leadership fort soit à la tête du NYPD» [police de New York]. Elle a toutefois pris soin de mentionner à plusieurs reprises dans son article qu’elle et lui ne seraient pas d’accord sur tout et qu’elle s’attendait à avoir des «discussions animées» avec lui.

La présidente de la majorité au Sénat de l’État, Andrea Stewart-Cousins, s’est montrée beaucoup moins ambivalente. Bien que son soutien officiel ait été le dernier parmi les «trois personnes dans la pièce», elle avait indiqué son soutien à Mamdani peu après sa victoire aux primaires. Son soutien, le 19 septembre, était plus enthousiaste que celui des deux autres. Elle avait auparavant déclaré publiquement qu’elle avait été impressionnée par l’enthousiasme qu’il avait suscité parmi les électeurs pendant la primaire. Elle a ensuite déclaré à un journaliste de télévision qu’elle serait heureuse que la ville ait un dirigeant «qui stimule vraiment les gens et leur redonne espoir».

Le président de l’Assemblée de l’Etat, Carl Heastie, s’était montré plus réticent. Craignant que certains de ses membres ne soient pénalisés lors des prochaines élections si leur chef soutenait un socialiste – ou un musulman partisan de la Palestine – et irrité par le fait que DSA a présenté (parfois avec succès) des candidats aux primaires contre les démocrates traditionnels de l’Assemblée, Heastie se trouvait dans une position difficile. Le président du Parti démocrate de l’État de New York, Jay Jacobs, avait refusé de soutenir Mamdani (en raison de sa position sur Israël et de ses opinions socialistes), tout comme les leaders démocrates du Congrès Chuck Schumer et Hakeem Jeffries, tous deux New-Yorkais, et la plupart des délégués démocrates de la ville au Congrès. C’est peut-être le soutien de Hochul qui a finalement convaincu Heastie.

L’une des principales raisons – peut-être la plus importante – pour laquelle Mamdani a besoin du soutien des démocrates de l’État est que ses propositions nécessiteront de nouvelles recettes de la part de l’État. La ville de New York n’est légalement pas en mesure de fixer ses propres taux d’imposition, Mamdani demandera donc à la législature d’augmenter les impôts des riches afin de financer ses propositions de bus gratuits et d’amélioration des services de garde d’enfants.

Les dirigeants démocrates de l’Assemblée législative ne s’opposent pas à ces augmentations d’impôts. Heastie et Stewart-Cousins les soutiennent tous deux en principe. Heastie a fait remarquer que l’impôt sur les millionnaires «recueille un très bon score dans les sondages », et Stewart-Cousins a souligné que les coupes dans les programmes de l’État résultant du «Big, Beautiful Bill» de Trump ont créé un déficit budgétaire important qui devra de toute façon être comblé d’une manière ou d’une autre. Kathy Hochul, cependant, reste opposée à l’augmentation des impôts sur les hauts revenus, craignant d’être attaquée par la droite lors de sa campagne de réélection en 2026 et que des impôts plus élevés incitent les riches à quitter l’État. Quoi qu’il en soit, l’adoption d’un projet de loi budgétaire incluant de telles augmentations l’année prochaine sera très difficile, compte tenu du pouvoir de lobbying des entreprises et de l’opposition totale de la minorité républicaine, le tout en année électorale [élections de mi-mandat]. Tout ce que Heastie a pu promettre, c’est qu’il y aura «une discussion approfondie sur l’augmentation des recettes». Il a déclaré à un journaliste de CBS News que si Hochul s’oppose à une augmentation des impôts, «il existe de nombreux moyens d’augmenter les recettes dans cet État». Mamdani est d’accord, affirmant que «le plus important est ce que nous finançons, et non comment nous le finançons».

Les socialistes, quelle que soit leur tendance au sein de DSA ou plus à gauche, devraient soutenir les luttes visant à réaliser le programme de Mamdani, même sous une forme affaiblie. Mais nous ne devons pas nous faire d’illusions sur le fait que Mamdani lui-même est un combattant de classe. Le lendemain du soutien apporté à Hochul, Basil Smikle, consultant démocrate, ancien directeur exécutif du Parti de l’État de New York et invité régulier de MSNBC, est apparu sur cette chaîne pour répondre à des questions sur ce soutien. L’animateur lui a demandé si Mamdani était trop à gauche pour le parti. D’un ton détendu, il a répondu qu’il ne le considérait pas comme «de gauche», mais plutôt comme quelqu’un qui «défend des idées». L’animateur a souligné certaines des positions de Mamdani et a demandé à Smikle s’il pensait qu’il allait modérer son discours. «Il devra le faire», a répondu Smikle. En fait, moins d’un mois plus tard, c’est déjà ce qu’il a fait.

La satisfaction apparente de Smikle à l’égard de Mamdani correspond à certaines réflexions sur la manière dont les démocrates peuvent sortir de la «crise» du parti. Afin de remporter les élections, la plupart de ces réflexions se concentrent sur un «message» approprié, et certains proposent «un message économique cinglant délivré par des outsiders politiques qui s’opposent aux puissants» (ou ce que l’on a appelé ces dernières années le «populisme»). La victoire de Mamdani aux primaires, selon cette réflexion, en est un exemple parfait.

Nous verrons dans quelle mesure (si tant est qu’il y en ait une) le Parti démocrate national s’orientera dans cette direction, du moins dans le discours de campagne de ses candidats. Nous verrons également si l’espoir qu’un mouvement tel que la campagne de Mamdani nous mène vers une politique indépendante de la classe laborieuse se concrétisera ou s’il se dissoudra dans une possibilité pour les démocrates de faire campagne en tant que «populistes», en utilisant des messages ambigus et changeants afin de ne pas inquiéter les donateurs milliardaires qui, sinon, mettraient fin à leur carrière en soutenant leurs adversaires aux primaires.

Mais tout cela devrait nous préoccuper beaucoup moins, nous qui vivons à New York, que ce qu’il faut faire maintenant. Les propositions qui faciliteraient véritablement la vie des New-Yorkais de la classe laborieuse, même modestement, valent vraiment la peine d’être défendues, à la fois pour que ces propositions deviennent réalité et pour que ceux qui luttent acquièrent de l’expérience, prennent conscience de leur force, réinventent ce qui est possible, apprennent à débattre de la stratégie et forment des organisations durables, multiraciales et traitant de multiples questions. Même si Zohran Mamdani était plus disposé à marcher sur les plates-bandes des puissants qu’il ne semble l’être, lui, son équipe de campagne et les experts politiques qu’il amènerait à la mairie n’ont pas le pouvoir, à eux seuls, de vaincre un gouverneur et un establishment politique et économique déterminés à limiter ses réalisations.

Beaucoup de partisans actifs de Mamdani en sont conscients. Espérons qu’ils feront partie de ceux qui seront prêts à s’organiser pour mener les actions disruptives nécessaires à la réussite de son programme. Peut-être que les groupes qui luttent actuellement contre Trump (et ses attaques contre les villes) pourront mettre à profit leur expérience organisationnelle et leurs relations pour aider à mettre en place de telles actions. Cela ne se produira pas avant le jour des élections, car avant cela, il sera trop important pour eux de mobiliser les électeurs électrices. Mais pour mener une lutte efficace par la suite, ils devront cesser d’espérer que le Parti démocrate (ou une partie de celui-ci) soit un rempart efficace contre Trump et la droite politique ou qu’il s’oppose sérieusement à la domination obscène de la société par les capitalistes milliardaires. (Publié sur le site Tempest le 22 octobre; traduction-édition par la rédaction A l’Encontre)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*